La chronique de Capian : Transat 6.50 côté coulisses

Départ de la Transat 6.50
DR

Lundi 13 septembre, sortie La Rochelle, puis direction aquarium, on débouche sur un village de grandes tentes blanches. 72 minis sont à couple sur deux ou trois rangées dans l’anse du bassin des chalutiers et avec une bonne vingtaine de bateaux, les méditerranéens sont biens représentés.

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L’ambiance est celle des derniers jours de tous les rendez vous mini de la saison. Certains sont dans les mats, d’autres scient, stratifient ou cousent.

Sauf que parmi les drapeaux qui délimitent cette agitation, il y a le carré bleu et blanc qui attire l’œil de tout ministe, et, dans le yeux de chacun de ceux qui vont partir, une légère tension, encore imperceptible dans l’air.
Ils sont dans la dernière semaine avant l’ultime départ de cette aventure commencée souvent plusieurs année auparavant lorsqu’ils ont franchi le pas et se sont attelés à leur qualification à la Transat 6.50 2005.

Comme d’habitude il ne reste rien à faire sur le bateau de mon ami marseillais et ce rien nous prendra la semaine.
Il y bien eu quelques bateaux qui sont resté fermés durant cette période, prêts, mais il restait du travail sur beaucoup et plusieurs énervés étaient en tête de mat la veille du départ, pour régler ce problème d’antenne qui conditionne le feu vert du jaugeur.

Dans ce contexte, cela fait plaisir de voir que tous, réellement, sont disposés à prêter un outil ou main forte pour un problème technique.
Je crois que l’économie de moyens érigée en valeur par la classe contribue à cette attitude.

Il y a cependant de réelles disparités, tant parmi les proto qu’au sein des série.

Du côté mat carbone, j’ai entendu le chiffre de 300 000€ pour la saison pour un favori, avec préparateur à plein temps depuis le début de l’année alors qu’un autre a dù vendre sa voiture pour payer le retour de son bateau par cargo, et un dernier prendra le départ sans avoir les moyens de financer ce retour.
Du côté mat alu, l’un a un bateau confié par un armateur, de gros sponsors et une équipe de plusieurs personnes et l’autre a acheté son canot avec un héritage, a passé cette dernière semaine seul, dormant à bord, et partira avec tout son matériel et sa bouffe pour les deux étapes, personne ne venant à Lanzarote pour lui.

La plupart prendront le départ dans de « bonnes conditions », en ayant trouvé un partenaire, un soutien auprès des proches ou en étant passé par la case banquier après avoir quasiment toujours cassé leur tirelire pour lancer leur projet.

Quoi qu’il en soit chaque coucher de soleil voit le bassin se vider par grappes qui iront partager de grandes tablées dans lesquels tous se mélangent puis finiront la soirée, un verre à la main, sur le seuil d’un troquet invariablement trop étroit pour les accueillir tous.

Il y a aussi de jolis gestes comme cette pétition signée par tous les coureurs du classement série demandant que le mistral inscrit en proto parce que 9 exemplaires seulement ont été produits par le chantier soit classé en série.

[pour être classé en série sur une course mini, il faut : être conforme à la jauge série, qu’un bateau de cette série ait effectué le nombre de milles défini (2000 en course et la qualification solo) et que 10 numéros de cette série aient été produits.]

A propos des bateaux, certains top prototypes étaient déjà vendus avant même le départ, à plus de 80 000 euros.
Et des acheteurs potentiels ont décidé d’aller au Brésil pour acquérir le jouet de leurs rêves au meilleur prix en déchargeant le skipper du coût, et du risque, du retour en cargo.
Il paraît, en effet, que des bateaux ont fait le retour sur des bers assemblés mais non boulonnés et qu’il vaut mieux démonter l’électronique et le ramener avec soi dans l’avion.

Sans compter les top team avec préparateur, auxiliaires dont le nombre semble d’ailleurs être en augmentation tant en proto qu’en série ;
Un autre fait remarquable est qu’aujourd’hui la grande majorité de la flotte a quelqu’un qui s’occupe du bateau dans la dernière ligne droite.
La plupart sont d’autres ministes venus aider leurs amis, participer à la fête ou prendre la température pour quand ce sera leur tour.

A propos de température, c’est le mercredi, en rentrant du prologue (navigation qui s’est déroulée en deux temps : carénage-baignade général pour cause de thermique tardif puis parcours réduit à une montée à la bouée au vent pour un retour chronométré par la marée) qu’elle est montée d’un cran.

Quand on repasse l’écluse, le bassin des chalutiers a complètement changé de physionomie.
Ce n’est plus le convivial nid de 6.50 qu’il était.
Il s’est transformé en véritable arène de départ de la Transat 6.50, avec présentation des bateaux et skippers à la sono, chacun sa place sur les quais fraîchement installés, musique boom boom , toutes tentes bariolées ouvertes et procession de badauds sur les quais.
Ca y est, ils y sont pour de vrai, au départ de cette transat, qui est pour beaucoup la grosse affaire de leur vie maritime.

Et la pression dès lors, de briefings en descente des marches un par un lors de la
soirée d’honneur, ne cessera plus de monter.

Si bien que samedi matin certains auxquels vous souhaitez bonne chance ne semblent plus être présents, l’esprit déjà complètement quelque part entre Chassiron et les Canaries.

Il faut dire que cette dernière journée doit passer comme un éclair : point météo avec le routeur (si sur l’eau seules VHF et BLU permettent de capter la météo, beaucoup partent avec une prévision et un routage prédictif élaboré par un professionnel), puis dernier repas à terre, et dès 14h30 sortie du bassin, dans l’ordre défini, pour que tout soit OK pour un départ à 17h17.

72 6.50, en solo, prenant le départ de cette course là, ça fait vraiment quelque chose et avec encore plus de bateaux accompagnateurs qui croisent dans tous les sens, ca chauffe.
Si bien que nombreux seront ceux qui attendront de s’être dégagés de l’essaim de hors-bord pour envoyer le spi après la bouée de dégagement.

De retour à terre, ça fait une drôle d’impression d’avoir fini son cursus de qualifications, d’avoir préparé un bateau identique au sien, avec tous les copains autour qui préparent le leur. (Ndlr : Matthieu a travaillé sur le Super Câlin de David de Saqui – soit le « sister ship » de son Capian, avec lequel ile compte s’aligner au départ de la Transat 6.50 2007).

Et de suivre le départ depuis un voilier accompagnateur pour se retrouver ensuite au bassin, vide, en accompagnant de tous ses vœux ceux qui vont attaquer leur première nuit de mer, à bloc sous spi.

En tout cas suivre cette dernière semaine de l’intérieur, apprendre les détails de préparation spécifiques à cette course, se rendre compte du tempo des derniers jours, vivre l’ambiance et comment ceux qui vont partir gèrent l’événement a été riche en enseignements.

Et a donné réalité à cette transat 6.50, dont nous sommes déjà nombreux à avoir pris rendez-vous pour un samedi de septembre 2007, avec cette même ligne de départ.