La messe est déjà dite ?

Macif François Gabart
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“La situation météo est très favorable pour nous et on ne sait pas si Jean-Pierre (Dick) pourra accrocher le système”. François Gabart (Macif) résume parfaitement la situation. Avec Armel Le Cléac’h (Banque Populaire), ils s’en vont. S’envolent. inexorablement. Enfilent comme des perles les journées à plus de 400 milles quand tous les autres peinent à atteindre les 300. Filent à 18 voire 19 noeuds de moyenne horaire quand les autres n’accrochent qu’avec peine les 13 ou 14. A la fin du 34e jour de course, le Vendée Globe est déjà à un tournant capital. Comme nous l’écrivions voilà 48 et 24 heures, les groupes ont explosé. Alex Thomson (Hugo Boss) et Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat) sont déjà 400 milles plus nord. Ils accusent déjà 450 et 500 milles de retard, soit l’équivalent d’une journée de record… et ils pourraient bien en avoir deux en Tasmanie tant la situation météo est favorable pour le duo de l’avant et, a contrario, défavorable pour eux.

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10 000 milles courus et Leeuwin en 35 jours !

La messe est dite, alors? Hors casse, c’est probable. Sauf situation très particulière sur le Pacifique, on voit mal comment les skippers de Macif et Banque Populaire pourraient concéder deux à cinq jours à la concurrence d’ici le cap Horn. D’autant qu’ils tiennent les vitesses les plus élevées de la flotte depuis le départ. François Gabart a un avantage réel dans les vents portants supérieurs à 30 noeuds avec mer restant maniable, car il semble disposer d’une voile d’avant très performante de 130 à 140° du vent. Mais Armel Le Cléac’h, avec des voiles qui paraissent plus polyvalentes, est redoutable dès que le vent est un peu plus modéré. Après, bien sur il reste de la route. Beaucoup.

En passant hier soir la porte Australie Ouest – ils sont les seuls à l’avoir fait encore ce matin – Armel et François ont aussi franchi le cap symbolique des 10 000 milles parcourus sur les 24 000 milles de la route directe. Le problème – pour les autres – est qu’ils s’envolent littéralement vers les Cinquantièmes hurlants pendant que le reste de la flotte a droit, au choix, à des vents ou bien trop faibles (Stamm, Thomson) ou bien à une mer qui s’annonce chaotique et incompatible avec la vitesse, avec l’arrivée des restes du cyclone Claudia sur leur zone (Le Cam, Golding, Wavre). Conclusion : le break n’en finit plus de se creuser en faveur de Macif et Banque Populaire, qui vont couper la longitude du Cap Leeuwin, 300 milles devant leurs étraves, la nuit prochain. En moins de 35 jours, soit deux de moins que Michel Desjoyeaux voilà 4 ans. C’est de l’or que ces deux-là trouvent sur le sentier de la guerre indienne !

Dick va devoir s’accrocher

Jean-Pierre Dick, lui, est dans une situation particulière. Troisième, le skipper de Virbac-Paprec a deux manières de voir les choses ce matin, qui correspondent peu ou prou à l’histoire de la bouteille à moitié vide ou à moitié pleine. Version pessimiste : il a du mal à accrocher la porte Australie Ouest et a perdu beaucoup de terrain ces dernières 24 heures : le voici relégué à 250 milles du duo échappé et l’hémorragie est toujours en cours, avec un delta de vitesse négatif  de 7 noeuds par rapport à Macif et Banque Populaire. Version optimiste : il est le seul encore réellement dans le match pour le podium virtuel et la situation est encore moins rose pour tous les autres qui sont loin, très loin derrière lui. Parviendra-t-il à accrocher malgré tout le même système météo “portatif”, ou bien va-t-il au contraire se faire ralentir et perdre encore du terrain. C’est la grande question du jour.

Pour les dix autres marins encore en course, il faut déjà s’accrocher, se faire une raison et trouver d’autres objectifs que jouer les tous premiers rôles. Un sourire radieux à partager? Celui de l’Italien Alessandro Di Benedetto (Team Plastique), 13e et dernier, qui s’exclamait hier “quel bonheur!” en faisant mousser du champagne. C’était pour fêter son passage au cap de Bonne Espérance. Au sud de l’Afrique du Sud, pendant qu’Armel Le Cléac’h et François Gabart s’attaquent à l’Australie. Un continent plus à l’Est, un océan plus loin…

Bruno Ménard

Classement de 5h

 1         François Gabart  Macif à 13 894.2 nm
 2         Armel Le Cléac’h Banque Populaire à 21.8 nm
 3         Jean-Pierre Dick Virbac Paprec 3 à 247.7 nm
 4         Alex Thomson Hugo Boss à 449.9 nm
 5         Bernard Stamm Cheminées Poujoulat à 525.1 nm
 6         Jean Le Cam SynerCiel à 1240.8 nm
 7         Mike  Golding Gamesa à 1390.9 nm
 8         Dominique Wavre Mirabaud à 1556.9 nm
 9         Javier Sanso  Acciona à 1887.7 nm
 10       Arnaud  Boissières Akena Verandas à 2282.1 nm