Les conditions se sont légèrement corsées dans le golfe de Gascogne où souffle désormais un vent de nord de 15 à 20 nœuds. A la houle résiduelle qui pousse les tableaux arrières, s’oppose maintenant un petit clapot coiffé de crêtes blanches. L’humidité est permanente et la visibilité toujours réduite à moins d’un mille. Elle est cependant suffisante pour que les hommes de tête qui naviguent au contact depuis ce matin puissent continuer à se toiser. Jérémie Beyou (Bernard Paoli), qui était parti en dernière position à La Corogne a réalisé une superbe opération en se décalant au large, au dessus de la route. Au dernier pointage, c’est donc lui qui ouvre la voie devant Charles Caudrelier Benac (Bostik) et Gérald Veniard (Macif). Mais derrière, ils sont encore dix à se tenir en l’espace de deux milles avec Gildas Mahé (Banque Populaire), Armel Le Cléac’h (Brit Air), Michel Desjoyeaux (Foncia), Nicolas Lunven (CGPI), Laurent Pellecuer (Arnolfini.fr), Frédéric Duthil (Bbox Bouygues Telecom) ou encore Laurent Gouezigoux (Trier c’est préserver).
Ce gros peloton est éparpillé en latitude au dessus de la route et pour l’heure, on n’entrevoit aucune échappée à l’horizon. Il faut donc s’attendre à un passage groupé à SN1 (Grand Prix GMF Assistance) jeudi après midi car les conditions météo parfaitement stables (si ce n’est quelques petites oscillations du vent) n’autorisent aucune stratégie à court ou moyen terme.
Les efforts à bord des monotypes sont concentrés sur un seul objectif : vitesse. Si ce n’est pas l’autoroute du golfe, ça y ressemble donc ! A ceci près qu’à bord des Figaro Bénéteau 2, impossible de se reposer sur le régulateur de vitesse. Depuis ce matin, les speedomètres sont certes tous calés autour de 7,5 nœuds, mais pas question de faire chuter les moyennes ! Il faut donc « être dessus » comme disent les navigateurs. Etre dessus, c’est avoir matossé au vent tout le matériel embarqué jusqu’à la moindre petite cuillère. Etre dessus, c’est barrer et adapter les réglages, réagir aux caprices de la girouette pour gagner de dérisoires longueurs qui se transformeront en précieuses minutes à Saint Gilles Croix de Vie. Etre dessus, c’est parfois être dessous, la tête dans l’eau, pour s’assurer de l’absence d’algues, de filets, de sacs plastiques ou autres traînards indésirables. Voilà le programme pour les plus motivés ou les plus en forme. Quant aux plus fatalistes, ceux qui estiment qu’il sera difficile de revenir sur la tête de course, ils peuvent, à ces allures régulières, brancher le pilote automatique et se laisser bercer par la houle avant de sombrer dans les bras de Morphée.
C.El
Echo du large :
Gérald Véniard (Macif) : « Il ne fait pas très beau pour un mois de novembre ! Du brouillard, peu de visibilité, il y a de l’humidité dans l’air. J’ai 18 noeuds de vent, je me refais un peu actuellement dans une houle résiduelle et un petit clapot. Je suis content d’être dans le paquet de tête. Je me bagarre pour rester devant les cadors, Michel Desjoyeaux et Armel Le Cléac’h. Le vent est assez variable en direction. Là je suis sous pilote en mode vent afin de garder un bateau plus véloce, quitte à faire plus de route. »
Gildas Mahé (Banque Populaire): « J’ai passé une partie de la nuit sous pilote car ça allait bien comme ça, mais il y a une troupe de fous furieux derrière moi – Armel, Michel, Gérald… donc il ne faut pas mollir et Charles (Bostik) est juste à mon vent. Je me suis bien refait car le départ a été difficile, mais depuis tout va bien, j’ai une bonne vitesse au débridé. Il faut rester concentré en permanence. »
Laurent Pellecuer (Arnolfini.fr) : « Je suis en plein forme, j’ai dormi juste après la bascule, un peu de repos mérité après le passage du front. Je fais des débuts de course passionnants depuis le début de cette Solitaire, mais je trouve qu’il y a trop de monde maintenant ! J’étais devant ce matin et depuis : Lunven est passé, Duthil essaye de passer et Tabarly est juste derrière moi ! Je fais de bonnes séances de barre, ce n’est pas toujours concluant mais il faut se forcer. Je suis confiant sur ma route. »
François Gabart (Espoir Région Bretagne) : « Je suis actuellement sous la pluie, dans un ciel tout blanc, ça fait partie des ingrédients de l’étape. Ça n’a pas été facile ce départ, je n’étais pas trop inspiré. Désormais je suis en milieu de flotte, et ce n’est pas mal, j’ai Yann Eliès sous mon vent (j’aurais préféré que ce soit sur la 1ère étape !), Joseph Brault est juste devant moi et Fabien Delahaye à mon vent. Il reste une longue ligne droite vers SN1. J’alterne barre et pilote, tout va bien. J’ai beaucoup dormi cette nuit car tout allait bien sous pilote et là je re-barre avant de retourner faire une petite sieste. »
Antoine Koch (Sopra Group) : « Cette étape n’est pas comme je l’imaginais. On a pris une option Ouest avec Gildas Morvan après le départ et c’était une mauvaise idée, toute la flotte est passée devant nous ! Il reste du chemin jusqu’à SN1 mais globalement c’est tout droit et le vent est établi maintenant. Il faut minimiser l’écart mais je doute de pouvoir revenir. On va assez vite sur la route donc c’est plutôt sympa, on peut se reposer correctement. »
Fabien Delahaye (Port de Caen-Ouistreham) : « On est au reaching bâbord, il y a 18 nœuds, un peu de mer, maintenant ça va être un long bord vers SN1, après un début laborieux dans la baie et dans la molle. J’ai abordé au mieux ce front et grappillé quelques places, je vois un gros paquet au vent… Il faut travailler pour aller vite. C’est une course de vitesse maintenant que tout le monde est placé. Ce bord permet de trouver les bons réglages de pilotes et de se reposer. J’essaye de jouer ma course et de grappiller pour le classement bizuth. »