L’épilogue de la première étape de la 24e édition de La Boulangère Mini Transat pour la catégorie des Proto n’a finalement eu lieu qu’après 9 heures, ce jeudi. La pétole s’est en effet invitée sur les quinze derniers milles du parcours, redistribuant alors largement les cartes. Ainsi, si la victoire semblait promise à Victor Mathieu (967 – Celeris informatique) qui caracolait en tête depuis lundi après-midi et avait porté son avance à plus d’une quarantaine de milles sur son poursuivant le plus proche, Carlos Manera Pascual (1081 – Xucla) s’est finalement présenté le premier sur la ligne d’arrivée, chipant la victoire à son rival pour seulement neuf petites minutes et des poussières. Derrière, même scénario. Maël Cochet (621 – Marc SA) qui pouvait espérer se hisser sur le podium après une jolie option ouest, s’est fait piéger dans la molle tandis que Julien Letissier (1069 – Frérots Branchet) est parvenu à trouver un trou de souris pour revenir du diable Vauvert, et ainsi compléter le tiercé gagnant.
Alors qu’hier soir encore tous les voyants étaient au vert pour Victor Mathieu (967 – Celeris informatique) et que ce dernier était attendu en grand vainqueur sur la ligne d’arrivée de la première étape de cette 24e édition de La Boulangère Mini Transat dans la catégorie des Proto, l’histoire a pris une tournure inattendue. En milieu de nuit, une bulle sans vent est en effet venue jouer les trouble-fêtes aux abords de l’île de La Palma. A la clé, une redistribution complète des cartes. Dès lors, la belle avance que comptait le Suresnois a fondu comme neige au soleil, faisant, de fait, les affaires de ses concurrents, et en particulier celles de l’Espagnol Carlos Manera Pascual (1081 – Xucla). Relégué à plus de 40 milles du leader à 24 heures l’arrivée, ce dernier a effectué un retour en force en étant positionné plus à l’est que son adversaire sur la fin du parcours, profitant à la fois d’un meilleur angle d’attaque et de davantage de pression. « J’espérais que le vent mollirait à l’approche de l’île et que la flotte se regrouperait. Après ma première participation à la course, il y a deux ans, je savais que l’atterrissage sur La Palma serait potentiellement compliqué. Je savais qu’il pourrait se passer des choses et que, de ce fait, il serait important de réussir à garder un minimum d’énergie et de lucidité », a commenté le vainqueur (avant jury) qui s’est néanmoins avoué étonné de découvrir ses adversaires si proches de lui à une quinzaine de milles de l’arrivée.
Toujours y croire jusqu’au bout
« Lorsque j’ai vu des feux de mât puis certains de mes concurrents à l’AIS, j’ai été un peu surpris je l’avoue, mais j’ai réalisé que j’avais une vraie chance et je me suis battu pour faire avancer le bateau alors qu’il n’y avait vraiment plus un fil d’air », a indiqué le marin qui a ainsi fait une nouvelle fois la démonstration qu’en course au large, tant que la ligne n’est pas franchie, tout peut arriver. Idem pour Julien Letissier (1069 – Frérots Branchet). « Je suis parti du principe que c’était un peu la loterie depuis le début de cette étape et que ça le resterait sans doute jusqu’à la fin. En somme, que tout restait à faire et qu’il fallait y croire », a commenté le skipper à son arrivée avec l’impression non dissimulée d’avoir effectivement réalisé un hold-up. « Quand j’ai vu le groupe de devant collé à la côte ce matin, je savais que je n’avais rien à perdre et j’ai tenté un truc en restant dans un petit couloir de vent entre les deux points culminants de l’île. Ça a fonctionné, j’ai gardé du vent. Je suis quand même revenu de loin. Avant-hier, je cumulais 75 milles de retard sur Victor. J’avais calculé qu’à 10 nœuds, ça faisait 7 heures. Un tel écart, ça commençait à piquer pour attaquer la deuxième étape dans de bonnes conditions », a souligné Julien Letissier qui est parvenu non seulement à réduire son écart avec le premier à 1h16, mais aussi et surtout à souffler la troisième place à Laure Galley (1048 – DMG MORI Sailing Academy 2).
Des écarts infimes
« C’est clairement une grosse surprise ! », a concédé le skipper. Voilà un constat que ne contredira certainement pas Maël Cochet (621 – Marc SA) qui filait tout schuss vers la deuxième place après une belle option au plus près de la route directe après le débordement du cap Finisterre et qui s’est littéralement fait piéger dans la pétole des derniers milles. Une chose que ne contredira pas non plus Victor Mathieu qui a fait preuve d’une belle maîtrise du début à la fin de la course et pouvait espérer frapper un grand coup au classement général provisoire avant la deuxième étape. « Dans les alizés, j’ai bourriné parce que je ne voulais pas laisser une seule chance aux autres de me rattraper. Je n’avais toutefois pas anticipé qu’il y aurait de la molle à la fin. J’avais préparé beaucoup de choses, notamment le passage du Portugal, mais rien concernant les Canaries. C’est en arrivant que je me suis dit que j’avais été bête. J’oscillais entre m’énerver et me remettre dans le match. J’ai beaucoup repensé à la deuxième étape de la Solitaire du Figaro de cette année. A deux milles de l’arrivée, j’ai vu une risée arriver. Carlos est parti avec. J’ai compris que c’était plié mais je suis content. La victoire aurait été un bonus mais mon but était d’être dans le match et cela a été le cas. Le contrat est rempli malgré tout », a commenté le skipper de Celeris Informatique. Il le sait, neuf minutes de retard sur le leader, à l’échelle d’une transatlantique, c’est totalement dérisoire. Infime même. C’est d’autant plus vrai que les neuf premiers se tiennent en moins 4h15. Aussi, si certains ont marqué des points, c’est avant tout sur le plan psychologique car tout reste à faire !
Quel finish ! Que ressentez-vous ?
« C’est vraiment très fort ! Je suis vraiment, vraiment très heureux ! Ça a été une première étape marquée par le petit temps. Mon bateau n’a pas été pensé pour ce type de conditions mais il est toutefois très polyvalent et il l’a prouvé. La grande leçon de cette première étape, comme souvent en course au large, c’est que tant que la ligne d’arrivée n’est pas franchie, tout peut arriver. Il ne faut jamais baisser les bras mais, à l’inverse, s’accrocher et toujours croire en ses chances jusqu’au bout ! »
A 15 milles de l’arrivée, vous comptiez une quarantaine de milles de retard sur le leader. Aviez-vous réellement pu imaginer un tel scénario, un tel retournement de situation ?
« Disons plutôt que je l’espérais. J’espérais que le vent mollirait à l’approche de l’île et que la flotte se regrouperait. Après ma première participation à la course, il y a deux ans, je savais qu’il pouvait se passer des choses en arrivant à La Palma et que, de ce fait, il était important de réussir à garder un minimum d’énergie et de lucidité pour gérer le tampon du vent sur la côte, par ailleurs très montagneuse. Je savais que ce serait potentiellement compliqué. J’ignorais où se trouvait Victor par rapport à moi. Lorsque j’ai vu des feux de mât puis certains de mes concurrents à l’AIS, j’ai été un peu surpris je l’avoue, mais j’ai réalisé que j’avais une vraie chance et je me suis battu pour avancer alors qu’il n’y avait vraiment plus un fil d’air. J’ai poussé, poussé. Je termine mort de fatigue mais tellement content ! »
Globalement, cette première étape a été compliquée mais aussi et surtout très complète. Comment l’avez-vous vécue ?
« C’est vrai qu’elle a été particulièrement complète avec presque toutes les allures mais aussi de la pétole, du vent très fort… Pour ma part, j’ai vécu quelques heures vraiment très dures au large du Portugal. Je suis resté planté dans la dorsale pendant 10 ou 12 heures et j’ai vu Federico Waksman (1019 – Repremar – Shipping Agency Uruguay), avec qui je bataillais alors pour la première place, filer et me coller cinq milles. Il y a ensuite eu trois jours vraiment sympas dans les alizés. C’était la première fois que je faisais un bord de portant de 100 milles avec le bateau et j’ai pu continuer de le découvrir. J’ai tapé un OFNI (objet flottant non-identifié), hier, et j’ai légèrement fissuré un safran mais je n’ai trop rien cassé à bord. J’ai vraiment eu de belles sensations et j’ai bien pu pousser la machine. J’ai pu voir ce qu’elle avait dans le ventre et j’ai vu qu’elle avait vraiment un gros potentiel. Cela me donne davantage de confiance pour la suite de la course. »
Neuf minutes et 31 secondes d’écart, cela promet de la belle bagarre pour la deuxième étape !
« Ça va être incroyable ! Comme souvent dans la Mini Transat, à l’issue de la première manche, les écarts sont faibles, voire inexistant. A ce stade de la course, tout reste à faire mais ce qui est pris n’est toutefois plus à prendre et une victoire d’étape, ça fait évidemment du bien ! »