Elle se fait un peu attendre, cette bascule prévue à l’Ouest avec l’arrivée d’un front atlantique. Car en cette fin de nuit, c’est toujours dans un flux de Nord-Est assez variable (entre 13 et 20 nœuds) et mollissant que les solitaires louvoient sur une mer assez délicate à négocier en raison d’un mauvais clapot. Les concurrents ne peuvent pas quitter la barre au risque de perdre du terrain et la fatigue se fait sentir, surtout pour ceux qui n’ont pas réussi à se reposer lors du contournement de la Bretagne, à l’image d’Alexis Littoz-Baritel (Savoie Mont-Blanc). D’autres se sont même endormis alors qu’ils rasaient les cailloux de l’île de Batz tel Romain Attanasio (Savéol)… C’est certainement le paramètre le plus important pour ce final vers Dieppe : avec le vent qui va monter jusqu’à 20 nœuds et plus au portant sous spinnaker, la vigilance et la forme physique seront capitales pour ne pas partir en vrac, casser du matériel ou rater une manœuvre…
Et finalement, il n’y a pas eu vraiment de décalage dans la flotte depuis la sortie du chenal du Four : tout le peloton a suivi les leaders emmenés par Jérémie Beyou (BPI) jusqu’aux abords de l’île de Batz. En file indienne avec des écarts qui se construisaient tout de même entre les premiers et les derniers (près de 20 milles), les solitaires sont restés sur la même option. Mais devant la baie de Morlaix, dans le jardin de Jérémie, il a fallu jouer avec les petites rotations du vent et le courant de marée : plus ou moins au large, la flotte s’est donc un peu dispersée puisque le leader avec Erwan Tabarly (Nacarat) était le plus au large à une douzaine de milles au Nord des Sept îles quand Jean-Pierre Nicol (Bernard Controls) et Eric Drouglazet (Luisina) étaient pointés huit milles plus au Sud. Ces micro-options ne portent pour l’instant pas à conséquence : elles ne joueront sur le positionnement que lorsque le vent va tourner à l’Ouest.
Le prochain objectif de navigation est le passage au cœur des îles anglo-normandes en milieu de journée : actuellement, il semble que la majorité des solitaires va passer entre Guernesey et Jersey par le chenal du Grand Russell. Car le fait de louvoyer encore a fait glisser la flotte sous la route directe : plus la rotation du vent au secteur Nord-Ouest va tarder, plus l’option de contourner les îles par le Nord se restreint. A 70 milles du raz Blanchard, les bateaux devraient tous pouvoir passer ce point névralgique avec la marée montante favorable en milieu de journée ce mardi.
Ils ont dit
Jérémie Beyou (BPI) : « On a eu de la pluie toute la nuit, mais ça s’arrange un peu maintenant. Le vent commence à mollir et à tourner vers le Nord lentement comme prévu. J’espère que ce passage mou ne sera pas trop dur ni trop long. Le jeu est d’avoir la bascule sans la molle, et il a fallu profiter des petites rotations de la nuit. La flotte devrait compresser dans cette phase de ralentissement. Côté algues, ça va mieux parce qu’il y avait de gros paquets qui se formaient à chaque renverse de marée. J’ai Erwan (Tabarly) à mon vent et Fabien(Delahaye) à ma droite, juste derrière. On suit les mêmes trajectoires… »
Fabien Delahaye (Port de Caen-Ouistreham) : « Il s’est passé pas mal de choses depuis le Four : on a tiré des bords dans un vent très instable montant jusqu’à 20 nœuds. Il y a de grosses oscillations de la brise et j’en ai raté une dans la nuit : Erwan (Tabarly) en a profité pour me passer ! Jérémie (Beyou) navigue toujours très bien, mais il n’y a pas qu’un objectif sur cette manche : il faut aussi bien finir. La rotation va mettre du temps à venir et je pense qu’on aura déjà passé le raz Blanchard. Il y a de petits recalages à faire avant les îles Anglo-Normandes… »
Charlie Dalin (Keopsys) : « Pas beaucoup de vent en ce moment : ça vient de tomber et il semble qu’il y a plus de pression au large. J’ai eu une bonne phase en mer d’Iroise et dans le chenal du Four, mais c’est plus compliqué maintenant. La brise tourne doucement vers le Nord : il ne faudrait pas que les « Nordistes » s’échappent ! »
Francisco Lobato (Roff) : « J’arrive à faire une course un peu plus « normale » depuis Les Sables d’Olonne. Mais là, je ne suis pas sûr d’être bien positionné avec la rotation du vent qui arrive doucement. Toute la nuit, j’ai navigué dans les cailloux et je n’ai pas vraiment pu me reposer. Il faut que j’attende que le vent se cale dans une direction. On doit être au centre de la dépression en ce moment parce que j’ai des appels du vent au Nord-Ouest. »
Classement de 4h
1 Jérémie Beyou BPI à 188.50 nm
2 Jean-Pierre Nicol BERNARD CONTROLS à 0.20 nm
3 Eric Drouglazet LUISINA à 0.80 nm
4 Erwan Tabarly NACARAT à 1.20 nm
5 Adrien Hardy AGIR RECOUVREMENT à 1.30 nm
6 Fabien Delahaye PORT DE CAEN OUISTREHAM à 1.40 nm
7 Paul Meilhat MACIF 2011 à 1.60 nm
8 B Morgan Lagravière VENDEE à 1.90 nm
9 Francisco Lobato ROFF à 2.10 nm
10 B Charlie Dalin KEOPSYS à 2.30 nm