L’Etape 2 avait été exceptionnelle par l’ampleur des écarts, la troisième également mais pour des raisons inverses. Après 479 milles de course, 30 minutes seulement séparent les 35 premiers bateaux à l’arrivée de Dingle…un autre monde comparé aux 15h00 enregistrées à Saint-Gilles-Croix-de-Vie. Un autre monde mais qui appartient au même univers, celui de la course à la voile où chacun sait, les coureurs les premiers, que tous les coups sont possibles, même les plus tordus. Tout a basculé au cours des 5 dernières heures de course, et basculé encore dans la baie de Dingle, un long couloir d’une quinzaine de milles réputé pour ses effets surprise dans les petits airs. A minuit, à quelques minutes de finish, c’est le glacis, une myriade de feux blancs verts et rouges tapissent la baie de Dingle, un spectacle féerique quoique stressant pour ses principaux protagonistes. A ce stade, une dizaine de marins au moins peuvent prétendre à la victoire. Finalement, un bateau se détache lentement de la meute. C’est Scutum dont on ne connaîtra l’identité qu’à 50 mètres de la ligne d’arrivée. Il est suivi quatre minutes plus tard par Eric Drouglazet (PIXmania.com), talonné par le bizuth Gildas Mahé (Le Comptoir Immobilier) qui n’en revenait toujours pas.
Gérald Veniard : un hold up pas si étonnant
Une victoire surprise, mais qui n’est si surprenante au vu des performances du Rochelais depuis le début de cette 37e édition. Premier à Santander (mais rétrogradé en seconde position suite à une pénalité de 24 minutes), quatrième à Saint-Gilles-Croix-de-Vie et vainqueur à Dingle, Gérald Veniard est le plus constant des 44 engagés. Une régularité récompensée par une quatrième place au classement général provisoire, à moins d’une heure du troisième Armel Le Cléac’h (Brit Air)… une place sur le podium lui est toujours accessible. « Ca fait du bien cette victoire ! Je la prends comme une revanche et je la dédie à mon préparateur, Corentin Chenais, qui s’était fait beaucoup de souci avec cette histoire (la pénalité de 24 minutes, ndr). Je ne m’attendais pas à gagner ! Quand j’ai vu tous les feux juste derrière moi, je me suis dit houlala, c’est chaud ! Mais bon je me suis bien positionné. J’étais concentré, je ne me suis pas énervé, j’ai joué un petit coup et ça a souri. Tout s’est joué à 200 mètres de la ligne, mais c’est un véritable hold-up alors que tout un groupe emmené par Jeanne Grégoire (Banque Populaire) a mené la course. »
Jeanne Grégoire, la femme de cette 3e étape
Combien de vainqueurs potentiels ont-ils été évoqués entre les côtes vendéennes et irlandaises, depuis celui de Laurent Pellecuer (Cliptol Sport), premier au passage de la bouée Radio France ?
Ceux d’Armel Le Cléac’h en tête le soir du départ, d’Erwan Israël (Delta Dore), le bizuth qui prend les commandes dans la journée du 20, de Liz Wardley (Sojasun), qui réussit un retour fulgurant le dernier jour grâce à son option au large. Qui d’autre encore ? Gildas Mahé, Corentin Douguet (E.Leclerc-Bouygues Telecom, Nicolas Bérenger (Koné Ascenceurs) classés et cités en tête dans les dernières minutes de course, mais aussi et surtout celui de Jeanne Grégoire qui a mené la danse dès le passage de la bouée Racon Ouessant, pratiquement jusqu’à la fin. Pendant toute cette étape, Le skipper de Banque Populaire a marqué les esprits. Ses adversaires lui ont unanimement rendu hommage une fois posé le pied à terre. Pour Jeanne, impériale dans sa gestion de la course et dans sa navigation, tout s’est joué le 21 août à la mi-journée. Après un regroupement de la flotte au passage du Fastnet à l’aube du même jour, La navigatrice, déjà poursuivie par Liz Wardley, craignait pour sa place de leader : « J’ai les boules. Tout s’est super bien passé jusqu’ici et ça risque de se termine en eau de boudin. C’est Nicolas Troussel (Financo), parti au large, qui me fait le plus peur… » commentait-elle à la vacation de 13h30. Quelques heures plus tard, ces deux là se retrouvaient au mouillage sous les côtes sud de l’Irlande, à 20 milles de l’arrivée. La menace n’est donc pas venue de Troussel, l’homme qui domine le classement général, mais d’un groupe de skippers opportunistes, revenus de l’arrière du classement. Voyant la pétole s’installer à terre, Corentin Douguet, Samantha Davies (Roxy), Gérald Veniard, Nicolas Berenger, Gildas Mahé et Marc Emig (A.ST Groupe) se décalent au large et touchent un vent frais de 10 nœuds leur permettant de débouler sous spi et de revenir à hauteur des bateaux de tête. La plupart d’entre eux finiront dans le top 10, certains seront les victimes de la baie de Dingle.
Trois jours et demi d’efforts jugés en quelques heures
Ce sont donc 479 milles de course, dont plus de 36 heures de près dans la brise et la mer formée, de nuits froides à lutter contre la fatigue, à surveiller les variations d’un vent souvent instable, à changer de voiles, manœuvrer, barrer pour faire avancer le bateau, qui se sont joués en quelques heures. Une étape de marin qui se termine en coup de Trafalgar dans les dernières longueurs. La Solitaire Afflelou Le Figaro en vu d’autres, mais jamais d’écarts aussi minces entre autant de concurrents. « C’était trois jours de galère pour en arriver là. Pour moi, c’est une grande satisfaction. En voile, tout peut arriver. On a l’impression de sortir d’une navigation de deux heures ! » déclarait Gildas Mahé sous la bruine irlandaise. « En 20 ans de course, je n’ai jamais vu des écarts aussi réduits à l’arrivée, c’était pire que le passage d’une bouée de dégagement » confirme Jean-Paul Mouren (M@rseillEntreprises), 25e à Dingle, à 13 minutes et 15 secondes du vainqueur.
Peu d’influence sur le classement général
Compte tenu des trous creusés par les leaders Troussel et Chabagny à Saint-Gilles-Croix-de-Vie, les résultats de cette troisième étape n’ont que peu de répercussion sur le classement général provisoire. Les gains des uns et des autres se calculent en secondes, tout au plus en dizaine de minutes. Dans les dix premiers, Erwan Tabarly (Iceberg Finance) gagne néanmoins une place et se hisse en 6e position au détriment de Charles Caudrelier (Bostik) tandis que Fred Duthil (Brossard) prend la 10e place à Gildas Morvan (Cercle Vert). Seul Gildas Mahé réalise une bonne opération au classement des bizuths en reprenant 24 minutes à Christopher Pratt (Espoir Crédit Agricole). Il n’est donc plus qu’à 40 minutes du leader et peut jouer pour la victoire dans ce classement dans l’ultime étape vers Concarneau qui partira d’Irlande vendredi prochain.
Source Solitaire Afflelou Le Figaro