Dans un brouillard à couper au couteau

Crepes Whaou ! sur le lac Saint Laurent
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Les multis 50 : course-poursuite malouine
Ils ont rejoint le détroit d’Honguedo qui ouvre les portes du golfe Saint-Laurent, le plus grand estuaire du monde, entre l’île d’Anticosti et les rives de la Gaspésie. Si les courants survoltés ont calmé leurs ardeurs, les trimarans de 50 pieds Open n’en bataillent pas moins dans des conditions propices encore aux rebondissements. Dans un vent d’Est qui varie toujours en force et dans des eaux mal pavés, les équipages des premiers de cordée – dans un décor qui n’a rien à envier à celui des Terres Neuvas – jouent de tous les coups tactiques pour rejoindre des contrées plus océaniques. Mais devant les étraves de Crêpes Whaou !, il reste plus d’une centaine de milles à courir avant la marque de Percé, point de passage obligé avant Saint Pierre et Miquelon. Et le capitaine du bord se refuse au moindre pronostic  sur son arrivée à la frontière entre fleuve et océan. Joint à la vacation du jour, le marin-pêcheur de Saint-Malo, fidèle de l’épreuve, redouble de prudence et de vigilance : « A terre, il y a encore une brume très épaisse, mais le temps se lève un peu et nous voyons les sommets des montagnes : c’est aussi surréaliste que magnifique. Mais, si nous nous rapprochons trop des côtes, à 3-4 milles, on tombe dans la pétole. Nous tirons des bords dans un vent d’Est et la météo promet de rester loufoque encore un peu… peut-être jusqu’à ce que nous rejoignions l’Atlantique. Percé ? Cela dépend si on subit des arrêts buffet comme nous avons connus la nuit dernière… »

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Au-delà des conditions qui promettent de mettre encore les équipages à rude épreuve, Franck-Yves et les siens doivent aussi se méfier des jeunes et impétueux de Laiterie de Saint-Malo, bien revenus ces dernières heures. Sur une option plus proche de la rive sud, l’équipage de Victorien Erussard a passé la vitesse supérieure et progresse désormais à 12 milles du leader. Et c’est sans compter avec les multicoques Imagine de Pierre Antoine, auteur d’un très joli début de course, et Forget Formation skippé par Pascal Quintin. Ces deux-là progressent respectivement à 35 et 44 milles du premier. Au coude à coude, ils ont désormais doublé les premiers Class 40 engagés dans une belle régate dont le suspense reste entier…
 
Class 40 : duel « italo-normand »
Au chat et à la souris, aux chaises musicales, à qui double qui…Aux avant-postes des monocoques de 40 pieds, un duel « italo-normand » est bel et bien engagé entre le quatuor de Télecom Italia et le trio de Pogo Structures. Sur fond de brouillard épais, qui gâche un peu les plaisirs des paysages québécois, les équipages de Giovanni Soldini et d’Halvard Mabire ont sorti les couteaux et jouent volontiers une musique répétitive  pour s’échanger le commandement. Au dernier relevé honneur aux marins du plan Verdier italien, qui affiche, non loin de la rive sud une avance de trois petits milles. Halvard Mabire ne s’y fait pas tromper : «  J’ai l’impression que nous remontons à peaux de phoques les côtes de Gaspésie et cela va bien durer jusqu’à Percé. Dans le brouillard, on ne voit rien : on ne bataille pas qu’avec les Italiens, on bataille avec tout le monde. Avec Mistral Loisirs (Oliver Krauss, ndlr) et Prévoir Vie (Benoît Parnaudeau), nous nous progressons tous dans un mouchoir de milles… Rien n’est joué ou même débuté. Nous sommes qu’aux prémisses de la course. »
Chez les petits monocoques, les quatre premiers se tiennent encore en moins de 7 milles. Novedia Group, qui a connu la mésaventure d’un échouage sur un banc de sable du fleuve, ferme toujours la marche. Mais Tanguy De Lamotte et ses complices ministes, grands animateurs du début de course, affichent moins de 55 milles de retard sur les chefs de file italiens. La route jusqu’au passage de Saint Pierre et Miquelon est encore longue. Sur fond de régate côtière et de brouillard persistant, toutes les surprises sont encore de mise…
 
Fico : vivement l’océan !
Du côté des plus grands monocoques, gageons que la régate sur fond de décor fluvial embrumé  redouble d’intensité. L’exercice est périlleux et tous les équipages privilégient la prudence pour déjouer les pièges et les embûches : effets de site, bancs de sable et circulation maritime… Au passage de la marque de Rimouski, le monocoque de 60 pieds Cervin EnR était pointé sur les coups d’ 1 heure (heure française) dans la nuit de lundi à mardi. Yannick Bestaven et son équipage, leaders du groupe Fico, doublaient ce premier point de passage entre les premiers 40 pieds. Les prochaines heures diront si le coursier océanique a pu enfin allonger la foulée en approche du golfe Saint-Laurent. Le fleuve laissé dans les tableaux arrières, c’est une nouvelle course qui débute pour les plus grandes unités à l’instar d’Ocean Of Smiles (Christophe Bullens), de Port de Québec (Georges Leblanc) toutes plus à l’aise et plus véloces sur de plus vastes espaces maritimes. Saint Malo Team (Denis Douillez) affiche, lui, 135 milles de retard sur le premier multicoque. Il ferme la marche de la course à la marque de Rimouski qu’il a parée dans l’après-midi, ce mardi…