Une fois de plus « Le Chacal » impressionne. Même s’il n’est pas localisé au pointage de 16h, le patron de cette Solitaire du Figaro 2010 contrôle parfaitement la situation : il se trouve toujours dans le groupe des quatre bateaux de tête mené ce soir par un Corentin Douguet (E.Leclerc Mobile) en grande forme, à 231 milles de l’arrivée à Cherbourg-Octeville. Eric Péron (Skipper Macif 2009) et François Gabart (Skipper Macif 2010, 2e au général et 2e au pointage), sont tout près : ces quatre hommes tiennent en 0,2 mille, soit… 370 mètres ! Et devinez qui les suit, à 2,5 milles ? Thomas Rouxel (Crédit Mutuel de Bretagne), le troisième du classement général…
Le Fastnet enroulé la nuit dernière après une furieuse bagarre au ras des splendides côtes irlandaises, les solitaires ont lâché les chevaux avec la bascule au nord-ouest : sous spi, ils ont dévalé la mer Celtique à grande vitesse, surfant à plus de 11 nœuds de moyenne, pointes à 18. Pour garder un meilleur angle, et donc de la vélocité, leurs trajectoires dessinent une belle sinusoïde, juste avant de doubler le travers de Bishop Rock, marque de parcours qui interdit cette fois le passage dans les îles Scilly, à la pointe Sud-Ouest de l’Angleterre.
Côté pépins dans l’autre sens du terme, un d’importance est survenu ce matin : Jérémie Beyou (BPI), premier candidat au podium avec sa 4e place au classement général provisoire, est parti dans un départ à l’abattée. Il y a cassé son tangon et déchiré son grand spi… avant de réussir à le réparer au prix d’un bricolage digne d’un MacGyver de la mer. D’autres petits ennuis sont avoués au fil des vacations : drisse cassée pour Sébastien Josse (Vendée), palan de grand voile abîmé pour Jean-Pierre Nicol (Bernard Controls), cocotier de spi pour Louis-Maurice Tanyères (ST Ericsson), « figure de style d’un autre monde » pour Romain Attanasio (Savéol), etc. L’empannage en solo dans 25 nœuds de vent et des talus de mer laisse forcément quelques traces.
Beaucoup d’écart latéral
En cette ultime occasion d’améliorer son classement, chacun cherche à attaquer, à différentes longitudes. Une bonne quinzaine de bateaux est ainsi écartelée sur plus de 20 milles nautiques entre le plus Ouest (Adrien Hardy, Agir Recouvrement) et le plus Est, à savoir l’Italien Pietro D’Ali (I.Nova 3). Entre ces deux extrêmes, quelques milles sur le tribord des cinq bateaux leaders pré-cités, un autre tiers de la flotte joue la carte « plus de route mais plus de pression ». On y trouve entre autres Yann Eliès (Generali-Europ Assistance) et des toujours prétendants au podium final comme Jeanne Grégoire (Banque Populaire), Erwan Tabarly (Nacarat), ou encore Fabien Delahaye (Port de Caen-Ouistreham).
Toute la flotte vise un point en milieu de Manche pour déclencher le deuxième grand empannage de la journée – entre 20h et minuit – et « descendre » ainsi vers la marque Lizen Ven, près de l’île Vierge. Là, on verra qui a eu raison avant d’entamer (dans un vent mollissant qui se renforcera ensuite dans les îles anglo-normandes, à l’approche d’un nouveau front) les 140 derniers milles vers Cherbourg-Octeville.
Ils ont dit
Armel Le Cléac’h (Brit Air) : « Le début de course s’est bien passé pour moi. Pour l’instant ça file droit vers la Bretagne, bâbord amures avec encore pas mal de vent. C’est une course de vitesse. On est toujours au dessus des 11 nœuds. Là, je suis à 14-15. Pour la traversée de la Manche, le vent va commencer à mollir et va un peu tourner à l’ouest : on va finir vent arrière avec quelques empannages. Je suis avec un paquet de trois ou quatre bateaux à se bagarrer, il y a du match, on reste concentré sur la vitesse du bateau, et ça permet de garder le rythme… »
Jérémie Beyou (BPI) : « Ça ne va pas terrible : j’allais bien sous spi, derrière Armel (Le Cléac’h) et devant François Gabart mais dans l’empannage, pendant que j’étais devant, le pilote est parti en vrille et je suis parti à l’abattée, tangon dans l’eau, spi dans l’eau. J’ai cassé le tangon, le spi a chaluté et s’est bien déchiré… J’ai réussi à réparer le grand spi, je l’ai fait chauffer sur le moteur, lavé à l’acétone, mis de l’Insigna (tissu autocollant) tant bien que mal et là je viens de le renvoyer. Les premiers vont peut-être aussi tomber dans moins de vent, je les vois encore devant donc il faut y croire. »
Sébastien Josse (Vendée) : « On fait des surfs entre 10 et 16 nœuds. C’est sympa, le front est passé, il y a de la mer, mais elle est plus organisée maintenant qu’on est en bâbord, donc la vie est belle. Par contre, pas facile de se reposer. Il ne faut pas regarder le speedo : au niveau sensations c’est top, ça mouille, on a l’impression de glisser. L’empannage s’est bien passé. Par contre, j’ai vu quelques figures libres autour de moi : cocotiers, palmiers et chalutage… Elle est dure cette dernière étape. »
Classement de 16h
1 Corentin Douguet E.LECLERC MOBILE à 231,20 milles de l’arrivée
2 Eric Peron SKIPPER MACIF 2009 à 0,10 milles
3 François Gabart SKIPPER MACIF 2010 à 0,20 milles
4 Thomas Rouxel CREDIT MUTUEL DE BRETAGNE à 2,90 milles
5 B Francisco Lobato ROFF/TEMPO-TEAM à 3,10 milles
6 Gildas Morvan CERCLE VERT à 3,40 milles
7 Pietro D’Ali I.NOVA.3 à 3,70 milles
8 Fabien Delahaye PORT DE CAEN OUISTREHAM à 4,20 milles
9 Jérémie Beyou BPI à 4,60 milles
10 Kito De Pavant GROUPE BEL à 4,60 milles
* Armel Le Cléac’h n’a pas été localisé