Après l’indigestion consécutive à l’ingestion de dix huit de bulbes le 1er avril, une petite semaine de repos était nécessaire pour recharger les batteries : ça allait donner grave à Valencia ! Euh… Bon, on a quand même eu le temps de faire des ronds dans l’eau et de prendre le soleil avant que les combats ne débutent. Et après huit jours et trois séries de duels, on commençait à fatiguer un peu : trop de matches tue le match ! Donc finies les rougeurs astrales, terminées les discussions à bâtons rompus sur «de l’art de refaire le match avant même qu’il ne débute», sur les forces en présence et sur l’importance des ailettes sur le vortex… Car on en avait vu des dessous chics et chocs, des torpilles, des suppositoires, des oblongs, des trapus, des plats, des arrondis, des pincés, des étirés, des compressés. Alors dans cet inventaire à la Pérec façon « la quille mode d’emploi », quels étaient les appendices qui avaient moins de surface pour un même volume, moins de traînée pour une meilleure pénétration ?
La question restait en suspens… et la réponse vint de la terre. Car encore une fois, les strates météorologiques ne faisaient pas dans le strass : la masse d’air était en léthargie et la situation était plombée. Mais sur le terre-plein des Ibères, les coussinets à géométrie variable remplaçaient le coussin d’air stabilisé. Car les couches (atmosphériques) laissaient place aux petites culottes. Eh oui, un fabricant de lingerie faisait dans la dentelle en proposant un défilé de jeunes vierges aux formes aussi acérées que les Class America. Triumph triomphait ! Des étraves rebondies, une poupe galbée, des carènes plutôt chaloupées : les experts de l’architecture navale n’avaient d’yeux que pour le dessin des surfaces pas encore mouillées et légèrement cachées, non sous des jupes mais derrière des morceaux de tissus qui laissaient entrevoir des performances fort remarquables. Robin pouvait faire des ronds sur l’eau, Robert effectuait des allers-retours entre deux marques (enfin une seule, la lingerie fine !) pour le plus grand bonheur d’experts abasourdis par tant d’évolutivité sur un aussi petit parcours…
Restons zen : les dessous féminins étaient plutôt classiques et les portemanteaux semi anorexiques tentaient vaguement de se démarquer en roulant sensiblement des hanches (manque de raideur à la toile ?), qui avec des socquettes de collégiennes façon Lolita, qui avec des bottes en cuir genre sado-maso, qui avec une ficelle sur la face postérieure style Saint-Tropez, mais tous ces mannequins moulés dans le silicone avaient du mal à mettre du relief là où il y en avait déjà peu… Qu’à cela ne tienne : l’important était le coefficient pragmatique ! Il y avait plus de monde à observer les soubresauts charnels de jeunes filles en fleur qu’à analyser les trémolos de voiliers collés double face sur un plan d’eau anémique… Les naïades s’en sortaient bien car deux jours plus tard, la présentation des nouveautés slips et soutiens-gorge aurait tourné à la collection automne-hiver de La Redoute avec parapluies, imperméables et polaires !
Car enfin à Valencia, le « Fremantle Doctor » qui avait mis au monde les plus belles régates de l’America’s Cup à Perth en 1987, finit par administrer une péridurale à Eole qui enfin accouchait d’un gémissement (certes souffreteux mais suffisant) pour faire tourner en bourrique certains favoris… et d’autres moins. Mais Râ poussait un râle et le coussin atmosphérique était remplacé par un édredon de cumulonimbus, plutôt sombres et chargés d’humidité. Il fait un temps brestois à Valencia… Mais au moins les valises de Louis Vuitton pourront être livrées à temps aux sept équipes en suspens : avant l’armistice, pour sûr !
Dominic Bourgeois