La Solitaire Afflelou Le Figaro est l’objectif majeur de la saison 2006 pour Yann Eliès. Comment avez-vous préparé ensemble cet objectif ?
Gilles Monier : « Tout au long de l’année nous travaillons avec Yann sur ses objectifs. Nous organisons ses priorités de travail qui peuvent porter sur des aspects techniques de la préparation comme l’essai de nouvelles voiles, le mental comme le référencement à des idées clés de son engagement ou de valeurs (le plaisir de naviguer, être un marin compétent et reconnu), ou encore la préparation physique. Nous définissons à la fois des objectifs à long et à court terme. Nous essayons de voir l’importance du travail quotidien (se perfectionner dans certains domaines techniques comme la météo, savoir se détendre au bon moment lorsqu’il est en course, etc…) dans la réalisation des objectifs futurs (sa participation au prochain Vendée Globe). Nous sommes toujours dans une logique constructive permettant de préparer l’avenir. La Solitaire Afflelou Le Figaro est l’épreuve phare de la saison de Yann Eliès. Il y a donc un objectif de résultats auquel nous associons toujours des objectifs de maîtrise. Ces objectifs sont définis conjointement avec Yann. Ils peuvent prendre la forme de tâches à exécuter ou de comportements à avoir dans les moments clés.
Sur une épreuve difficile psychologiquement, il est important que le coureur puisse se concentrer sur ces objectifs de maîtrise. A long terme ce sont d’ailleurs ces objectifs qui sont plus importants que le résultat en lui-même car ils permettent d’acquérir des capacités qu’il pourra mettre en œuvre pour un autre défi. En effet, accomplir des routines dans les moments clés sera plus important pour Yann lorsqu’il participera au Vendée Globe que son classement final sur une édition de la Solitaire. »
Quelles sont les qualités qu’un coureur doit développer pour remporter une épreuve comme la Solitaire ?
« De façon générale, une épreuve comme la Solitaire nécessite d’aller vite, c’est-à-dire savoir faire avancer son bateau dans toutes les conditions, même les plus extrêmes comme la tempête ou le calme plat. Cela signifie également trouver les bons repères sur le bateau et avoir un comportement détendu à la barre. Aller au bon endroit nécessite d’avoir une bonne lecture des cartes météo et de savoir lire le plan d’eau le plus finement possible (observation du vent, de la mer, des nuages, etc). Le tout en conservant un détachement par rapport au résultat, à savoir que l’on soit en tête de la flotte ou à l’arrière ! Mais psychologiquement, il est important d’avoir une concentration et un timing parfait, d’y croire jusqu’au bout, même dans les moments difficiles, et de savoir rebondir »
La préparation mentale dans le cadre d’un projet 60 pieds est-elle la même que sur un projet Figaro ?
« Dans le cadre d’un projet 60 pieds comme celui de Yann il y a un travail spécifique lié à l’approche technique. Yann va devoir trouver ses marques sur son nouveau bateau, trouver les bons réglages, découvrir de nouvelles sensations, trouver son organisation à bord, etc… Bref, s’approprier son nouveau bateau. J’apporte à Yann un regard extérieur sur son projet avec une vue d’ensemble. Je l’aide dans la définition de son programme, dans sa planification et lui apporte quelques conseils dans le management de son équipe. Au cours de ces dernières années Yann a intégré des éléments de préparation qui lui permettent de gérer au mieux son projet aujourd’hui. La navigation à bord des monocoques 60 pieds de Vincent Riou et Bernard Stamm lui ont apporté des repères techniques et l’exigence de ce type de bateau. Ses tours du monde à bord d’Orange lui ont fait découvrir la navigation autour de la planète, la gestion de projet et le management d’une équipe. Yann a prouvé qu’il savait gagner et de belle manière. C’est en cela qu’il sera un concurrent très sérieux pour la Solitaire Afflelou mais également pour les courses en monocoque 60 pieds des années à venir.»