Chose promise, chose due. Après le calme blanc, de longs et fastidieux bords de près, place à la glisse sous spi dans de fortes accélérations du vent. Si le plaisir de longs surfs au portant pourrait l’emporter, les solitaires, qu’ils soient bizuths ou comptent parmi les gros bras de la brise, ne cachent pas privilégier la prudence en approche de ce passage délicat. Depuis ce matin, tous se préparent à courber l’échine pour parer le célèbre cap Finisterre qui, fidèle à son habitude, ne se laissera pas doubler comme ça. « On entre en mode guerre », dixit Yoann Richomme (Skipper Macif 2014) ce matin à la VHF.
Pourtant si la vigilance l’emporte aux quatre coins de la flotte, la régate n’a en rien perdu ses droits comme l’illustre le joli coup réalisé, ces dernières heures, par Thierry Chabagny (Gedimat), suivi dans cette option par Alexis Loison (Groupe Fiva). Alors qu’il progressait en embuscade dans la roue de Yann Eliès (Groupe Quéguiner-Leucémie Espoir), le skipper finistérien, qui peut compter sur son expérience de routier de La Solitaire (14è participation), n’a pas hésité à se démarquer pour aller chercher son salut un peu plus au large à l’heure d’entamer le virage de la pointe nord-ouest de la péninsule ibérique. Fort d’un décalage de 6-7 milles par rapport à ses plus proches concurrents qui lui permet de bénéficier d’un peu plus de pression encore, il ouvre désormais la route vers Sanxenxo, terme de cette première étape de montagne, d’un rare niveau d’exigence tout au long des 461 milles du parcours théorique depuis le départ de Bordeaux.
Des arrivées sous haute tension
Pourtant, si d’après les observateurs sur l’eau, ce nouveau leader a fait le break, Thierry Chabagny est le premier à le dire : pas question de s’enflammer. Même si lui et tous les autres protagonistes du paquet de tête ont pris incontestablement l’ascendant sur le groupe positionné plus au nord mené par Gildas Mahé (Qualiconfort-The Beautiful Watch), 26è à 18 milles, rien n’est encore joué. Pas question de s’enflammer alors qu’il restera environ 45 milles à parcourir le long des côtes galiciennes. Un dernier tronçon du parcours propice à de nombreux rebondissements, au gré des effets de site et des caprices de la météo. Après l’épisode de brise, le scénario prévoit en effet que le vent doit vite s’écrouler pour servir un final au suspense haletant et une ligne d’arrivée mouillée sous haute tension, où les premiers sont attendus dans la nuit…
Ils ont dit
Thierry Chabagny (Gedimat) : « On se prépare psychologiquement, physiquement et techniquement à avoir du vent fort au portant dans les prochaines heures. Il faut rester concentré et lucide pour ne pas faire de bêtises. Il faut se préparer à bien faire les choses, doucement et sagement. Cela consiste d’abord à ranger les voiles, imaginer les différents scénarios – notamment un empannage qu’on va devoir faire au moment où le vent sera fort -, préparer les écoutes qui vont permettre de le faire, imaginer dans sa tête le schéma pour ne pas être surpris… Prévoir le pire, si c’est trop fort, qu’est ce que je fais ? Même si on a l’habitude, c’est un petit travail intellectuel à faire. Je serai vraiment content quand cette étape sera terminée, quand on aura une vision globale de la chose. Mais c’est vraiment sympa d’être devant avec les autres, de pouvoir faire des coups, même s’il peut encore se passer plein de choses. Pour l’instant, je ne m’enflamme pas… »
Xavier Macaire (Skipper Hérault) : « J’ai peur que cela forcisse au-delà du raisonnable pour garder le spi. J’ai préparé le bateau, j’ai rangé, j’ai matossé à l’arrière. J’ai rangé le génois bien proprement, j’ai mis le solent à l’avant. J’ai préparé un peu de nourriture à portée de main, de l’eau, tout ce qu’il faut pour ne pas lâcher la barre toutes les cinq minutes. La brise au portant, quand y est et qu’on barre le bateau, ça peut être sympa. Quand on en sort, on se dit… whaou, c’était génial, je me suis éclaté ! Mais c’est aussi très stressant, il y a la peur de faire une fausse manip’, de déchirer une voile, de se faire mal. J’ai déjà fait le planté du Figaro, le bateau avait enfourné jusqu’au milieu du roof, la quille carrément sortie de l’eau, parce que j’avais un peu trop tiré sur le bateau par 40 nœuds de vent sous spi. Je n’ai pas du tout envie de refaire ça en course ! »
Yann Eliès (Groupe Queguiner – Leucémie Espoir) : « Aujourd’hui, je prends un peu plus de plaisir qu’hier après-midi, j’affectionne un peu plus la glisse que les remontées de pentes ! 30-35 nœuds, ça commence à être un peu chaud, il y a moyen de casser du matériel. Il y a un peu de stress, même si je suis content, jusqu’à maintenant j’ai fait une belle étape. Il ne faudrait pas déchirer un spi ou casser un tangon. Je pense que je vais passer sous petit spi assez rapidement, si je ne le sens pas. On devrait contourner le cap Finisterre en fin de journée. Mais après, tout restera à faire. On ne sait pas trop comment on va réussir à aller jusqu’à Sanxenxo. Est-ce qu’on va pouvoir couper le fromage, est-ce qu’il faudra faire le tour de la paroisse ? Cela risque de se jouer au petit matin dans la baie pour le final. »
Classement de 15h
1 GEDIMAT Thierry Chabagny à 62,85 milles
2 GROUPE QUEGUINER – LEUCEMIE ESPOIR Yann Elies à 0,52 mille
3 SKIPPER HERAULT Xavier Macaire à 1,47 milles
4 SKIPPER MACIF 2015 Charlie Dalin à 1,47 milles
5 MAITRE COQ Jérémie Beyou à 2,29 milles
6 CERCLE VERT Gildas Morvan à 2,54 milles
7 GROUPE FIVA Alexis Loison à 2,83 milles
8 SKIPPER MACIF 2014 Yoann Richomme à 3,85 milles
9 BRETAGNE – CRÉDIT MUTUEL ESPOIR Sébastien Simon à 4,40 milles
10 SAFRAN – GUY COTTEN Gwenolé Gahinet à 4,65 milles