C’est où la sortie ? À 1450 milles de l’arrivée et à plus de 430 milles du premier Class 40, l’équipage de 40 Degrees, 7è au classement de 17 heures, ne fait pas mystère de son impatience. Marre de cette dorsale anticyclonique qui n’en finit pas d’étendre les mailles de ses isobares favorisant des calmes persistants et des zones sans vent. Aux côtés de Peter Harding, Miranda Merron témoigne : « Les dernières 24 heures ont été particulièrement frustrantes. Nous essayons de traverser la dorsale pour retrouver du vent devant. Elle nous a rattrapés et depuis quelques heures, le vent brille par son absence. Nous venons seulement de redémarrer. » Les vitesses sont là et parlent d’elles-mêmes. 4-5-6 nœuds de moyenne sur les dernières heures, les équipages de l’arrière n’ont que leur souffle de leur exaspération pour gonfler leurs voiles et accélérer sur la route quand les premiers s’efforcent, eux, de lever le pied dans le flux musclé de Nord-Ouest qui les propulse devant. Et c’est sans compter avec l’enseigne du près à laquelle sont logés les bateaux les plus en arrière à l’image de Fermiers de Loué-Sarthe (François Angoulvant), qui ferme la marche des Class 40 à 500 milles des premiers.
Au front !
En tête, les premiers Class 40 et les poursuivants de Crêpes Whaou ! sont mangés à une toute autre sauce météo. Tous au front, au propre comme au figuré. Dans la nuit, les équipages ont essuyé une belle tempête, une baston comme ils disent dans le jargon. Une mer démontée, des vents déchaînés, place à des conditions musclées qui font le bonheur des gros bras de la brise et des équipages entraînés à en découdre en bordure de dépression. À 1000 milles de Saint-Malo, les jeunes de Mistral Loisirs (Oliver Krauss), rompus à cet exercice de haute voltige impriment toujours le rythme dans des conditions qui appellent à la prudence et la vigilance. Gare aux sorties de route et gare aussi au trio de Pogo Structures, qui gratte du terrain et ne lâche certainement pas le morceau. La fine équipe d’Halvard Mabire affiche encore un joli 15 nœuds de moyenne et rapproche son étrave du premier. Les prochaines heures et l’évolution de la dépression promettent encore de malmener les équipages sommés de faire le dos rond…
De leurs côtés, les multicoques connaissent aussi des heures difficiles dans ces conditions propices aux départs à l’abattée et autres figures de style. Tous font le dos rond en attendant que le vent calme ses ardeurs, que la mer temporise sa fureur. « On est presque à sec de toile. Depuis deux heures maintenant, on porte seulement la trinquette. On a eu pas mal de vent cette nuit, et ce matin ça s’est vraiment renforcé : on a autour de 40 noeuds et une mer très grosse. Total : on fait le dos rond ! Prince de Bretagne se fait tout petit et attend que ça passe avant de renvoyer de la toile. Mais, ce n’est pas d’actualité car pour l’instant, c’est vraiment méchant ! » raconte Hervé Cléris. Et de poursuivre : « Maintenant qu’on est passé sous la barre des 1000 milles pour atteindre l’arrivée, on aimerait bien avoir de belles conditions. On a plus qu’un objectif, c’est doubler Imagine parce qu’on en est capable. On ne va pas lâcher le morceau… » Vivement que la course reprenne ses droits !
Notons au passage la jolie navigation du premier monocoque FICO, An Ocean of Smiles, le seul à avoir accroché le train de la dépression et qui lutte avec les premiers Class 40. Christophe Bullens et son équipage progressent en effet à égal distance de l’arrivée d’Oliver Krauss et sa bande. Au cœur de la baston, gageons qu’ils réduisent la toile en attendant des vents meilleurs. Une course dans la course est désormais ouverte entre ces monocoques qui bataillent par catégories interposées….
Crêpes Whaou ! : RDV jeudi à 14 heures
Enfin, difficile de l’oublier. En tête, Crêpes Whaou ! poursuit seul vers l’arrivée et la victoire qu’il doit décrocher dans moins de 24 heures. En avant de la dépression et dans toutes autres conditions, Franck-Yves Escoffier et son équipage n’ont plus que 340 milles à parcourir au classement de 15 heures. « On va très vite. On a fait vraiment de très bonnes moyennes depuis le milieu de nuit. On marche régulièrement à 20 noeuds. Les conditions actuelles sont optimums, d’autant qu’une belle houle nous permet de gagner 15 à 20% de vitesse dans les surfs », témoigne le capitaine du bord. Avec ses trois co-équipiers, il est attendu en début d’après-midi sur la ligne d’arrivée au large de la cité corsaire…
> Multicoques 50 pieds Open
Eric Sorel (Forget Formation) : « On a tout affalé. On a 35-40 noeuds de vent et des creux de 4 à 5 mètres donc on ne porte qu’une voile d’avant et on attend que ça se calme. On espère une amélioration probablement vers 16 ou 17 heures cet après-midi. En attendant, on se fait secouer. Point positif : il fait beau, le soleil pointe le bout de son nez. »
Loïc Escoffier (Laiterie de Saint-Malo) : « On a tout affalé cette nuit quand le vent est monté à plus de 35 nœuds. Le bateau est parti à l’abattée dans une vague. Sans safran, on s’est mis en fuite. Cela offre quand même des sensations bizarres de ne pas contrôler le bateau. Là, nous avons l’ORC déroulé, bordé et nous sommes tous à l’intérieur. On attend que ça se passe, le vent et la mer nous poussent. Cela doit mollir vers 20H TU ce soir. On espère alors pouvoir renvoyer de la toile et refaire les réglages qu’ils nous ont permis de faire des belles moyennes malgré cette avarie. »
> Class 40
Oliver Krauss (Mistral Loisirs) : « Nous avons essuyé quelques grains très forts. Depuis quelques heures, nous avons réduit la toile. Nous avons un peu ralenti, mais nous ne voulons pas prendre le risque de casser. Nous n’avons pas de spi tempête comme les Italiens. Nous avons un belle nuit avec des surfs à 18 nœuds, et le vent a commencé à rentrer plus fort au lever du jour. Nous avons eu jusqu’à 40-45 nœuds. C’était un peu chaud car la mer est très mauvaise, elle est croisée dans tous les sens. On s’est attaché. On espère que les autres (Télécom Italia et Novedia Group) ne vont pas trop revenir. Demain, dans l’après-midi, nous aurons deux options possibles. On verra bien… »
Giovanni Soldini (Télécom Italia) : « Ca va vite et c’est mouillé ! Nous avons passé la nuit sous spi dans des conditions soutenues. Nous espérons que le vent ne va pas trop forcir dans les prochaines heures. Demain, nous aurons des conditions différentes. Je ne suis ni optimiste, ni pessimiste. Nous avons repris un peu de terrain cette nuit et nous verrons bien. Mais 55 milles de retard, cela fait déjà pas mal, même si la route est encore longue jusqu’à l’arrivée et qu’il peut se passer encore plein de choses… »
Tanguy De Lamotte (Novedia Group) : « Ca se passe plutôt pas mal, nous avons pas mal tartiné cette nuit. Ca allait vraiment vite et nous avons progressé pile sur la route. On a serré un peu les fesses aussi, nous avons eu jusqu’à 38 nœuds et il faisait nuit noire. Nous nous sommes tous les trois relayés à la barre. Cet après-midi, cela risque de forcir un peu, mais nous sommes prêts ! Nous ne sommes pas très loin de Giovanni Soldini et nous allons batailler avec lui pour l’arrivée. Un peu plus Sud, Mistral Loisirs et Pogo Structures semblent être au meilleur endroit pour le vent. Au dernier classement, on a vu que Télécom Italia était un peu revenu sur les deux premiers. Est-ce que cela va passer ? On va regarder ça. Ce qui est sûr, c’est qu’on va avoir du vent portant jusqu’à l’arrivée, et ça c’est pas mal ! »
Pierre-Marie Bazin (Rêv’ 86) : « Comme beaucoup, on s’est fait empétoler et à présent, on a du mal avec les fichiers météo. On a un peu plus d’air que prévu, ce qui est plutôt bien, mais il n’est pas forcément dans la bonne direction. Du coup, on avance au près. On a 17 noeuds de vent et on espère se situer un peu plus au Sud que le reste de la flotte compte-tenu de l’arrivée d’une nouvelle dépression en fin d’après-midi. Le hic, c’est qu’on a l’électronique en vrac et qu’on n’a plus de pilote à bord. Heureusement, on est quatre ! En tous les cas, nous espérons prendre de bonnes sensations la nuit prochaine et surtout être un peu plus opportunistes que les autres pour recoller au peloton. »
Manuel Castilla (Appart City) : « Hier, ça a été laborieux, on a eu peur de ne pas réussir à passer la dorsale et de se retrouver sur un tapis roulant qu’on aurait pris à l’envers. Finalement, ça s’est bien passé et on a retrouvé du vent. Actuellement, on a environ 20 noeuds de Nord-Ouest et on marche à 14 noeuds de moyenne. Ca se passe bien, même si nous sommes assez frustrés de ne pas avoir réussi à accrocher le même wagon que De Lamotte (Novedia Group – SET Environnement) alors qu’on est passé au même endroit. Demain, le vent va passer à l’Ouest. On aura un empannage à faire et un flux de Sud-Ouest à accrocher avec peut-être une dorsale, mais ce n’est pas sûr. En tous les cas, on aimerait bien la 5e place. »
Jacques Fournier (Esprit Large-Talmont Saint Hilaire) : « Nous suivons une route Sud et on espère qu’elle va nous conduire à la bonne porte pour sortir de ce marécage. On a pas mal tergiversé sur l’option à prendre. Nous sommes cinq solitaires à bord et nous nous sommes concertés. Nous avons pris une décision collective. Nous sommes privés de grand spi et nous avons choisi la route la plus adaptée à notre jeu de voiles. Nous sommes satisfaits, même si nous savons que cela va être chaud et qu’il va falloir se battre dans des vents beaucoup plus forts dans quelques heures… »
François Angoulvant (Fermiers de Loué-Sarthe) : « Une transat au portant ? Depuis le début globalement, c’est du près et encore du près ! Et en plus quand il n’ y a plus de brouillard, il pleut ! Vivement l’été ! Depuis hier, on navigue au près dans 15/17 noeuds de vent de secteur Sud-Est. Pluie continue depuis plus de 24h. Si ce n’est la météo qui devient de plus en plus insupportable, tout va bien à bord de Fermiers de Loué-Sarthe… »