Ce n’est pas à proprement parler un hold-up. Plutôt un solide travail, savamment échafaudé depuis plus d’un mois de course. Pour comprendre l’actuelle domination des deux hommes de tête, il faut même remonter plus loin, depuis la conception, la prise en main, la préparation de leur bateau et à travers les milliers de milles parcourus avant ce tour du monde. Si ce n’est pas un hold up c’est peut-être, tout de même, le casse de cette fin d’année.
Cette nuit vers minuit, François, le petit blond, et Armel, le grand barbu, franchiront la longitude du cap Leeuwin, deuxième des trois grands jalons de cette grande giration planétaire. Leur butin : 340 milles d’avance sur Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec 3), plus de 500 sur Alex Thomson (Hugo Boss) et Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat). Pour l’instant, ils réalisent un périple exemplaire et personne ne s’offusque de les voir filer avec la caisse. Mais relativisons. Nous ne sommes pas tout à fait à la mi-course. Il reste encore plus de deux océans à parcourir, dont le mal nommé Pacifique. 340 milles d’avance, au regard des vitesses moyennes actuelles, c’est un peu moins d’une journée de navigation. Une marge qui peut s’évanouir au moindre contretemps technique.
Pendant ce temps, chacun se démène avec les conditions de navigation qu’il a. Happé par des vents plus faibles à la lisière d’une bulle anticyclonique, Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec 3), tout près de la porte Australie Ouest, est passé de la colère à la résignation : il en profite pour faire le contrôle technique des 10 000 milles. Plus au nord, Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat) et Alex Thomson (Hugo Boss) ont calé leur positionnement sur l’arrivée de Claudia. De cyclone tropical, Claudia est devenue dépression polaire. Elle n’en demeure pas moins toujours aussi chaude. Alex et Bernard vont bientôt danser avec elle et ce sera très certainement rock’n roll : des rafales à 45 nœuds, des orages, des grains, une mer désordonnée.
Les poursuivants Jean Le Cam (SynerCiel) et Mike Golding (Gamesa), devraient eux aussi rencontrer de gros orages, mais ils sont davantage concernés par une autre dépression qui gravite dans leur sud. Pour eux aussi, la nuit sera musclée dans des vents de Nord-ouest atteignant les 40 nœuds. Dans leur sillage, Dominique Wavre prend son mal en patience. « L’anticyclone est devenu mon compagnon de route depuis 3 jours. L’océan Indien n’a jamais été simple ». Dès demain, Mirabaud pourra enfin s’ébrouer dans une brise plus fraîche.
Derrière, c’est un chapelet de concurrents isolés d’au moins 300 à 400 milles les uns des autres.
Ils ont dit
François Gabart (MACIF) : « On a des conditions assez favorables pour aller vite. La mer est particulièrement difficile depuis hier mais le vent me permet de continuer à avancer. Ça fait des bonnes moyennes et me permet de gagner en longitude vers l’est assez rapidement.
Je suis content de ce qu’on a vécu, on a eu un Indien plutôt facile, avec des bons vents et une mer dans le bon sens. Heureusement qu’on n’a pas eu la mer qu’on a en ce moment depuis 15 jours car ç’aurait été différent ! »
Jean Le Cam (SynerCiel) : « Je suis passé à 3 milles de Saint-Paul, apparemment il n’y a personne sur cette île mais j’ai vu des lumières alors j’ai pris mes jumelles. C’était un bateau en standby, à l’abri du vent, un bateau d’exploration ou de pêche certainement. Quand on marche à 10 nœuds pendant que les autres sont à 20 c’est un peu embêtant mais ça changera après. J’ai entamé une bouteille pour le passage du Cap de Bonne-Espérance, je la finirai sûrement pour le 31 décembre. J’ai prévu une demi-bouteille par mois environ ! »
Tanguy de Lamotte (Initiatives-cœur) : « Il y a des albatros pas très loin derrière nous. Il y a encore de belles vagues, une belle houle, mais il y a un super soleil. Avec les portes qu’on a passées très nord, les conditions sont très sympa. Avec 20 nœuds de vent c’est plutôt cool, je pense que ça va se compliquer un peu dans le sud mais pour l’instant je profite et je ferai mon maximum pour prendre mes précautions et arriver aux Sables en février. Tous les jours je bats mon record de longévité en solitaire en mer, je prends énormément de plaisir à passer ces 90 jours tout seul. »
Classement de 16h
1 François Gabart Macif à 13 684.8 nm
2 Armel Le Cléac’h Banque Populaire à 25.1 nm
3 Jean-Pierre Dick Virbac Paprec 3 à 332.9 nm
4 Alex Thomson Hugo Boss à 541.6 nm
5 Bernard Stamm Cheminées Poujoulat à 631.3 nm
6 Jean Le Cam SynerCiel à 1324.8 nm
7 Mike Golding Gamesa à 1458.4 nm
8 Dominique Wavre Mirabaud à 1648.7 nm
9 Javier Sanso Acciona à 1949.8 nm
10 Arnaud Boissières Akena Verandas à 2345.3 nm