Le trimaran MACIF glisse maintenant la tête au sud à une moyenne de 22 nds. L’avance de François Gabart est remontée à 90 mn alors que devant lui les îles du Cap-Vert constitueront bientôt un nouveau marqueur sur la route du record. Les routages le font entrer dans l’hémisphère sud après 5 jours et 22 heures de rush.
En 72 heures, c’est tout un univers qui a été bouleversé, à 29,03 nœuds de moyenne, sans que François ait vraiment le loisir de s’en rendre compte. Certes, le skipper MACIF a chaussé ses superbes crocs et remisé provisoirement ses bottes, mais les autres transitions, celles qui l’ont fait passer de la préparation à l’action, c’est l’inconscient qui les a enregistrées. Fini, le temps de la réflexion dans la fraîcheur de Brest, place au four des côtes africaines et aux moulins à tourner. Oubliée, l’effervescence du golfe de Gascogne, place à la relative solitude – il doit bien y avoir encore quelques pêcheurs sans AIS dans les parages. Les grandes heures de sommeil sont un vieux souvenir ; c’est maintenant en repos fractionné, une écoute à la main et une oreille tendue sur les bruits du bord que François récupère.
La transition va encore prendre de l’amplitude à mesure que le trimaran MACIF se rapprochera des grandes étendues désertiques. Le skipper charentais n’aura bientôt plus à focaliser son cerveau que sur les fichiers météo, les conseils de routage, la confrontation à la réalité du terrain, les sensations du marin. Voici venu le temps de la perception, du ressenti et de l’adaptation permanente. Bienvenue dans la pleine conscience, dans la symbiose avec ce que la planète a de plus mouvant et la recherche de l’équilibre et de la circulation des énergies. François est déjà entré dans l’univers du vent et de l’eau. En chinois, cela se dit Feng shui. Tout ceci serait bien paisible s’il n’y avait pas, pour corser l’affaire, un trimaran de 100 pieds à mener et un record à effacer.
Les grains, ça craint !
Ce ne sera pas d’ailleurs une mince affaire. Même si le tempo de manœuvres s’est stabilisé (3480 tours de winch quand même) et que le skipper du trimaran MACIF a pu dormir un peu (3h41 de sommeil), ces dernières 24 heures n’ont pas été de tout repos. Depuis hier, François croise des grains, dont certains se sont révélés assez contrariants. Le recalage – un coup à droite, un coup à gauche – aurait été parfait si l’un d’entre eux ne s’était pas immiscé dans les rouages… « Juste après le jybe, je suis resté collé derrière un grain pendant une heure, à devoir faire du cap au nord-ouest alors que je voulais aller au sud, commente François. Une heure après, j’ai réussi à passer sous un grain, à la limite de la pluie. Ça allait vite, mais c’était chaud ! J’étais sous gennaker et grand-voile haute à affronter à la barre des rafales de 35 nœuds qui rentraient en quelques secondes. J’allais dans le bon sens, mais j’ai passé du temps à la barre pour essayer de maintenir tout ça à l’endroit ».
MACIF avançait sous gennaker, petit J3 en mode trinquette et grand-voile haute dans 12 à 14 nœuds de vent. « Ce n’est pas ce que je préfère », souligne le solitaire. « Le bateau force pas mal, je préfère quand il y a plus de vent, que j’ai un ris dans la grand-voile et que le bateau avance à fond la caisse sans forcer ».