A l´aube d´une nouvelle aventure

Gildas Morvan - Cercle Vert
DR

Michel Desjoyeaux, le premier l’a dit quand il a posé le pied à terre au Pays basque espagnol mardi : « Vous savez que la Solitaire démarre vendredi ! » Une boutade lancée en l’air par le skipper de Géant qui en dit pourtant long. La première étape à peine bouclée, alors que les arrivées au port se succèdent à tout va, le constat saute aux yeux entre les lignes du classement : les si petits écarts qui séparent les gros bras du circuit laissent grandes ouvertes les portes du large à de nouveaux rebondissements. Et c’est tant mieux : pour les marins, comme pour les terriens qui se réjouissent de suivre de nouveau le sillage de ces pros du solo, qui se surpassent quoi qu’il advienne. Qu’il vente, qu’il tempête ou qu’il pétole. Rien n’est joué, tout est encore possible. Clap, on prend les mêmes et on recommence ! Evidemment, le premier « run » entre Perros-Guirec et Getxo-Bilbao a mis un beau coup de projecteur sur les hommes et les femmes du moment, sur ces têtes d’affiche qui n’ont pas fini de se donner la réplique. Mais dans ce scénario, le gros de la flotte à encore son mot à dire. La prochaine scène va se dérouler entre l’Euskadi et La Rochelle, via le phare des Birvideaux au nord de Belle-Ile. Les premiers 248 milles à travers le long du golfe de Gascogne seront suivis d’un parcours entre côtes bretonnes et deux îles : celles d’Yeu et de Ré. Le tout doit faire 368 milles.

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Dorsale et bascule
D’ici là et à la veille du départ qui sera donné ici demain vendredi à midi, les acteurs de la Solitaire n’ont pour l’heure d’yeux que pour elle. Il l’étudie sous toutes les coutures, l’épient sur tous les modèles. Ils l’observent par ordinateurs portables interposés, qu’ils connectent depuis le bureau des skippers sur tous les sites de routage possibles et imaginables. Alors, de quelle humeur est-elle ? Plutôt tonique et extravertie, du genre à semer la brise à tout vent ? Ou au contraire timide, discrète, capricieuse ? Madame Météo, après avoir cédé en Euskadi aux avances d’une brise thermique aux grands airs, retrouve ses schémas de saison. Sur le golfe de Gascogne en plein mois d’août, place à une belle et franche situation anticyclonique. Richard Silvani de Météo France détaille la situation : « Les coureurs vont devoir traverser une belle dorsale et éviter les pièges et les embûches que cette situation météo induit. Il leur faudra rentrer la bascule du vent – de nord-est dans son sud au nord-ouest dans son nord – sans se laisser coller, avec qui plus est le risque de se laisser piéger par des micro-bulles de pétole. » Et le météorologue de temporiser : « Mais il y aura toujours du vent : 5-10 nœuds dans le nez au départ et 10-12 nœuds de l’autre côté de la dorsale, au portatif quand il s’agira de redescendre vers La Rochelle. Si cette tendance se confirme, les premiers peuvent être attendus dimanche dans la nuit ou lundi la matinée. »

Etape complète et complexe
Du près dans des petits airs majoritaires pour débuter et du vent portant plus soutenu à l’heure de laisser les Birvideaux dans le dos, d’envoyer les spis en tête et de filer jusqu’à La Rochelle : le décor est planté dans ses grandes lignes. Il s’ouvre sur une étape aussi complète que complexe, tout aussi tactique que stratégique, où il faudra jouer le tempo des oscillations du vent. « C’est très intéressant », se réjouit Yannick Bestaven. « Dès lors que l’on tricote au près, il faut choisir son camp et son bord : à droite ou à gauche. La flotte va se diviser. La situation est claire et il va falloir que j’envoie du gaz. J’occupe ici la 27è place et c’est pas joli, joli même si en temps je ne suis pas complètement à la rue. Cette situation météo, c’est une belle occasion de se refaire », insiste le skipper d’Aquarelle.com. On veut bien le croire : le solitaire aux fleurs joue souvent avec les vents pour composer sa route. Et il aime aussi le dire avec de la tactique. Tout comme Nicolas Troussel, d’ailleurs. 37ème, celui qui a remporté la dernière Transat AG2R aux côtés d’Armel Le Cléac’h, ne fait pas de mystère. Il s’est raté sur la première : « Je craignais ce genre d’étape : une chevauchée musclée, où c’est avant tout la vitesse qui prime. Les options de navigation étaient plus que réduites. »
Le skipper de All Mer se rassure sur ce qui l’attend au tournant de ce deuxième parcours. « Aux allures de près, comme au portant, on retrouve vite ses repères. Et puis, la tactique prend une part déterminante. Une étape de vents faibles peut amener rapidement des bouleversements dans le classement. A moi de prendre le bon wagon et de réussir une bonne manche… » Le skipper de D’Aucy Cultive La Vie l’a bien compris aussi. Sébastien Audigane a beau avoir tourbillonné autour du monde à des vitesses folles avec l’équipage d’Orange 2, il ne boude pas non plus son plaisir de faire de nouveau appel à ses réflexes de solide solitaire : « A priori il y aura du jeu au moins jusqu’à Belle-Ile, au près dans des vents faibles et ça me va bien. Il y aura davantage de stratégie et le point le plus positif, c’est que mon retard au leader de 35 minutes n’est rien du tout au regard des trois belles étapes qui restent à courir. »

En route donc pour un nouveau départ. Et si tous placent de beaux espoirs dans ce nouveau parcours, beaucoup se souviennent qu’il ressemble trait pour trait à celui qui avait conduit la flotte de Getxo-Bilbao à La Rochelle, il y a deux ans. En passant aussi par là-haut, par le Birvideaux ! L’étape s’était conclue par une arrivée au suspense inégalé, alors qu’un certain Pascal Bidégorry menait la danse. Un filet de pêche pris dans sa quille à une jetée de mille de l’arrivée en avait décidé autrement. Armel Le Cléach, Michel Desjoyeaux et Erwan Tabarly lui avaient volé la vedette sur le fil. Alors le chacal de Foncia-TBS, est-il paré pour ré-éditer le scénario ? A ses yeux, pas la peine de tirer des plans sur la comète de La Solitaire : « La répétition d’un scénario, pourquoi pas ? Mais cela dépend du vent, forcément. Et chaque nouvelle étape, c’est un nouveau départ… » Une nouvelle histoire aussi.

Source Solitaire Afflelou Le Figaro