e chant des sirènes a su rappeler la fine fleur des marins pour la finale du Challenge Julius Baer ce week-end. Outre le plan sportif, la concentration de talents omniprésente sur chaque régate a démontré que le succès et la réputation de la série ont largement dépassé nos frontières. Avant tout pour le plaisir de la régate et dans l’espoir d’être au top au classement général, Loïck Peyron, Ernesto Bertarelli, Alain Gautier, Franck Cammas, Yvan Ravussin ou Pierre Pennec s’étaient donnés rendez-vous à Versoix (Genève) pour clôturer la saison 2006. Chacun d’eux avait à cœur de se retrouver pour naviguer une fois encore dans la bonne ambiance lémanique qui règne au sein de la classe de ces multicoques de compétition de 35 pieds.
Trois belles manches ont pu être courues dans la journée de samedi. Le lendemain, pluie et absence de vent ont malheureusement condamné les concurrents à une longue attente. A l’issue du week-end, Alain Gautier s’impose vainqueur de l’épreuve avec FONCIA. Une place qui les porte au 3ème rang du Challenge Julius Baer. Belle récompense pour le marin français qui avait très tôt affiché son envie de bien figurer au palmarès. Ce dernier en tire un bilan plutôt positif : « Humide mais très content de la fin du championnat. C’est la sixième course d’affilée où nous sommes dans le coup. Mathématiquement, nous avions encore des chances de passer devant ALINGHI au classement général et tout laissait augurer une journée palpitante. Hélas, la météo en a décidé autrement et le classement est resté figé. Sportivement, ce challenge est très intéressant et d’un bon niveau. Notre équipage, composé pour moitié de professionnels, a parfaitement fonctionné. L’an prochain, nous commencerons la saison comme nous venons de la terminer pour jouer la gagne avec les autres. »
Flash-back sur les moments forts de la cuvée 2006. L’intensification des programmes d’entraînements et l’arrivée de skippers renommés sur le circuit, ont eu pour conséquence d’élever d’un cran la compétition. En mai, le championnat démarrait avec le Grand Prix Chopard à la Société Nautique de Genève. Nicolas Grange, président de la série, skipper et propriétaire d’OKALYS, l’avait pressenti lorsqu’il confiait : « Ce nouveau championnat va être très serré et le niveau moyen des équipages en forte hausse ». En rade de Genève, OKALYS marquait d’entrée de jeu les esprits en remportant le premier grand prix de la saison, talonné de près par son grand concurrent ALINGHI. Dernier arrivé sur le circuit, Alain Gautier sur FONCIA ne cachait pas ses ambitions : « En 2005 nous avons dû apprivoiser notre bateau. Cette année, c’est différent. Nous avons pour ambition de venir nous imposer sur le Léman ».
Deux semaines plus tard, c’est Ernesto Bertarelli sur ALINGHI qui l’emportait dans les conditions soutenues de la HP Cup La Réserve. CADENCE, de Jean-François Demole, et JULIUS BAER, de Philippe Cardis et François Mordasini, venaient compléter ce podium en bons outsiders toujours dans le coup. La Genève-Rolle-Genève voyait ensuite OKALYS rafler la victoire à ALINGHI. Une semaine après jour pour jour, l’équipage de BANQUE GONET & CIE emportait haut la main le Bol d’Or Rolex avec Russel Coutts à son bord. Puis, faisant preuve de nerfs d’acier jusqu’à la dernière bouée pour négocier au mieux les zones de vent et de calme plat, c’est JULIUS BAER qui reprit le flambeau pour s’imposer vainqueur à l’issue de la TransMajestic, au mois de juillet.
Venait ensuite la trêve estivale. Bien décidé à regagner du terrain, ALINGHI parvint à claquer la Régate du Joran pour revenir à trois points seulement d’OKALYS. La compétition était relancée. C’est à Lausanne en septembre, pour Grand Prix Beau-Rivage Palace, que FONCIA surgit en première position. Fidèle à son concept, le traditionnel rendez-vous accueillait parallèlement une pléiade de marins prestigieux dont cinq des skippers de l’America’s Cup amusés à l’idée de venir s’affronter dans le cadre du Trophée Marco Landolt aux côtés de Karine Fauconnier, Pascal Bidégorry, Franck Cammas et Stève Ravussin.
Ultime étape, l’Open Cadillac de Versoix reflète une nouvelle fois l’extraordinaire bagarre qui caractérise la série. FONCIA devance alors JULIUS BAER. BANQUE GONET & CIE, barré pour l’occasion par Franck Cammas, se distingue en troisième position. Heureux invité, ce dernier raconte : « Bien dans le match tout du long, le plan d’eau était toutefois suffisamment tordu pour présenter quelques pièges. Dans l’ensemble, nous avons été bons même si nous n’avons pas toujours fait ce que nous voulions au départ ». Moins d’un mois avant le départ de la Route du Rhum, le multiple champion français se plait encore à relever : « Ce bateau léger et très évolutif offre de belles sensations. Très vivant, il se conduit comme un Formule 18, vire bien, s’arrête peu et redémarre en force. La régate en elle-même m’apporte énormément de plaisir ; raison pour laquelle je suis là aujourd’hui. J’y retrouve des figures connues – Alain et Loïck que je connais très bien – avec des équipages bien rôdés et sur un terrain de jeu idéal. Priorité au 60 pieds mais comme Loïck Peyron, j’ai bien envie mettre du D35 dans mon calendrier de l’année prochaine… »
1er octobre, 17 heures, le rideau tombe sur la scène du Challenge Julius Baer. Les formidables oiseaux de carbone rentrent au port. La remise des prix regroupe concurrents et passionnés pour une dernière cérémonie arrosée au champagne, comme il se doit. Pour la deuxième année consécutive, OKALYS remporte le trophée. Rayonnants, chaque membre de son équipage affiche sa joie à sa manière, tantôt réservée pour certains, plutôt démonstrative pour les autres. Il faut dire que l’esprit d’équipe et la fraternité qui les lie aujourd’hui a su « payer ». A commencer par Malko Pasteur, qui par sa fonction de préparateur, a su dans l’ombre des autres apporter un précieux travail. Véritable cheville ouvrière du bateau, Alain Marchand, Kristoffer Jonsson, Pierre-Yves Bolli, Eric Monnin et Fabien Froesch ont contribué au succès par leur total efficacité dans la tactique et la manœuvre, tout comme l’intrépide duo des co-skippers Nicolas Grange et Loïck Peyron. « Une réussite basée essentiellement sur trois critères. En premier, le fait que nous naviguons ensemble depuis deux ans déjà. Avoir réussi à fidéliser un équipage nous mène à des remises en questions évidentes et ce, en tous temps. Par conséquent, le bateau est toujours parfaitement préparé. Deuxièmement, mon expérience de course au large permet de démarrer rapidement en début de saison. Et à un niveau plus personnel, ma manière d’envisager la navigation dans une totale tranquillité. Certainement la condition impérative à l’efficacité ! », témoigne ce dernier. En tant que président de la classe, Nicolas Grange ajoute : « La série a largement fait ses preuves. Tous se battent et sont passés par des places de premiers et de derniers dans les manches de cette saison, y compris nous… Les différences de points démontrent que quatre bateaux sont largement en mesure de gagner l’an prochain. Si les deux nouvelles unités trouvent acquéreurs, la flotte risque d’être plus spectaculaire encore». Sur la deuxième marche du podium, Ernesto Bertarelli déclare que ce n’est que partie remise pour la saison prochaine. Malgré un calendrier quelque peu chargé en 2007, America’s Cup oblige, ALINGHI sera coûte que coûte prêt à prendre sa revanche.
Les navigateurs ont su prendre confiance en leur bateau pour révéler toute la quintessence de cette formidable série. Vice-président de l’AMC – Association des Multicoques de Compétition et co-propriétaire de JULIUS BAER, Philippe Cardis relève : « L’évolution du Challenge Julius Baer est formidable. La classe attire du beau monde, preuve que la formule est juste. C’est ce qu’il y a de plus encourageant. Le niveau est en hausse. En tant qu’amateurs, espérons que l’on arrivera à suivre le rythme !». Son complice et co-propriétaire François Mordasini approuve : « Nous terminons avec une 4ème place et sommes contents. Ce qui nous aurait paru être une mauvaise place il y a trois ans est devenu plus difficile à atteindre aujourd’hui. Tant qu’il y a de l’intérêt pour cette série, nous sommes sur la bonne voie. Quitte à faire évoluer la monotypie ».
A Gautier l’ultime épreuve, à Peyron le titre final
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