Dans le jargon, on appelle ça « une course de sangliers », comprenez un long run de vitesse où il ne faut rien lâcher aux réglages pour gagner et conserver ces quelques dixièmes de noeuds de plus que les copains pour s’en sortir. La recherche de vitesse pure est la principale obsession des 52 solitaires en route bâbord amures au près serré vers l’estuaire de la Loire ce matin, à 85 milles de la marque SN1 (Grand Prix GMF Assistance) dans l’estuaire de la Loire et 130 milles de Saint Gilles Croix de Vie.
Jérémie Beyou (Bernard Paoli), a cette nuit accentué son avance. Il a gagné un peu plus d’un mille sur la harde. Le jeune marcassin Nicolas Lunven (CGPI) – dont les père et oncle furent deuxièmes de La Solitaire en 1973 et 1974 – confirme que bon sang ne saurait mentir : il réalise la bonne opération de la nuit en se hissant en deuxième position. Après sa 2e place à La Corogne à 16 minutes du vainqueur, il conteste maintenant le leadership au général de Yann Eliès (Generali), celui-ci étant pointé 25e à 6,1 milles. Mais il sera toujours temps de faire les comptes ce soir, probablement vers 22h, quand les premiers bateaux seront en approche de la ligne d’arrivée à Saint Gilles Croix de Vie. Armel Le Cléac’h ne sera pas loin lui non plus. Le skipper de Brit’Air, 3e du général, pointe en 6e position à 3,2 milles.
Les sprinteurs devant
« Sur l’eau la visibilité s’est un peu améliorée, les bateaux sont au près sur un bord vers SN1 dans 16 à 20 noeuds de vent de secteur nord-ouest à nord », raconte le directeur de course Jacques Caraës ce matin. Il ajoute : « c’est orageux, il y a quelques éclairs. La mer est toujours assez agitée et ce n’est pas forcément très agréable à bord des bateaux ».
Ce qui est certain en revanche, c’est que les bons sprinteurs sont devant. Quatre des six anciens vainqueurs en lice dans cette édition sont dans les huit premiers. Outre les deux précités (Beyou et Le Cléac’h), on retrouve ainsi Charles Caudrelier Benac (Bostik) à la 3e place à 2,4 milles et Michel Desjoyeaux (Foncia), 8e à 3,5 milles. Les places de 4e et 5e sont éloquentes elles aussi, puisqu’elles accueillent deux fines gâchettes de régatiers, toujours très rapides sur l’eau : Frédéric Duthil (Bbox Bouygues Telecom, 4e) et Gérald Véniard (Macif, 5e). A eux deux, ceux-là ont gagné la moitié des étapes des trois dernières éditions – 5 sur 11 possibles – ce qui donne une idée du niveau minimum requis pour figurer dans le Top Ten cette année. Il n’y a pas de hasard et peu de surprises ce matin : les plus rapides sont devant. Chez les bizuths, Christophe Espagnon (Groupe Legris Industries) est le mieux placé : 24e, juste devant Yann Eliès.
A quand le dénouement ? « Les premiers pourraient arriver dès 22h ce soir, même s’il peut y avoir encore du jeu au portant sous spi dans la dernière partie de l’étape, entre SN1 et l’arrivée », estime Jacques Caraës. Pour l’heure, les « sangliers » et le jeune marcassin Lunven filent à un peu plus de sept noeuds sous la pleine lune. La harde sait qu’il y a quelques minutes à gagner au général sur cette étape avant d’attaquer les cols hors catégorie de cette 40e Solitaire que sont les deux dernières manches.
BM
Echos du large :
Nicolas Lunven (CGPI, 2e à 1,7 milles) :« Le vent mollit un peu, j’ai environ 16 nœuds. Nous avons eu jusqu’à 22 nœuds avec une mer assez formée mais là ça se calme. Au niveau de ma position, on verra au classement mais je ne suis pas mécontent. Il y a un groupe dans mon sud, Charles Caudrelier est juste derrière avec Fred Duthil, Erwan Tabarly et quelques autres. J’ai hâte que ça se termine, c’est long 300 milles de près ! La motivation, c’est d’avoir des bons autour de moi. J’ai essayé de bien me reposer quand le pilote pouvait barrer correctement. En cumulé, j’ai finalement pas mal dormi et je suis donc totalement opérationnel quand je suis à la barre. »
Erwan Tabarly (Athema, 12e à 4 milles) : « Ce n’est pas une étape facile, il faut passer du temps à régler et à barrer. La motivation c’est de voir des bateaux devant soi, il faut combler l’écart. J’étais bien dans le match en début de première nuit, j’ai eu une perte de vitesse au petit matin, du coup je me suis fais distancer par CGPI et Bbox Bouygues Telecom, c’est un peu dommage, mais je commence à reprendre mon retard. »
Gildas Morvan (Cercle Vert, 22e à 5,6 milles) : « L’étape n’est pas finie, il y a encore du jeu, il faut aller vite et rester concentré, faire attention au vent, bien le sentir. On a du mal à dormir. Je grignote quelques bateaux par ci par là. Je vois un paquet devant moi… Il faut s’accrocher pour revenir devant. La Solitaire ce n’est qu’une fois par an, donc je m’accroche ! »
Joseph Brault (Samsung Mobile, 30e à 7 milles) : « Ça commence à être un peu dur d’être toujours au près dans les même conditions ! J’alterne entre pilote et barre. Il y a beaucoup de nuages sombres, des éclairs sans tonnerre et un vent assez variable, cela pourrait changer un peu la donne. »
Yannig Livory (CINT 56, 33e à 7,5 milles) : « ça tape beaucoup, le vent change en direction mais ça avance. J’ai entre 18 et 20 noeuds, je suis à la limite Est de l’orage. Au départ je n’étais pas terrible mais j’ai fais un bon coup pour raccrocher. Mais là je perds de nouveau des places, il faut être très assidu ! J’ai beaucoup barré depuis le début, pas lâché grand-chose. Sinon tout va bien, l’ambiance est très calme sur l’eau, il n’y a pas grand monde à la VHF. »