C´est l´heure des comptes à Santander…

arrivée du leader Scutum à Santander
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« En Figaro, à partir de 30 minutes de retard sur un concurrent sérieux, tu peux commencer à te poser des questions. Je peux te trouver cent scénarios différents pour revenir, mais l’expérience me dit qu’à partir de la demi-heure, tu sais déjà qu’il faudra cravacher pour tenter de revenir ». Le mot est signé d’un skipper qui a appris la chanson en dix participations à l’épreuve : c’est Yann Elies, arrivé 5e hier soir à Santander, à 26 minutes du grand vainqueur, l’outsider rochelais Gérald Veniard sur son Scutum. A croire le skipper de Groupe Generali Assurances, il est donc le dernier des bateaux de tête à ne pas avoir trop de ‘questions à se poser’ avant les trois prochaines étapes qu’on entame par la remontée vers Saint-Gilles-Croix-de-Vie, dimanche. De fait, devant il n’y a des écarts insignifiants (3 minutes et 48 secondes au total) qu’entre le 2e Gildas Morvan (Cercle Vert) et Yann Elies. C’est dans ce faible espace-temps, à une vingtaine de minutes du vainqueur, qu’on trouve deux autres grands favoris : Charles Caudrelier (Bostik, 3e) et Armel Le Cléac’h (Brit Air, 4e). La sixième, Jeanne Grégoire (Banque Populaire) est déjà à près d’une heure. Et si elle estime n’avoir «jamais aussi bien navigué », elle sait aussi parfaitement que La Solitaire se joue au temps et explique : « il y a deux ans j’étais à une heure du premier et j’étais 33e. Ici, je suis encore à une heure du premier, mais je suis 6e ».
Si l’on s’en réfère aux précédentes éditions en effet, la Manche et le golfe de Gascogne se sont cette fois entendus pour saler considérablement l’addition au terme de l’étape d’entame. En 2004, les 10 premiers tenaient en neuf minutes contre 1h20 cette année. L’an passé à Bilbao, les écarts étaient si faibles que Michel Desjoyeaux avait décrété pour rire que La Solitaire commençait à la deuxième étape. Rien de tel encore cette année à Santander où le 7e (Thierry Chabagny/Littoral) est déjà à plus d’une heure et que Liz Wardley (Sojasun, 22e) est la dernière sur la liste à accuser moins de deux heures de retard. L’an dernier à Bilbao, les 7 premiers tenaient en 10 minutes, les 27 premiers en une heure. Ce n’est pas tout à fait la même musique.
 
Kito et Pietro, les grands déçus…

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Sur le banc des grands favoris déçus par cette première manche, on trouve les deux chouchous des bookmakers de Cherbourg-Octeville : Kito de Pavant (Groupe Bel, 11e à 1h20) et son ami Pietro D’Ali (Nanni Diesel, 18e à 1h40). Les deux sont de surcroît mécontents de leur vitesse sous spi, ce qui était forcement handicapant dans cette étape où la grande voile d’avant a servi pendant… 400 milles, de Wolf Rock à Santander. Erwan Tabarly (Iceberg Finance) est à 1h20’ lui aussi. L’ex-vainqueur Eric Drouglazet (Pixmania.com), 20e à 1h49 ou encore Nicolas Troussel (Financo, 21e à 1h54) et Laurent Pellecuer (Cliptol Sport, 30e à 2h57) sont de ces déçus de l’Espagne qui devront « cravacher ferme pour tenter de revenir ». Quant au malheureux Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec), handicapé par des soucis de pilote, il termine 37e à 5 heures du leader et témoigne bien malgré lui de la difficulté de cette série Figaro Bénéteau, où un cursus de héros du Vendée Globe et double lauréat de la Transat Jacques Vabre ne met pas à l’abri de la déconvenue. « La course au large de longue distance c’est ainsi », commente Pietro D’Ali, « avec l’excellence du niveau, la moindre erreur se paie très cher. J’en ai fait une seule, en Angleterre, et je n’ai jamais pu revenir».
 
Du côté des outsiders, il y a forcément un peu moins de dégât puisqu’on n’osait venir pour le podium. Certains méritaient mieux au vu de la régularité de leur course avant que le vent ne mollisse hier après-midi. Fred Duthil (Brossard, 8e à 1h14), Nicolas Bérenger (Koné Ascenseurs, 9e), Etienne Svilarich (17e à 1h33) ont été de grands animateurs de l’étape. Ils peuvent être fiers de leurs courses respectives et restent en phase avec leurs ambitions. C’est le cas aussi d’Oliver Krauss (Axa Plaisance, 13e à 1h22), d’Armel Tripon (Gedimat, 14e), voire d’un Jean-Paul Mouren (M@rseillEntreprises) qui a tenu à terminer dans les 20 premiers (19e) pour sa … vingtième participation.
 
Duel énorme chez les bizuths

Chez les bizuths, la lutte est, a été et va être « énorme » comme dit le leader de ce classement des débutants entre les deux vraies surprises de cette première étape : Gildas Mahé (Le Comptoir Immobilier) et Corentin Douguet (E.Leclerc-Bouygues Telecom). Il n’y a que dix minutes d’écart entre ces deux là. Surtout, ils émargent respectivement à d’excellentes 10e (Mahé) et 15e (Douguet) places au général. Ils vont vite, naviguent bien et sont salués pour cela par de nombreux glorieux aînés. L’affaire vaut une boutade échangée après s’être claqué les pognes hier soir au ponton de Santander :  « Hey Gildas, sur la prochaine on fait premier et deuxième de l’étape et puis après on invite un vieux sur la troisième marche?» ricane Douguet.  « Bonne idée, je vote pour, on n’aura qu’à prendre Chabagny avec nous ! » répond Mahé dans un éclat de rire, alors que Chabagny passe justement dans le coin en rigolant qu’il a eu « de la chance comme jamais sur la fin d’étape ». Cette jeunesse qui ne respecte plus rien rit aux éclats de sa bonne aventure. Christopher Pratt (Espoir Crédit Agricole 24e à 2h07), Erwan Israël (Delta Dore, 27e à 2h12), Eric Peron (Cigo, 27e à 2h18) ou encore Ronan Treussart (Groupe Céléos, 29e à 2h52) et Thomas Rouxel (Défi Santé Nutrition, 31e à 3h06) ne sont sûrement pas d’accord pour laisser Mahé et Douguet se disputer le trophée tout seul. Ils ont parfaitement raison. Comme tous les autres dont le classement ne répond pas aux espérances du départ.
Il reste trois étapes et 1300 milles de mer pour se refaire une santé et pourquoi pas s’inviter au bal de la rigolade. Quand les marins ont pris une « veste », ou « bâche » ou « caramel » (pris du retard, en français), ils se remotivent souvent par une phrase rituelle :  « ça repart de là ! » On oublie tout et on remet du charbon. On s’accroche. Pas question de lâcher le morceau. Ça repart de Santander, dimanche.