Enormes écarts sur la première étape

Troussel Cap Ortegal 2008
DR

Les classements sont tombés et ils sont effectivement cruels, pour tout le monde ou presque. Un peu à l’image de 2006, quand Troussel, déjà, avait assommé la flotte avec des écarts similaires à st Gilles-Croix-de-Vie. C’était déjà sur une traversée du golfe de Gascogne dans le petit temps, mais dans l’autre sens – à l’époque 2h d’avance sur Chabagny, 7h sur Armel Le Cléach et 8h au minimum sur tous les autres. Cette fois, le skipper de Financo engrange plus de 5h30 de capital sur son dauphin Christian Bos (Région Midi Pyrénées), 6h30 sur le 3e Frédéric Duthil (Distinxion Automobile) et grosso modo de 7h30 à 8h sur les sept autres qui ont réussi à se hisser dans le Top Ten.

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Bravo les bizuths !

Parmi eux, mention spéciale aux deux premiers bizuths François Gabart (Espoir Région Bretagne) et Adrien Hardy (Agir Recouvrement) qui réalisent l’authentique exploit de se hisser aux 6e et 7e place, à 4 minutes et 20 secondes l’un de l’autre. Il n‘y a bien que pour eux qu’on compte les secondes ! Outre le podium, seuls Erwan Tabarly (Athema, 4e) et Jeanne Grégoire (Banque Populaire, 5e) ont échappé à leur boulimie juvénile. « Je n’aurais pas rêvé mieux » estime Gabart, « ça met en confiance » répond Hardy. Chapeau, les bleus, leur match dans le match est lui aussi superbe, très haut perché au général. Et leur performance d’autant plus criante lorsqu’on considère que le troisième débutant dans l’épreuve, le jeune britannique Andy Greenwood (Imtech), est crédité de la 36e place, soit 30 places et plus de trois heures derrière François Gabart.
Mais si Nicolas Troussel était « intouchable » comme dit Christian Bos, qu’il a « largement mérité sa victoire » selon Frédéric Duthil et Nicolas Bérenger (Koné Ascenseurs, 9e), il ne faut pas se méprendre : tous se sont très bien battus, sont allés au bout d’eux-mêmes. Tous ont traqué comme des déments la risée, la bonne trajectoire, le bon changement de voile, la bonne vitesse, repoussé le sommeil. Le problème est que, pour une fois, une bonne place n’équivaut pas à un bon classement. La Solitaire est une course au temps, pas aux points. Ainsi, d’ordinaire Christopher Pratt (DCNS 97), Nicolas Bérenger (Koné Ascenseurs) et Gildas Morvan (Cercle Vert) pourraient se satisfaire tranquillement de leurs respectives 8e, 9e et 10e places. Tout le problème est que ce rang est aujourd’hui à plus ou moins 8 heures du vainqueur… On dirait presque qu’il y a eu deux courses, que 49 bateaux se tiennent dans des écarts plus ou moins « normaux » (encore que).
Pour résumer, grosso modo les 10 premiers sont dans des écarts compris entre 5h30 et 8h, on accuse entre 8h et 9h du 10e au 15e. Entre 9h et 10h de retard, du 16e au 30e, on retrouve beaucoup de favoris comme Thierry Chabagny (Suzuki Automobiles), Gildas Mahé (Le Comptoir Immobilier), Eric Drouglazet (Luisina) ou encore Corentin Douguet (E.leclerc Mobile) et Antoine Koch (Sopra Group 1). A partir du 36e, on est à 11h et plus de déficit. La pétole suivie du près, sur la fin, a été impitoyable. Est-on pour autant dans la même situation qu’en 2006, quand Nicolas Troussel avait gagné La Solitaire dès la 2e étape ? Oui et non. Oui si l’on considère qu’il ne reste – comme il a deux ans – que deux étapes. Non quand on regarde de plus près leur profil, des monstres jamais courues sur la solitaire : celle vers Cherbourg-Octeville, d’abord, qui s’élancera jeudi à 16h, comporte trois passages à niveaux qui peuvent être dévastateurs dans des coefficients de marée de 90 à 100. Selon les positionnements, l’un peut très bien passer et l’autre voir la barrière se refermer devant lui sans pouvoir rien faire (impossible de lutter contre des courants qui peuvent être supérieurs à 10 nœuds). Donc il y a du temps à reprendre ici, sans parler de la troisième et dernière étape qui sera la plus longue jamais courue avec ses 825 milles. Finalement, c’est Erwan Tabarly, 4e, qui résume le mieux la situation : « tout est encore possible. Tant que la course n’est pas finie, il y a de l’espoir… même si les chances sont minces. »

BM

Ils ont dit

François Gabart (Espoir Région Bretagne), 6e et 1er bizuth de la première étape
« Je suis content. Avec Adrien (Hardy, le 2e bizuth), on se dit qu’on fait partie du bon paquet. Je découvre les joies du Figaro ! On a tout donné pendant trois jours, et on n’a pas vu le temps passer. On a eu beaucoup de molle, c’était assez compliqué et usant à gérer car il faut être sur le bateau, sinon on recule. C’est fatigant, mais je suis bien content de l’avoir fait et d’être là. Je suis un peu crevé. En fin d’après-midi, je commençais à faire les conneries de la fatigue. Dans les derniers virements de bords, je m’emmêlais complètement les pinceaux. Pourtant, je ne l’ai pas vue venir. J’avais réussi à trouver mon petit rythme de course. La partie mentale était super importante. On a vécu beaucoup de situations différentes en peu de temps, on a eu la pluie, le soleil, le petit temps…et jusqu’à 30 nœuds à la fin. Quant à ma place, si on m’avait dit ça il y a quelques jours, j’aurais signé tout de suite. C’est vraiment super, je ne pensais pas que j’aurais pu faire 6e pour ma première étape. On ne pouvait pas rêver mieux pour un début. »

Adrien Hardy (Agir Recouvrement), 7e de l’étape et 2e bizuth
« C’était un peu dur dur, comme pour tout le monde, mais ça m’a carrément plu. Dès le début, au sémaphore de Chassiron, j’étais dans le coup. Après, il y a eu des moments plus durs où j’ai du repasser à la 15 ou 20e place. Je pense avoir été un des bateaux les plus nord. C’était un peu difficile d’être dans cette position, car j’ai vraiment navigué tout seul. Les premiers feux de bateaux que j’ai vu, c’était en arrivant. Mais j’ai cru en mon option, je n’ai rien lâché. J’ai pu dormir régulièrement tout au long de la course, car c’était une étape où il fallait avoir la tête et les idées claires. Pour moi, l’objectif était de faire dans les 15 premiers donc, résultat atteint. Des mecs comme nous qui débutent peuvent finir devant et les cadors derrière, c’est plutôt sympa. Après, je sais qu’on peu prendre des bâches. Mais cela met quand même en confiance. Ce sera important d’arriver tôt à Vigo pour se reposer. Pour moi, la deuxième étape, c’est déjà parti, je suis de nouveau en course ! »

Erwan Tarbarly (Athema), 4 e à 7h26.
« Je suis content d’être arrivé. Il était temps que ça se termine. La mauvaise nouvelle, c’est qu’il y a beaucoup d’écart avec le premier. Je n’ai pas fait de très bons bords en approche de la côte espagnole. Je savais que ça allait être difficile car la pétole était annoncée, mais je ne pensais pas que ça allait faire autant d’écarts. De là à ce qu’un seul bateau se détache de toute la flotte…. D’autant qu’à un moment, il était à 3 ou 400 m de nous ! Il nous a pris 5 milles alors qu’on était à vue pendant la nuit, c’est difficile à accepter. Mais je suis quand même content de cette étape parce que je me suis battu aux avant-postes. C’était l’objectif. Avec l’avance de Nico (Troussel), on peut presque dire, sauf miracle qu’il a le Figaro gagné. Mais tout est encore possible. Tant que la course n’est pas finie, il y a de l’espoir même si les chances sont minces. »

Nicolas Bérenger (Koné Ascenseurs), 9e à 7h51
« A 300 m de l’arrivée, je me suis pris le seul filet de pêche de la baie ! J’ai perdu 2 places, du temps, c’est le truc le plus énervant qui puisse t’arriver quand tu as passé 4 jours et 4 nuits à te battre pour gagner un demi mètre. Je me suis battu comme un chien jusqu’au bout ! C’était une super étape, très, très difficile moralement, très difficile techniquement, mais je me suis régalé du début à la fin. Je suis fracassé parce que j’ai eu des problèmes d’électricité avec mon pilote qui ne marchait que par intermittence et m’a valu quelques ‘vracs’ dans la brise. Nous n’aurons pas beaucoup de temps pour nous reposer avant le départ de la 2e étape. Cela avantagera les skippers les mieux préparés. Comme je pense faire partie des mecs qui s’entraînent et bossent le plus pendant l’année avec mes copains bretons et méditerranéens, c’est plutôt positif. Même si ce n’est pas très drôle de se dire que le Figaro est un peu foutu pour cette année, j’essaie de penser qu’il reste encore deux grosses étapes avec beaucoup de choses à faire. Il va falloir raisonner comme ça sinon, la motivation va être dure à trouver. Mais Nico a super bien navigué il a été bon, il mérite largement cette victoire. »

Franck Le Gal (Lenze), 14e à 8h51
« On en a bien bavé. Je suis content d’en finir car ça a été très laborieux. Ca m’a rappelé cette étape en 2006 quand Nico a mis 7 heures à tout le monde aux Birvideaux (l’année où Troussel a remporté la Solitaire, ndr). C’est un peu la même. D’un point de vue comptable, ce n’est pas une bonne opération pour nous, c’est sûr. Mais malgré tout, je suis content. Je n’ai pas lâché l’affaire. Je me suis arraché comme jamais depuis que je fais du Figaro et les 48 premières heures dans la pétole noire, c’était vraiment l’enfer. C’est le point positif de l’histoire. J’ai très peu dormi, j’étais tout le temps l’écoute à la main. Mais à choisir, je préfère le près dans la brise, ça tape, ça bouge, ça vit, c’est du bateau quoi ! Maintenant, il n’y a plus qu’à attaquer ce foutu convoyage. Je suis trempé, le bateau est en vrac, je n’ai plus que du ‘lyophal’ à manger, c’est un peu la misère. »

Antoine Koch (Sopra Group 1), 15e à 9h05
« Ca a été une étape très complète avec beaucoup de petit temps et de la baston au près pour finir. Tout le monde était au contact. Je suis resté à vue de Drouglazet et Véniard pendant 4 jours. Je ne me suis pas senti mal à l’aise en vitesse et je m’en suis toujours bien sorti dans mon paquet. Mais ce n’était peut-être pas le bon paquet. Le plan d’eau était difficile à lire, il fallait pas mal d’opportunisme, mais pour moi, c’est encourageant pour la suite. Côté sommeil, je me suis bien débrouillé. C’est l’expérience du Figaro qui rentre, mais je crois que je vais m’écrouler pendant le convoyage vers Vigo. »

Jean-Pierre Nicol (Gavottes), 46e à 14h29
« C’était interminable, aussi bien à cause de la pétole que l’arrivée sur le cap Ortegal, où on n’a pas arrêté de tirer des bords. C’était la correction. Je crois bien que Nico Troussel a déjà gagné cette Solitaire. Cela fait mal, mais il reste encore deux belles étapes. Et on va continuer à pendre du plaisir… »