Voyage transatlantique

Le lancement du Voyage Transatlantique, parrainé par les Editions Gallimard, a été donné le 4 mai du Grand Prix Guyader à Douarnenez. Depuis, chaque jour, sont publiées sur le site du Voyage Transatlantique les textes des auteurs et ceux des marins. Sous l’œil attentif de François Seruzier, le directeur maritime de cette transat culturelle. Huit écrivains de la maison Gallimard et huit skippers, qui sont engagés sur le Vendée Globe, auront alors croisé leurs regards. Tous ces textes seront publiés chez Gallimard à l’occasion du départ du Vendée Globe

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Quelle aventure !
L’exercice proposé par Antoine Gallimard et les organisateurs du Grand Prix Guyader n’était pas des plus simples pour les marins du Vendée Globe qui, s’ils doivent maîtriser des dizaines de métiers, marin, météorologue, électricien, chasseur de budget, gérant d’entreprise, DRH, stratège…, n’ont jamais eu, en plus, à relater leurs épopées de manière ‘sensible’.
Certains d’entre eux, comme Fabrice Amedeo ou Kito de Pavant, aiment écrire, d’autres sont moins à l’aise… Et c’est tout l’intérêt de ce projet original, les inviter à se livrer davantage et différemment, dépasser les codes de communication classiques auxquels ils sont habitués. Et le résultat est là ! Au travers leurs textes, ils se sont dévoilés et ont partagé un peu de leur histoire personnelle, de leurs craintes, de leurs rêves, de ce qui les conduits à affronter un tour du monde en course, seul, à la barre de leur bateau.

Extrait de mer…
Tanguy de Lamotte à bord d’Initiatives-Cœur : “Tout va bien à bord d’Initiatives-Coeur”… C’est une phrase que l’on entend souvent en course, pour commencer ou finir une communication avec la terre… Élément de langage à l’attention des concurrents ? Pas seulement. Pas vraiment. J’aime partager ce que je vis en mer, les bons moments comme les plus durs. J’ai conscience de la chance que j’ai de faire ce métier, de sentir le souffle de milliers de supporters fidèles à la cause de Mécénat Chirurgie Cardiaque qui me touche depuis tant d’années.
Alors oui, en course ou en convoyage, en transat performance ou littéraire, en solitaire ou accompagné de mon équipe, “tout va bien à bord d’Initiatives-coeur”.

Jérémie Beyou à bord de Maître coq : « Que faire ? Qu’écrire ? Qui suis-je ? D’où viens-je ? Oooooh ! C’est donc cela le syndrome de la page blanche ! L’expérience, le concept sont concluants !Je passe vraiment par ce terrible état vécu par chaque auteur devant sa page désespérément blanche, entre 35 relances de la maison Gallimard qui attend son prochain best seller ? ».

Fabrice Amedeo à bord de Newrest-Matmut : « Après avoir traversé la Baie de Quiberon en famille, puis la Manche avec des amis, et enfin l’Atlantique en course à 10 reprises, j’ai eu envie de repousser un peu plus loin mes limites, d’aller voir un peu plus loin ce qui se cache derrière cette ligne d’horizon qui m’appelle sans cesse. L’heure est venue de larguer les amarres pour l’aventure de ma vie : le Vendée Globe, le tour du monde en solitaire. L’océan me réserve sans doute à nouveau des obstacles, des déconvenues mais je sais que de magnifiques récompenses m’attendent aussi au fil des milles parcourus. Le large peut être douloureux et impitoyable
mais gouter à ses charmes en rend immédiatement dépendant. Le large est une drogue dure. Le gouter c’est l’aimer. Voilà sans doute pourquoi, tant que la vie m’en donnera la force, sans relâche, je repartirai ».

Kito de Pavant, à bord de Bastide Otio, revient sur ses premières navigations d’adolescent : « Nous étions en liberté, vraiment libres. La vie nocturne de Ciudadela nous fascinait. Mais nous étions redevables, conscients de la chance inouïe que nous avions à notre âge, et donc, au final, très responsables.
Notre croisière continua vers la grande île de Majorque et sa capitale Palma mais le temps passa si vite que bientôt, il fallut repartir vers Port Camargue. Nous étions revenus très fiers d’avoir accompli ce périple sans problème particulier et je pense que nous avions tous beaucoup grandi pendant ces deux semaines… ».

Depuis la Terre…

Les écrivains qui ont accepté de participer à cette aventure ont également livré des textes très personnels, inspirés par le voyage, la mer, les marins.
Olivier Frébourg : «… La France, paraît-il vieillit, doute d’elle même, s’enfonce dans le pessimisme. Pour conjurer cette dépression, mettons à la barre cette jeunesse olympique à laquelle appartient Morgan. Son palmarès impressionne. Malgré son jeune âge, il se trouve toujours dans le peloton de tête des courses auxquelles il participe : solitaire du Figaro ou Fastnet Race. Il sera l’un des plus grands espoirs lors du prochain Vendée Globe. Mais ce n’est pas l’essentiel c’est sa détermination qui compte, son éthique, son sens de la fraternité maritime. Je l’accompagnerai pendant sa traversée entre la Cornouaille et Newport en pensant que la vraie vie est à son bord et que l’aventure est intacte, renouvelée en mer, jamais épuisée. Il prend la suite à la barre de Safran du Quimpérois héroïque Marc Guillemot. Ce n’est pas rien de succéder à cet amiral de la course en solitaire. Longtemps bizuth dans les courses, devant se mesurer aux plus expérimentés, Morgan Lagravière s’apprête à entrer dans la légende de la voile. Car il a dans son tempérament, son attention aux détails, la force de caractère des marins transatlantiques. J’aime à penser que son prénom rappelle l’une des courses de légende de la Morgan Cup remportée en 1967 par Eric Tabarly. À son bord, je serai son compagnon secret, celui qui le soutient dans les coups durs et les quarts solitaires. Les marins sont des hommes d’action de contemplation et de silence. Ce sont eux nos derniers poètes. Je pressens de futurs triomphes chez Morgan Lagravière. Pourquoi les marins prennent-ils la mer ? Pour tourner le dos à la mesquinerie des hommes et affronter les dieux ».

Eric Fottorino : «…Il fallait bien qu’un jour ou l’autre j’aille au delà des simples présentations de politesse. Que je grimpe à bord d’un voilier sortant du Vieux Port de La Rochelle pour me rendre compte par moi-même. Ça faisait quoi, de quitter le plancher des vaches pour le tapis mouvant des vagues ? Je n’ai pas tardé à être fixé. Nous avons mis le cap sur l’île de Ré qu’un pont n’avait pas encore rattachée au continent. C’était le grand bleu. L’eau calme n’est jamais si calme qu’elle en a l’air. En moins d’une heure j’ai su que mon pied était moins marin que mon cœur. Le roulis me donnait le tournis. Je rêvais d’un port et d’un quai. À jamais est née ma fascination pour les marins, les bourlingueurs, ces nomades des océans pour qui rien n’est plus naturel qu’une mer démontée. Je suis rentré instruit d’un mystère et d’un secret. Des hommes – et des femmes – durs au mal savaient dompter les éléments sans le crier sur les toits. La mer était leur amie même si elle abusait parfois de ses droits pour avaler l’un ou l’autre. J’ai depuis toujours regardé ces héros comme les détenteurs d’une vérité rare : la liberté se gagne au fil de l’eau ».

Christophe Ono-dit-Biot : « …Je n’étais pas un skipper, ni un cachalot, mais je sentais la collision venir. Ça n’a pas manqué. « Il m’a proposé de partir avec lui. » Et bien voilà, on y était. L’irrésistible appel de l’océan, le rêve de liberté qui va avec et le charme taiseux, misanthrope mais pas misogyne, hélas, du navigateur à la peau tannée, aux yeux azur et aux appétits sauvages. Alors si en plus il parlait le langage des baleines, je faisais le poids comment ? On s’est quittés là, et je n’ai plus jamais vu son corps mat briller dans la nuit estivale. Au lieu dit du “Bout du monde”, jusqu’auquel j’ai marché, dans ce bar sous la falaise dont les véliplanchistes ont fait leur royaume, un transat me tendait les bras. Elle me manquait, la gueuse. Je me suis étendu, j’ai bu plus que de raison, et les yeux braqués sur l’océan j’ai repensé à ce bon vieux vers de Baudelaire, que j’étais en train de parodier malgré moi ».

Pour en lire davantage : http://voyagetransatlantique.grandprixguyader.com/