
Pour les douze équipages de la Clipper Race, Sydney Hobart est une course dans la course, la cinquième des douze étapes de ce tour du monde très particulier où les équipiers sont des amateurs, parfois néophytes, payant leur embarquement. Olivier Cardin est le premier skipper français dans l’histoire de l’épreuve britannique crée par Knox Johnston, son team mène largement avec trois victoires en quatre étapes.

Course Au Large : Trois victoires en quatre étapes courues, c’est un quasi sans faute, comment expliquez-vous vos résultats sur ce début de tour du monde ?Olivier Cardin. J’ai un bon équipage, même si sur le papier ils sont tous égaux, puisque les équipiers sont alloués par la direction de Clipper, et répartis de façon homogène. On a un peu réglé le gréement avec les gars de la maintenance, et il y aussi ma façon de pousser les gars, de leur montrer comment faire pour que le bateau aille vite. A la base, certains des participants viennent vivre un rêve plutôt que disputer une course, ils ont en tête les Doldrums, les 40ème rugissants… Moi j’essaie de leur insuffler l’esprit régate. Dès le début j’ai dit que je voulais être compétitif, apparemment les gens accrochent à ça, et ils s’y retrouvent bien.
Dans le lot une contre-performance, une place de dixième (sur douze) entre Rio et Cape Town …
Cela faisait suite à des soucis techniques, qui nous ont fait partir du Brésil avec quatre jours de retard sur la course, avec des conditions de vent différentes.
Que s’était-il passé ?
Notre bateau avait fini sur une plage au Brésil, lors d’un convoyage au moteur. Les deux personnes de quart s’étaient endormies, on a fini au milieu des rouleaux. Après cela, il a fallu réparer.
Vos responsabilités de skipper doivent être lourdes, avec des équipages pour partie composés de quasi-néophytes.
C’est vrai que je fais beaucoup de choses, la navigation, la tactique … Mais je délègue aussi beaucoup. Je choisis deux chefs de quart sur lesquels je m’appuie, j’essaie de répartir les nouveaux en fonction des compétences. Parfois je dors bien, parfois pas beaucoup, mais ça se passe bien. Pour moi c’était un rêve de gamin de disputer une course autour du monde, et celle-ci a une saveur particulière, avec des amateurs formés en quatre semaines par le cursus Clipper.

Dans ce contexte, comment abordez-vous Sydney-Hobart, qui est une course au sein de votre course ?
C’est un événement un peu mythique, et cela me renvoie au Fastnet que j’avais couru à 18 ans sur Helisara, l’ancien maxi de Karajan. Sydney-Hobart est une grande classique, et lorsqu’on voit les bateaux magnifiques qui sont là, des IRC extrêmement performants, c’est impressionnant. Mais on n’a pas honte. On a un rating intéressant, on va se battre, et si on a un peu de baston, on peut espérer réaliser quelque chose. La météo nous annonce un départ avec 20-25 noeuds de NE, une arrivée dans du petit temps variable, mais dans l’intervalle puis un front avec une bascule au Sud et 35 à 40 nœuds au près pendant 36 heures. Nos Clipper 70 ne sont pas des super bateaux de près, mais ils sont costauds et dans tous les cas de figure il nous faut de la brise.

Justement, comment se comporte ce monotype ?
C’est la troisième génération de Clipper, cela reste des bateaux un peu lourds, mais qui commencent à être intéressants. On porte un bout dehors, trois spis asymétriques, il y a de quoi faire de belles manœuvres. Et c’est carrément costaud, il suffit de voir ce qu’on a subi sur la plage à Rio, et on a juste cassé un safran. A Bonne Espérance on a encaissé 60 nœuds établis pendant plusieurs heures, avec des rafales à 80, et on continuait à louvoyer, c’est vraiment un super bateau, un bateau de large, qui me plait. Les sensations sont là, on s’amuse bien, autour de la Tasmanie, on a enchainé les surfs à 30 nœuds.
Recueilli par Frédéric Augendre
BIOGRAPHIE EXPRESS OLIVIER CARDIN1969. Naissance à Chevreuse (Yvelines).
1976. Début des croisières en Manche et jusqu’en Irlande à bord du Tarentelle (Jouet 27) familial.
1983. Achat d’un Suspens par la famille, début des régates au RORC, en baie de Seine et à Granville.
1998-2005. Intégration dans le team Voile Performance Manche. Championnats internationaux de J24 puis Melges 24 avec les frères Ponthieu. Tour de France avec Benoit Charon. Match race avec Philippe Presti.
2008-2009. Tour de France sous les couleurs de Marseille avec Dimitri Deruelle.
2011-2014. Deux ans et demi autour du monde en famille sur un Sun Magic revendu en Nouvelle Calédonie. Au départ de France, le bébé avait un mois, les deux autres enfants 3 et 5 ans.
2014. Olivier Cardin postule à un rôle de skipper professionnel dans la Clipper Race.
Août 2015. Départ de la première étape de la Clipper Race.
La Clipper Race Voir ici les articles
Fondée par Sir Robert Knox Johnston, le premier homme à avoir bouclé un tour du monde en course (son principal rival du Golden Globe s’appelait Moitessier), la Clipper Race vit sa dixième édition. Les douze bateaux sont menés par des skippers professionnels, les équipages sont composés d’amateurs payant leur place à bord, embarqués pour quelques étapes ou pour la totalité du tour du monde. Lancée le 31 août d’Angleterre, cette course qui franchit Bonne Espérance et Leeuwin mais évite le Horn en passant par Panama s’achèvera fin juillet 2016 à Londres. Sydney-Hobart représente la cinquième de ses douze étapes.
Les Frenchies sur Sydney Hobart
Dans cette Sydney-Hobart 2015 on suivra de près deux autres bateaux menés par des Français. Courrier de Léon est l’ancien bateau de Jean Pierre Kelbert, patron du chantier JPK, avec lequel il avait couru la Transquadra. Léon a été revendu à Michel Quintin, ancien planchiste et concurrent de Jean Pierre à l’époque où ce dernier sévissait en planche olympique. Le plan Valer a rejoint à la voile son nouveau port d’attache en Nouvelle Calédonie. Il sera co-skippé par son propriétaire et par Gery Trentesaux, vainqueur overall du dernier Fastnet sur le sister-ship. Embarquent notamment le Figariste Alexis Loison, qui a assuré le convoyage depuis la Nouvelle-Calédonie, un fidèle des Courier François Lamiot, et Jean Pierre Kelbert himself. Courrier du Léon dispute l’épreuve en IRC4.
Teasing Machine a quant à lui fait le voyage par cargo. L’Archambault 13 (plan Nivelt) d’Eric de Turckheim a cette année signé plusieurs podiums dans les courses anglaises, en remportant la Channel Race (1er overall) et la semaine de Cowes avant de s’adjuger la troisième place en IRC1 lors du Fastnet. Pour Sydney Hobart Jérémie Beyou embarque comme guest-star au poste de tacticien. Teasing Machine dispute l’épreuve en IRC3.