Une nouvelle fois, es dernères 36 heures, les hommes du maxi-catamaran armé par le Baron Benjamin de Rothschild ont été chahutés par une mer peu maniable et des vents atteignant en rafales les 50 nœuds : le tout au près, cela va sans dire … Connues pour leur dureté, les eaux qui bordent le Chili ont – malheureusement – été fidèles à leur réputation. Ainsi, Gitana 13 a dû affronter le passage d’une nouvelle dépression : « Ca a pas mal secoué ces dernières heures. Nous avons de la pluie, du vent et de la mer mais cela n’a rien d’étonnant dans les coins que nous traversons. Car les vents y sont toujours relativement forts et très changeants, ce qui soulève une mer dure et croisée. C’est ce que l’on appelle dans notre jargon une mer casse-bateau» expliquait Lionel Lemonchois dimanche soir.
Après ces conditions musclées, les dix marins de Gitana 13 vont aujourd’hui devoir composer avec un tout autre registre : celui du petit temps. Contournant actuellement les hautes pressions de l’Ile de Pâques, situées dans leur Ouest, Lionel Lemonchois et son équipage doivent négocier une zone de transition pour rejoindre les alizés de l’hémisphère Sud. Un passage délicat, marqué par des vents très faibles et instables, dont il leur faudra s’extraire au plus vite.
En attendant le sud-est…
Car derrière les attend un flux salvateur de Sud-Est, synonyme de longues glissades au portant dans des vents soutenus : « Nous avons vraiment hâte de retrouver des conditions plus clémentes. Non seulement en terme de navigation mais aussi pour ce qui est de la vie à bord. Nous sommes emmitouflés dans nos cirés depuis près de 15 jours et je ne vous cache pas notre impatience de pouvoir enlever nos couches de polaires» confiait le skipper de Gitana 13.
Sitôt le train des alizés accroché, le catamaran de 33 mètres pourra allonger la foulée et retrouver un rythme plus appuyé. Reste cependant un bémol à ce tableau idéal, comme l’exposait Lionel Lemonchois : « Sur les dernières prévisions, nous constatons que les alizés ont tendance à s’essouffler un peu. Il faut maintenant espérer qu’ils se maintiennent…"
Le carnet de bord de Gitana 13, par Nicolas Raynaud :
Bye, bye latitudes sud
Grands sourires hier dimanche en toute fin de journée. Le bleu déchire pendant un instant le ciel après plus de 72 heures passées dans la grisaille, l’humidité et le froid. Ce bleu et l’apparition du soleil qui va se coucher est surtout synonyme de « bon de sortie » pour nous. Nous venons de remporter notre bras de fer face à une vaste dépression qui voulait nous coller dans sa nasse. Sous trois ris et l’ORC, Gitana 13 a piqué dans la plume, à la limite supérieure de la vitesse normalement autorisée. L’intérieur des coques est trempé, les hommes aussi, comme jamais nous ne l’avions été depuis le départ. Au près serré, puis légèrement débridé, nous avons donc réussi à forcer le passage. Derrière nous, vraiment pas loin, le piége s’est refermé. Le vent de nord- nord-ouest, dans l’axe de la route, souffle à 35/40 nœuds, soit exactement le schéma que nous voulions éviter à tout prix, avec un long, douloureux et dangereux louvoyage au vent de la côte chilienne. Notre créneau pour contourner le Horn puis amorcer notre remontée vers le nord était donc le bon, il ne fallait pas le rater. En ce moment, il ne fait pas encore bon traîner dans les parages. Un nouveau chapelet de dépressions défile sur le cap Horn depuis samedi matin, avec une porte à nouveau fermée jusqu’à vendredi prochain. Nous sommes passés dans un trou de souris, merci une nouvelle fois Sylvain Mondon de nous avoir guidés de ta main extérieure toujours sûre, présente à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit.
Aujourd’hui, nous effectuons notre sortie des latitudes sud, les fameuses cinquantièmes hurlantes et quarantièmes rugissantes. Comme nous y sommes restés beaucoup trop longtemps à notre goût, personne à bord ne songe à avoir le moindre regret, si ce n’est de quitter des yeux le vol sans fin des albatros. On ne cesse de les invoquer, mais on ne peut que tomber sous le charme de ses oiseaux qui frôlent sans cesse l’écume de leurs longues ailes. Les plus gros que nous ayons vu jusque là sont venus samedi faire un dernier show, comme un au revoir. Depuis, plus un oiseau dans le ciel…
L’objectif du jour et des prochains est de glisser au mieux sur la bordure est de l’anticyclone de Pâques. A 4h00 TU, le grand gennaker a repris du service pour nous tirer vers les eaux chaudes où nous retrouverons les poissons volants. La température de l’eau est actuellement de 17°C, elle n’était que de 6 °C à la pointe du continent américain. Avec 315 et 412 milles effectués lors de ce week-end, nous aimerions bien enclencher le turbo, mais ce ne sera pas encore pour tout de suite. Pour nous positionner au mieux, nous allons naviguer loin de la route directe, alors le gain sur la route orthodromique sera sans aucun doute encore inférieur à 400 milles."
N.R.