Ces marins de Saint-Malo !

Arrivée de Laiterie de Saint-Malo
DR

Victorien vient d’amarrer Laiterie de Saint-Malo au ponton d’honneur. Il ne fait pas mystère des émotions et des sentiments qui l’envahissent et savoure, avec ses trois complices de la glisse, ce grand moment de bonheur : « Cette arrivée, c’est beaucoup d’émotions : plus même que pour ma première Route du Rhum. Je n’en reviens toujours pas que nous y soyons parvenus, c’était un peu chaud ! Quand nous avons eu le choc avec la baleine, à 300 milles dans l’Est de Terre-Neuve, tout s’est écroulé. Nous étions venus avec l’idée de faire un podium. A ce moment-là, nous allions vraiment à « donf’ » même s’il nous restait encore un peu de marge : en tout cas, on reprenait des milles. Merci à tous ceux qui nous ont soutenus et pour cet accueil, on dirait presque qu’on a gagné ! »
 Il est 11h30 et le bassin Vauban est en liesse. C’est le retour de ces jeunes et fougueux messieurs de Saint-Malo. Ils ont relevé le challenge un peu fou de ramener à bon port un trimaran de 13,60 mètres privé d’appareil à gouverner et de parcourir quelques 2000 milles sous haute  tension. Oui, comme Franck-Yves Escoffier, grand vainqueur à bord de Crêpes Whaou !, ils décrochent une belle victoire : celle ne pas avoir abandonné et de surtout pas baissé les bras malgré cette avarie majeure.

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270 milles en 24 heures sans safran
Tout a débuté le 27 juillet dernier à 300 milles dans l’Est de Terre-Neuve. Lancé à pleine vitesse et à pleine puissance aux trousses de Crêpes Whaou !, le trimaran Laiterie de Saint-Malo est brusquement freiné dans sa progression, suite à la collision avec une baleine. Le choc provoque la perte du safran, le seul dont est équipé ce trimaran. On connaît désormais la suite : Victorien et les siens ont, vaille que vaille, traversé dans des conditions de vent portant plutôt musclées.
Les chiffres sont là et parlent d’eux-mêmes : 10 jours de mer sans safran, 2100 milles parcourus environ (1631 milles en route directe), 270 milles avalés sur 24 heures… Incontestablement, l’équipage a fait contre mauvaise fortune preuve de bon sens marin. Les voiles en ciseaux, les traînards, des coups de barre improvisés aux winches : les quatre compères n’ont manqué ni de conviction, ni d’inspiration pour ramener ce trimaran à bon port. « Dans le petit temps, il n’est pas aussi rapide que les multicoques de dernière génération, mais dans la brise il tire profit de son tempérament marin. Nous avons parcouru 460 milles au début de la traversée de l’Atlantique », confie Loïc Escoffier. Et d’ajouter : « Mais là où il nous a vraiment surpris, c’est une fois la casse du safran survenue. Nous avons fait des pointes à 22 nœuds, nous n’étions pas forcément très rassurés, mais jamais nous avons eu peur de chavirer. »

Une aventure humaine
 Ces 10 jours de mer sans safran et cette 7ème Transat Québec-Saint Malo resteront longtemps amarrés dans les mémoires salées de ces jeunes marins, accueillis comme des héros à Saint-Malo. Nous laisserons le mot de la fin à Erwan Thibouméry : « Nous avons bien fait les choses. Le bateau est là, je suis content de voir son mât au bassin Vauban, de l’avoir rapatrié ici. Nous avons disputé une course qui s’est transformée en une aventure humaine. Nous avons vécu une formidable expérience… » Tout est dit !

13 Class 40 à bon port

Ils avaient promis de régater au couteau jusqu’au bout. Les petits airs qui ont sévi la nuit dernière le long des côtes aux abords des Héaux de Bréhat ont favorisé des arrivées serrées à toute petite cadence : façon Figaro en somme ! Cinq Class 40, de Beluga Racer (Boris Herrmann) à Appart City (Yvan Noblet), en passant dans l’ordre par Techneau (Gilles Dutoit), Rev’86 (Alain Grinda) et L’Esprit Large-Talmont Saint Hilaire (Jean-Edouard Criquioche), ont ainsi coupé à tour de rôle la ligne en un peu plus d’une heure et demie.
 Plus tard dans la matinée, le rythme s’est accéléré pour accueillir Groupe Partouche (Christophe Coatnoan) et SAIPEM-Leadership in Safety (Gwenc’hlan Catherine) qui occupent respectivement la 12è et 13è place du classement Class 40.

Cet après-midi, on attend encore Fermiers de Loué-Sarthe (François Angoulvant) dont la progression est freinée dans les courants contraires. La nuit prochaine sera elle – sauf coup de mistoufle ou sautes d’humeur d’Eole – celle de Khat 7 (Eric Galmard). Enfin demain dans la matinée, Destination Calais, freiné par une avarie de safran doit fermer la ligne des 40 pieds. A la mi-journée ce mercredi, alors que Pierre-Yves Chatelin et son équipage étaient en approche des Sept Iles au large de la côte Nord du Finistère, à la faveur d’une accalmie, ils se sont rendus compte qu’ils avaient perdu la moitié de leur safran bâbord… et il y a de cela plusieurs jours. « Nous espérons quand même être à Saint-Malo entre cette nuit et demain matin, merci de nous laisser un peu de vent pour une arrivée qui aura une saveur particulière : le moins que l’on puisse dire étant que nous n’avons pas été très chanceux comme dise nos amis Québecois ! », confie le capitaine calaisien.

Une belle aventure est sur le point de se terminer, pas toujours facile : les bris de matériel, les aléas météo, l’humidité permanente… mais bientôt ne resteront que les beaux et bons moments. De ceux que seuls l’océan sait offrir…
 Notons que sur les 18 Class 40 engagés, la flotte ne déplore que deux abandons : celui des Entreprises Lorraines (Patrice Carpentier), victime d’un échouage dans les eaux piégeuses du fleuve Saint-Laurent, et celui de Groupe Sefico (Philippe Vallée), qui a démâté et qui progresse actuellement à un peu plus de 500 milles de côtes françaises sous gréement de fortune….

Récapitulatif sur les dernières arrivées
 7 – Beluga Racer (Boris Herrmann)  à 05 h 10 mn 10 sec
 Temps de course : 16 j 12 h 10 mn 10 sec
 Vitesse moyenne : 7.20 nœuds
 8 – Techneau (Gilles Dutoit) à 05 h 31 mn 58 sec
 Temps de course : 16 j 12 h 31 mn 58 sec
 Vitesse moyenne : 7.2 nœuds
 9 – Rev’86 (Alain Grinda) à 05 h 33 mn 42 sec
 Temps de course : 16 j 12 h 33 mn 42 sec
 Vitesse moyenne : 7.199 nœuds
 10 – L’Esprit Large-Talmont St Hilaire (Jean-Edouard Criquioche) à 06 h 18 mn 21 sec
 Temps de course : 16 j 13 h 18 mn 21 sec
 Vitesse moyenne : 7.18 nœuds
 11 – Appart City (Yvan Noblet) à 06  h 44 mn 54 sec
 Temps de course : 16j 13 h 44 mn et 54 sec
 Vitesse moyenne : 7,17 nœuds
 12- Groupe Partouche (Christophe Coatnoan) à 09h 45 mn et 38 sec
 Temps de course : 16 j 16 h 45 mn 38 sec
 Vitesse moyenne : 7,12 nœuds
 13 – SAIPEM- Leadership in Safety à 10 h 52 mn et 15 sec
 Temps de course : 16 j 17 h 52 mn et 15 sec
 Vitesse moyenne : 7,10 nœuds

Ils ont dit
Alain Grinda (Rêv’  86 ): « Cette course a été pour nous un excellent moyen de découvrir le bateau. Nous n’avions à notre actif que le convoyage aller jusqu’à Québec. Sinon, nous avions notre vécu de régatier alémanique. La découverte de la haute mer était pour nous une révélation. D’avoir pu se bagarrer jusqu’au bout avec d’autres équipages a été très enrichissant. Avec un final haletant, puisque quelques minutes à peine nous séparent de Techneau, à notre désavantage, mais bon… »

Gilles Dutoit (Techneau) : « C’était notre première grande course océanique. On était cinq à bord, ce qui peut paraître beaucoup. Mais, c’est ce même équipage qui naviguait ensemble en 747 One Design. On n’allait pas en laisser un sur le carreau ! Le Pogo 40 est un bateau fantastique. Comme les autres on a fait notre petit jeu de pointes de vitesse.»

Boris Herrmann (Beluga Racer) : « Nous étions de loin l’équipage le plus jeune de cette Transat avec 23 ans de moyenne d’âge. On a beaucoup appris et nous n’avons qu’une envie, c’est de revenir et d’améliorer notre classement sur une prochaine course.»

Jean-Edouard Criquioche (Esprit Large – Talmont Saint-Hilaire) : « L’historie de cet équipage est une chaîne d’amitié. Nous étions déjà quatre quand nous avons su que Lionel qui courrait habituellement contre nous avait été lâché par son partenaire. Comme il n’était pas question qu’il reste à terre, il est venu en cinquième. Notre crainte, c’était que nous avions cinq leaders à bord. Mais chacun a su rester à l’écoute des autres et du coup, ça a très bien fonctionné… »

Philippe Vallée (Groupe Sefico) : « Nous sommes maintenant 523  milles de Port Olona, nous naviguons à 6 noeuds avec le vent pile par l’arrière. La journée d’hier nous a proposé des conditions fort agréables avec un vent d’ouest de 25 noeuds et du soleil. Cela nous a permis de faire sécher les cirés, le bateau et de nous laver. Joie de courte durée, dès cette nuit l’humidité a repris ses droits et la grisaille également. Je croyais en novice de la course au large que la Transat Québec- Saint Malo c’était en été. Je crois que j’ai mal lu le dépliant de l’agence de voyage !
 En dehors de ces contingences météorologiques, le moral est toujours intact, la table est toujours aussi bonne, et nous espérons arriver dans le week-end aux Sables d’Olonne. Cela arrangerait bien nos affaires car nous reprenons tous les quatre le travail lundi 11 août.
 Un grand bonjour au soleil si vous l’apercevez, et dites lui de venir faire un tour au 46°33 N et 14°27 O. »