La flotte s’étale sur plus de 400 milles

La mer révèle nos sens
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La musique adoucit les mœurs mais pas la pétole. Au battement des voiles et aux sons des cornes de brume des cargos surgissant du néant, les coureurs au large préfèrent tous la symphonie d’une coque qui glisse, les vibrations des safrans ou de la dérive quand la coque centrale entre en survitesse, le bruit du vent comme une mélopée obstinée. Difficile quand on est en course de s’extasier sur le vol pataud d’un pingouin torda qui vient de dépasser incidemment sa belle machine de course, voire de faire contre mauvaise fortune bon cœur et se mitonner quelques bons petits plats en attendant des heures meilleures. Le démon de la compétition ronge les cerveaux et les marins joints à la vacation de ce midi laissaient clairement entendre que le temps leur paraissait d’autant plus long que le jeu sur la Manche ressemblait parfois à une grande loterie.

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A ce petit jeu, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. L’équipage de « Crêpes Whaou ! 2 », s’il a été le premier à s’extirper des griffes du Pas de Calais, peut ainsi méditer la parabole de la bouteille à moitié vide ou pleine, c’est selon. D’un côté, les trois compères peuvent apprécier de tenir à distance respectable le reste de la flotte, d’un autre, perdre cent milles en une nuit sur la tête de flotte a forcément quelques incidences sur le moral. En revanche, Pierre Hingant et l’équipage de « La mer révèle nos sens » ne boudaient pas leur plaisir : le cap Gris-Nez dans le sillage, ils pouvaient se féliciter d’une navigation toute en intuition où, malgré un routage qui leur proposait de se recaler vers la côte anglaise, ils avaient décidé, au vu de leur analyse de l’instant et de leur expérience de régatiers, de privilégier une route directe en négociant chaque risée l’une après l’autre. Avec en corollaire, une quatrième place obtenue sur un des bateaux les plus anciens de la flotte.

Derrière, la pétole continue de dicter une loi que les navigateurs subissent avec plus ou moins de philosophie : c’est alors la cohésion d’équipage, les objectifs affirmés en début de course, les petits détails quotidiens de la vie à bord qui font que l’on supporte plus ou moins bien ces heures contraintes.

Paroles de mer :
Mathieu Souben (Crêpes Whaou ! 2)
«On a eu une nuit difficile devant Dunkerque. Nous avons même dû mouiller l’ancre pour ne pas reculer avec le courant. Là, on a récupéré un peu de vent et on avance sur la route directe à près de dix nœuds. Ce n’est pas mirobolant, mais c’est mieux que rien. »

Didier Le Vourc’h (FenêtréA cardinal)
« Ce n’est pas ce qu’il y a de plus facile, le petit temps. Nous ne sommes pas trop mécontents parce que nous pensons avoir réussi à doubler Lalou Roucayrol ce matin dans la pétole. Nous avons profité de la brume pour faire un petit coup tactique, mais moi qui étais venu pour de longues glissades, je pense que je vais demander un remboursement à Erwan. Heureusement, on se connaît tous très bien et il y a une superbe ambiance à bord, sinon ce ne serait pas très facile. »

Classement au pointage de 16 heures
– 1 Actual (Y Le Blévec) à 966,2 milles de l’arrivée
– 2 Crêpes Whaou ! 3 (FY Escoffier) à 1,5 milles du premier
– 3 Crêpes Whaou ! 2 (L Féquet) à 243,6 milles du premier
– 4 La mer révèle nos sens (P Hingant) à 319,5 milles du premier
– 5 Naviguez Anne Caseneuve (A Caseneuve) à 369,2 milles du premier
– 6 FenêtréA-Cardinal (E Le Roux) à 393,7 milles du premier
– 7 Région Aquitaine Port-Médoc (L Roucayrol) à 397,9 milles du premier
– 8 CLM (H Cléris) à 402 milles du premier
– 9 Pi R2 (E Hochédé) à 443,6 milles du premier