Rétrospective de l´année : Janvier 2004

Francis Joyon à bord d´IDEC
Francis Joyon à bord d´IDEC

Sydney-Hobart. Plusieurs vainqueurs et seulement trois abandons
De cette 59ème édition de Sydney-Hobart, on retiendra le peu de partants, 56 bateaux, des conditions météo raisonnables, même s’il y eut une bonne partie de près serré dans une mer cassante pour les plus grands voiliers, seulement trois abandons (un démâtage, un souci de gouvernail et une gv hors d’usage) et la victoire d’un bateau made in France, le First 40.7 First National Real Estate mené par des Australiens : une victoire en temps compensé acquise dans les deux classements IMS et IRC. La seule victoire obtenue par un bateau « étranger » est celle du Britannique Chris Little, actuel commodore du Royal Ocean Racing Club, à bord du Farr 49 Bounder (1er en IMS/A). La première place en IRC/A est acquise par le Farr 52 Ichi Ban de Matt Allen.

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Deux « bizuths » du Grand Sud
Au mois de janvier, en pleine saison pour les départs planétaires, on réalise que des trois bateaux qui s’élanceront cet hiver à la conquête du globe, seul Geronimo aura déjà vu le Grand Sud. La tentative infructueuse en 2003 a eu le mérite de démontrer la fiabilité et la vélocité du plan Van Peteghem – Lauriot Prévost, et constitue pour Kersauson et ses troupes un avantage dans la mesure où ils savent pertinemment comment se comporte leur trimaran dans toutes les conditions. Il n’en va pas de même pour Fossett, dont le cata géant n’a jamais doublé les grands caps et ne s’est jamais retrouvé piégé dans du très gros temps. Cela dit ses divers records, dont New York – Cap Lizard reste le plus époustouflant avec 4 jours et 17 heures, ont largement démontré son énorme potentiel de vitesse, notamment au reaching. Bruno Peyron a pour lui deux victoires sur ce parcours (dont la première en 1993) et détient encore actuellement ce record : il partira avec un équipage qu’il connaît bien, puisque 70% de ses troupes étaient du dernier voyage victorieux sur Orange en 2002 ! Le bateau est par contre tout à fait nouveau puisque sa mise à l’eau n’est intervenue que le 22 décembre dernier, et la période de mise au point se réduira forcément (timing de départ oblige) à un mois… Score à battre : 64 jours, 8 heures 37 minutes et 24 secondes.

Payer ? Are you joking ?
Selon les informations révélées par leTélégramme, Cheyenne se lancera à l’assaut du record du tour du monde, mais hors du cadre du Trophée Jules Verne (d’après l’entourage du skipper, qui lui-même n’a fait aucune déclaration)… Le milliardaire américain aurait en effet refusé de s’acquitter des droits d’inscription (12 000 Euros, pour couvrir les frais de cérémonie et pour protéger le nom de l’événement), préférant simplement convoquer le WSSRC pour ratifier son éventuelle performance. Cette décision contredit la déclaration d´intention initiale du skipper, qui avait dit lors de l´annonce de son retrait de The Race : “J’aspire à rejoindre la liste des grands marins détenteurs du Trophée Jules Verne : Bruno Peyron, Olivier de Kersauson, Peter Blake et Robin Knox-Johnston””. Il reste qu’il est difficile de croire qu’il ne s’agit là que d’une décision motivée par des motifs financiers : Fossett veut sans aucun doute montrer qu’il ne se sent soumis à l’autorité d’aucune institution…

Orange 2, premiers bords
Le nouveau géant de Bruno Peyron a rallié le port de la Trinité sur Mer le 30 décembre 2003, l’occasion pour le skipper et son équipage de faire un premier point des réglages et autres modifications à effectuer… Cette première sortie constituait également le lancement d’une campagne de tests et d’entraînement qui durera au moins un mois. A la mi-janvier, par un vent oscillant de 12 à 20 nds et une visibilité parfois réduite à 100m, l’heure a sonné pour des premiers essais. Sous GV 1 ris (comptez encore près de 350 m2 !) et Solent (250 m2), le mastodonte a atteint les 21 nds au près, «soit 3 nds de plus que la génération des Club Med (longs de seulement… 34 m)», nous a dit un passager. Dans une houle avoisinant les 2 mètres (sans doute insignifiante sur un tel engin), le grand Tornado a levé la patte dès 15 nds de vent, soit un peu plus tôt que l’aîné. «On a même vu le bas de la dérive, ce qui correspond à une hauteur au-dessus de l’eau d’environ 10 m pour le flotteur au vent…» Inutile de préciser que dans ces conditions les tensions sur les écoutes sont colossales. La poupée de winch (nouveau modèle conçu par Lewmar) emmené par 4 colonnes et donc 8 paires de bras a résisté au choc. Le problème avec ces TGV des mers est qu’on va vite loin. En quelques heures, Orange est allé de la baie de Quiberon jusqu’à l’embouchure de la Loire devant St-Nazaire et il en est revenu. Au portant, l’équipage a envoyé un gennaker intermédiaire, juste histoire de vérifier la voile, la GV avait encore un ris… Et pourtant, ce qui est très probablement le voilier le plus rapide au monde, a fait une petite pointe à 28 nds, histoire de rallier le port de La Trinité pour l’heure du goûter !

Pas de rencontre australe pour les deux solitaires…
Pendant que l’équipage du nouveau géant s’entraîne, deux solitaires, en plein Grand Sud on bien failli se croiser. Mais la rencontre au sommet entre Franis Joyon et VDH n’a pas eu lieu… à quelque chose près !
«C’est dommage, confiait Jean Luc Van Den Heede, nous avions sincèrement envie de nous voir. J’ai dû descendre en latitude (54°30) pour éviter des vents forts de Ouest/Nord Ouest, alors que Francis est remonté à cause de vents contraires générés par une dépression située plus au nord. Donc, nous nous éloignons l’un de l’autre actuellement. Nous allons malgré tout croiser la même longitude, mais, loin, l’un de l’autre. Nous nous sommes promis de réveillonner à terre, plus tard ». Dommage en effet, l’histoire (et l’image !) aurait été belle. Mais – course contre la montre oblige – il ne fallait pas pour cela que chacun soit obligé de trop « tordre » sa route ! Reste que comme l’a rappelé Jean-Luc lorsqu’il a adressé ses meilleurs vœux aux terriens, le rendez-vous à terre sera plus fiable : « (…) Quant à Francis Joyon, je lui souhaite un beau record et lui donne rendez-vous aux Sables d’Olonne, sur le quai, où il devrait m’attendre normalement. Nous réveillonnerons ensemble, à terre au Printemps ».

Joyon : du record historique dans l’air…
« J’ai passé la journée à faire de la voile comme on aime… La mer était plate et le bateau filait à 29 nœuds », confie un beau jour de début janvier Fancis Joyon. Après avoir passé le Horn, ce diable de marin entamait sa remontée de l’Atlantique sur le même rythme que sa descente ! Rappelons qu’après être parti de Brest le 22 novembre, il se trouvait par le travers de Gibraltar après moins de 50 heures de mer, et aux Canaries en 4 jours ! Il passait ensuite l’équateur le 1er décembre, sa vitesse ne chutant pas sous la barre des 12 nœuds, et s’affranchissait du Pot au Noir comme si de rien n’était. Bonne Espérance était doublé après 19 jours, 20 heures et 30 minutes (un nouveau temps de référence en solo), alors que sur le même bateau Olivier de Kersauson et ses hommes (7 personnes au total) avaient mis 1 jour et 19 heure de plus ! A Bonne Espérance, Francis n’accusait en outre qu’1 jour et 2 heures de retard sur Orange, détenteur du Trophée Jules Verne ! Au cap Leeuwin (doublé en 30 jours, 6 heures, 30 minutes), Francis conservait 8 heures d’avance sur Sport Elec, alors qu’il avait pourtant laissé entendre qu’il perdrait du terrain dans le Sud, ne pouvant pas rivaliser avec 7 hommes se relayant à la barre ! Au passage du Cap Horn (49 jours, 2 heures, 21 minutes), IDEC avait perdu du terrain sur Sport-Elec (2 jours et 10 heures), mais restait nettement dans le timing pour un tour du monde en moins de 80 jours : avec 4 jours et 4 heures d´avance sur Commodore Explorer (B.Peyron, Jules Verne 1993) Joyon pulvérisait tous les chronos intermédiaires en solitaire ! Et si à l’aube de cette nouvelle année, Francis refuse de parler clairement de l’objectif « 80 jours », c’est par pure superstition… Parole de marin !Après un cap Horn en 49 jours, Francis disposait d’un peu plus de 30 jours pour remonter l’Atlantique et boucler son périple en moins de 80 jours…

Le nouveau bébé d’Ellen – Castorama B & Q – est arrivé !
« Je dédie le lancement du nouveau bateau à ma famille qui m´a toujours soutenue et entourée dans tout ce que j´ai entrepris depuis ma première navigation en solitaire autour des Iles Britanniques ». Telle fut la déclaration faite par Ellen MacArthur lors du lancement, à Sydney, de son nouveau trimaran de 75 pieds, à bord duquel la petite Anglaise s’attaquera à divers records en solo (pour le tour du monde, les choses s’annoncent plutôt ardues depuis qu’un certain Joyon s’évertue à placer la barre très haut !). Notons que MacArthur effectuera le convoyage vers l’Europe en solo – comme à l’époque d’un Kingfisher – et ceci, probablement dès le mois de mars. En ce mois de janvier – une fois le baptême rondement mené (et médiatisé !) – Ellen et 6 membres d’équipage ont quitté Sydney. Destination Auckland (NZ) afin de faire subir une série de tests au nouveau trimaran signé Irens / Cabaret promis à un bel avenir !

Class 40. Une nouvelle jauge voit le jour
Elle est née ma nouvelle Class 40 ! Une quarantaine de personnes, sans doute attirée par le parfum du large n’ont pas tardé en cette fin 2003 à établir les statuts, enregistré des cotisations, et élu un conseil présidé par Pascal Jamet, propriétaire d’un Pogo 8,50 et bientôt d’un futur Pogo 40 : genre de voilier représentatif de cette Class 40 pour courir la mer et le vent à bonne allure, en régate ou en croisière. Un voilier sûr et à budget raisonnable, bref une sorte de rêve à une coque qui serait réalisable. Rendez-vous était ensuite pris au 10 janvier pour établir, enfin, une jauge de Class 40 afin que ces bateaux à venir ou existants puissent régater en temps réel. A l’issue d’une journée de passionnant et dur labeur durant lequel moult opinions contradictoires ont pu s’échanger, la Class 40 a réussi l’exploit de finaliser, à 98%, le texte d’une jauge qui tient en une page et demie.
«A vouloir brider le bateau pour des raisons de coût, on risquait de se retrouver dans une configuration bateau de course croisière de grande production et donc sans nouvelle raison d’être. A privilégier à outrance la performance, on se dirigeait gentiment vers l’Open 40, un bateau de pure compétition à budget bien trop élevé. Il fallait trouver notre place et on l’a, je crois, trouvée», expliquait, de toute évidence satisfait, l’un des convives, futur propriétaire de 40 pieds, à cette séance de sail storming. Classe à suivre…

2003. Une saison belle et chargée pour Desjoyeaux
Michel Desjoyeaux : «2003 fut une saison très chargée, peut-être trop. Le bilan est malgré tout plutôt satisfaisant avec à la clef une 2ème place au championnat Orma sur le trimaran Géant pour notre première saison complète et peu de problèmes majeurs ce qui nous a permis de prendre le départ de toutes les épreuves et de les terminer. En prime, il y a cette Solitaire Afflelou le Figaro que je ne regrette pas car si avant le départ on m’avait promis la 3ème place, j’aurais signé tout de suite… Et puis cette victoire dans le Trophée Clairefontaine ce qui n’est jamais désagréable. » Et dire qe Michel Desj ne sait pas encore qu’il va s’imposer à l’issue de la Transat Anglaise pour se propulser au rang des plus grands !

Key West. Quatre jours de bonnes régates
Les équipages, principalement américains, des 300 voiliers engagés au rendez-vous hivernal de Key West (sud Floride) ont bénéficié de conditions climatiques excellentes pour leurs agapes véliques : 4 jours de soleil et de vent modéré sanctionnés par 9 régates toutes «banane». Dans les deux catégories reine, celles des Melges 24 (59 engagés) et des Farr 40 (23 engagés), la victoire revient à des équipages non américain, français en Melges 24 et hollandais en Farr 40, celui de Peter de Ridder à bord de son Mean Machine, qui ravit d’un point la première place au général devant un habitué des podiums, le Barking Mad de James Richardson.
Chez les Melges, Sébastien Col et son équipage composé de Philippe Ligot, le gérant de la société Partners et Partners, William Thomas, Thomas Allin et Christian Ponthieu le nouveau de l’équipe, ont fait assaut de prudence. Les Français s’imposent avec 4 points d’avance sur les Américains.

Coupe de l’America. A vous de jouer les Challengers !
En ce début d’année, AC Management a annoncé : « La signature d´une version révisée du Protocole et la publication des ‘Terms of Challenge’ ouvrant la période des inscriptions pour les challengers de la 32ème America´s Cup, qui sera close à la fin de l´année 2004. C´est une étape majeure, qui permet de véritablement lancer la compétition. Celle-ci se concrétisera dès septembre 2004, lorsque les premières pré-régates débuteront dans les eaux du sud de l´Europe ». En clair cela signifie qu’AMC, côté défense, et Oracle BMW Racing, le Challenger of Record censé défendre les intérêts des futurs challengers, se sont enfin mis d’accord sur les termes de cette compétition revisitée. « La publication subséquente des ‘Terms of Challenge’ par AC Management permettra de mettre en œuvre cette nouvelle vision de l´America´s Cup pour le 21ème siècle », a précisé Michel Hodara, Directeur des Opérations d´AC Management. Dans cette somme de documents, on a noté que les Suisses exigent un « performance bond », ou caution d’engagement d’un million d’euros aux challengers d’Alinghi plus un premier versement de 70 000 euros de droits d’inscription et un autre exigible au 31 mars, d’un montant encore non précisé, pour la location et l’occupation des installations à Valence. C’est un contrat qu’ACM propose aux Challengers. Ces sommes à comparer aux droits exigés par les Kiwis lors de la dernière Cup sont nettement supérieures au niveau de la caution mais inférieurs en terme de droits d’inscription. Et…ils seront également restitués aux Challengers après la course. L’urgence devient désormais de faciliter l’accès des Challengers au Graal de la course à la voile. Car la 32ème Coupe de l’America ne peut décemment (ne serait-ce que pour des raisons contractuelles associant ACM et ses partenaires) se limiter à un duel opposant les deux magnats du jeu que sont Ernesto Bertarelli et Larry Ellison. Utile précision : au delà du 17 décembre 2004 et jusqu’au 29 avril 2005, vous pourrez encore devenir challenger d’Alinghi à condition de payer un supplément de 142 000 £.

Stamm et ses troupes au boulot
Le plan Rolland vainqueur de la dernière édition d’Around Alone vient d’entrer en chantier à La Pallice (port de commerce de La Rochelle, le nouveau domicile du 60’) afin d’y subir diverses modifications pré-Transat anglaise et Vendée Globe… Cheminées Poujoulat – Armor Lux verra ainsi son système électrique totalement refait, car comme l’explique Christophe Lebas, co-skipper du bateau, « Bernard ne peut pas partir sur un Vendée Globe sans être sûr à 200% d’éléments essentiels comme ceux-là». D’autre part, une intervention sur le ballast (qui avait flanché au début de la Transat Jacques Vabre) a également eu lieu : «On a enlevé ce qui était cassé. Cela dit, en ouvrant, nous n’avons pas eu de mauvaises surprises. Nous refaisons tout ce qui n’est pas nickel». Bernard Stamm dispose désormais de moyens dont il n’avait pas pu profiter jusqu’alors, et entend bien en tirer parti pour faire de son joli voilier une machine parfaitement aboutie. On connaît désormais malheureusement la triste suite…

Moloney épaulé par Skandia
Le skipper australien Nick Moloney, qui fut le premier pré-inscrit pour le Vendée Globe 2004, annonce qu’il reçoit soutien de la firme Skandia – qui sponsorise en Figaro sa camarade de l’écurie Offshore Challenges Sam Davies. Nick et Sam avaient d’ailleurs disputé la Transat Jacques Vabre sous les couleurs de cette firme spécialisée dans les produits financiers, à bord du plan Owen Clarke d’Ellen MacArthur. Ce bateau reprendra du service autour du monde aux mains de Moloney, qui s’attaquera d’abord à The Transat au printemps… Pour l’heure, Skandia assure au marin australien des subsides pour l’année à venir, et s’engage à ses côtés dans la recherche de partenaires complémentaires. L’entreprise est très présente sur le front de la voile, et vient d’ailleurs de remporter la Sydney Hobart en temps réel, ayant donné son nom au maxi Wild Thing de Grant Wharington. Ce même Wharington qui se déclarait ravi de voir son camarade et compatriote rejoindre le Team Skandia… Rappelons que Nick Moloney a participé à la Coupe de l’America (92 et 95), à la Whitbread (97) et reste aujourd’hui co-détenteur du Trophée Jules Verne (2002) sur Orange, premier du nom…