C´est passé si près…

Jeanne Grégoire
DR

Sous une pluie fine, à 00h36 cette nuit, c’est Gérald Veniard sur Scutum, qui, à la surprise générale, a franchi la ligne en premier après 83 heures et 36 minutes de course. Derrière, lui, les arrivées se sont succédées à un rythme effreiné : 9 bateaux dans les 5 minutes, 27 bateaux dans les 15 minutes et un classement final totalement chamboulé.  Six heures avant l’arrivée le vainqueur de l’étape pointait à la 19ème place, et le second, Eric Drougazet à la 25ème !
Jeanne Grégoire a franchi la ligne 4 minutes et 18 secondes après Gérald Véniard, son ami et coéquipier de  la Transat AG2R (qu’ils ont terminée à la troisième place). Déçue mais bonne joueuse et animée par sa "positive attitude" habituelle, la navigatrice analysait sa course dès sa descente sur le ponton :

- Publicité -

Jeanne Grégoire à son arrivée : « Je savais que ça pouvait finir comme ça. Il y a trois ans, avant l’arrivée à Dingle, j’avais 100 milles de retard, puis sur la fin, je suis remontée sur la tête de  la course. Cette année, à la fin, j’ai fais ce que j’ai pu. Je suis en tête jusqu’à 10 milles de l’arrivée et puis … rien. Cette arrivée groupée, à 30 bateaux sur la ligne, c’était top… sauf pour moi ! J’aurais aimé être sur le podium pour avoir un bon souvenir car c’est pas cher payé. Mais c’est le Figaro. C’est  la voile. Tu fais 480 milles de course devant et puis le vent tombe.

Dans la pétole, cet après midi, je me suis mise au mouillage (57 mètres) dans une anse pour éviter de reculer avec le courant contraire. Le vent est rentré sur l’arrière de la flotte et j’ai vu les derniers décoller et passer au large… Mais je pense que ce n’est pas fréquent que quelqu’un mène une étape du début à  la fin. Je peux être fière de ce que j’ai fait.  Je n’ai pas changé de voile d’avant du début à  la fin. Quand cela devenait trop dur, je prenais un ris. J’ai mené le bateau au maximum de son potentiel. Simoné, mon préparateur avais un super boulot, je savais que je pouvais tirer sur le bateau pour le faire aller vite. Je lui parlé tout le temps, surtout dans  la pétole. Je l’encourageais pour qu’il décolle.

Quand tu es devant, c’est toi qui donnes le tempo, c’est agréable et quand les autres attendent que tu vires pour virer, c’est que tu as marqué des points. Plusieurs marins sont venus me féliciter après l’arrivée. Ils m’ont dit que l’étape, c’était moi qui l’avais gagnée. Ca fait plaisir. Je me suis fait plaisir, je ressors hyper enrichie de cette étape. C’est la plus belle course que j’ai jamais faite.  Rien n’est jamais joué sur une course de figaro et Jeanne sait maintenant mieux que quiconque de quoi l’on parle. Elle aurait pu être la seconde femme à remporter une étape de la Solitaire depuis l’Anglaise Clare Francis en 1975, même si elle est comme les autres skippers et aime à répéter qu’elle se bat à armes égales pour un classement général et non un classement en catégorie féminine ! Elle a beaucoup de cran « Jeannette » comme la surnomme nombre de ses amis et elle a beaucoup mûri depuis sa première participation à la Solitaire, il y a cinq ans.

Avant le départ à Cherbourg, elle confiait avec une incroyable lucidité : " quand je suis arrivée sur les pontons, pour mon premier figaro, j’étais euphorique, cela me fait bizarre d’en être là aujourd’hui mais c’est tellement bon ! je me sens plus autonome, je ne suis plus une bizuth, ni au stade de la découverte. Je suis sereine car le travail accompli et la patience, notamment par rapport à la recherche de sponsors, semblent aujourd’hui payer. Je sais aussi qu’il faut sans cesse travailler et insister sur les analyses de course pour aller au plus haut niveau et y rester. C’est pourquoi, quand je suis en course, je note tout sur tout : les manoeuvres, la stratégie, mon attitude, le sommeil, la façon dont je me nourris, le physique, le mental etc… cela me permet de mieux débriefer ensuite et de savoir sur quels points je dois perséverer ".

Jeanne, qui rêve de Vendée Globe et de navigation sur d’autres supports, ne se lasse pas, travailleuse et persévérante elle sait que la performance accomplie sur cette étape n’est que le fruit d’un dur labeur : "j’ai bien préparé les étapes et la stratégie je suis heureuse de voir que ça paye, je sais que je peux gagner une étape et ça, ça vaut de l’or !"

Source Banque Populaire