Epaulé par une équipe de haut vol, Cammas et sa fusée verte ont tout raflé cette année. Tous les paramètres objectifs font du couple Cammas – Groupama 2 le favori de cette Route du Rhum dans la catégorie reine des 60 pieds multis. Position que l’intéressé réfute, par modestie ou pour cacher son jeu. Cammas le cannibale jamais rassasié de victoires est un esprit lucide " Au large et en solitaire, les différences de potentiel entre les bateaux sont un peu nivelées. Ils sont menés à 70% de leur potentiel. Les moyennes sont faibles par rapport à nos vitesses de pointe "
Etoile filante
Ses adversaires savent qu’en solitaire la donne est changée et vont s’employer à lui faire mordre l’écume. Tous contre Cammas pour empêcher le sacre du petit prince à Pointe-à-Pitre. Car l’ascension de ce marin qui incarne la modernité, la rigueur a été celle d’une étoile filante. En 1998, après avoir fait ses gammes dans la classe Figaro, Cammas était déjà à la barre d’un trimaran de 60 pieds et à l’arrivée sur la troisième marche du podium. Plutôt prometteur pour un baptême du feu en multi sur l’Atlantique. Moins de dix ans plus tard, ce surdoué est la tête d’affiche du circuit des 60 pieds. Qui plus est, grâce à Groupama un sponsor aussi fidèle que puissant, le prodige est à la tête d’un armement, un trimaran référence pour les 60 pieds et un autre tri géant ( 32 m ) pour aller courir les records dans un proche avenir.
Un souvenir amer
Mais en attendant de se griser autour de la planète bleue avec sa nouvelle machine, Cammas a rendez-vous sur l’Atlantique pour un nouveau Rhum. Du premier , il garde le souvenir d’une traversée semée d’embûches mais achevée sur un podium. Le précédent lui avait laissé un goût amer dans la bouche. Quelques heures après le départ, il avait chaviré du côté de l’Ile de Batz. Une fortune de mer rangée au rayon des mésaventures qui jalonnent une vie de marin. Cammas n’a pas été traumatisé par cette culbute mais il l’a méditée : " Le chavirage est un risque permanent en solitaire. On n’oublie jamais. Je vais faire d’autant plus attention les 24 premières heures. On a souvent tendance à partir à fond. Ce n’est pas forcément une nécessité". Vu la météo annoncée, il serait pourtant étonnant qu’il ne donne pas le tempo avec sa machine particulièrement véloce dans le petit temps.
Prendre du recul
Dans cette transat, Cammas veut conduire sa course à son gré , sans se laisser embarquer dans des parties de bras fer où l’orgueil peut jouer des tours. " Il faut avoir du recul pour naviguer contre nature. Il faut savoir s’évader de la course, de ses adversaires, se mettre dans une situation de course contre la montre" explique ce compétiteur permanent qui déteste être derrière.
Méthode Coué ou stratégie délibérée pour échapper à la pression ? Cammas est conscient que tout le monde l’attend au coin de la bouée en Guadeloupe. " Cette Route du Rhum est importante. Avec mon partenaire j’ai la chance de travailler sur le long terme. Je sais qu’il y a beaucoup d’attente mais je ne joue pas ma carrière sur cette transat . Avec l’âge ( 33 ans ) cela aide à rester zen " confie t’il en souriant. Marin technicien affirmé , esprit cartésien Cammas veut tracer une trajectoire limpide sur l’océan. A l’approche du coup de canon, ce sportif accompli, fou de montagne, est allé s’oxygéner et faire de l’escalade à Tignes. Une manière de préparer son ascension atlantique.
Gilbert Dréan
Cammas : “Je vais faire attention les premières 24 heures”
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