Castorama se rapproche rapidement du mur météo qui se dresse sur sa route. L´anticyclone s´étale actuellement au large des côtes l´Uruguayennes et génère des vents très faibles, entre 4 à 8 nœuds, qui vont inexorablement ralentir la progression du trimaran aujourd´hui et ce soir. Au cours des prochaines 24 heures, l´avance d´Ellen sur le record de Francis Joyon devrait donc de nouveau chuter, malgré les plus de 400 milles parcourus depuis hier à 20-25 nœuds sur une route NE très proche de la route directe. La vitesse VMG (vitesse de rapprochement par rapport à l´arrivée) nécessaire pour battre le record à partir d´aujourd´hui n´est que de 10 nœuds, mais elle pourrait augmenter dans les heures à venir. Ce matin à 7h10 GMT, Castorama avait parcouru environ 20969 milles depuis le départ à la vitesse moyenne de 17,5 nœuds, et depuis hier à 13h10, il a repris 6 heures d´avance sur le record. Une avance qui se porte à 3 jours, 22 heures et 33 minutes, soit 17% du temps qu´il reste à Ellen pour battre le record de Francis Joyon.
La Dorsale anticyclonique s´étale vers l´est au large de l´Urugay et barre la route d´Ellen. Castorama va devoir traverser cette zone sans vent. Il ne peut y échapper. Il n´a pas d´autre solution. D´ici ce soir, le vent pourrait chuter entre 4 et 8 nœuds et Ellen va une fois de plus devoir puiser toute l´énergie nécessaire pour continuer de faire avancer son trimaran le plus vite possible et l´emmener de l´autre côté de la dorsale, vers des vents plus forts.
Anticyclone devant les étraves de Castorama
Statu quo en tête de course …
138 milles d’avance hier matin sur le second ; 138 milles d’avance 24 heures plus tard. Vincent Riou (PRB) continue de déjouer estimations, évaluations et pronostics. A armes égales dans un alizé paresseux, il affiche aujourd’hui des performances en tout point identiques à celles de son dauphin, Jean Le Cam (Bonduelle) : 281 milles parcourus en 24 heures à 11,7 noeuds de moyenne et 13,9 nœuds de vitesse moyenne sur les dernières heures, avec un cap à peine plus lofé que celui de son concurrent le plus direct. L’érosion annoncée n’est pas au rendez vous. A 680 milles de l’Equateur, c’est le statu quo en tête de course. Mike Golding, 3ème sur Ecover s’est remis dans le rythme, 232 milles dans le sillage de Vincent Riou. Il présente un bilan très similaire à celui de ses devanciers.
Le petit train de l’Equateur. Les trois leaders foncent plein nord, tout droit dans un vent d’est peu soutenu, d’une quinzaine de nœuds. Suffisamment soutenu en tout cas pour voir de nouveau les performances s’élever et les distances parcourues sur 24 heures tutoyer les 300 milles. Les écarts affectent une étonnante stabilité lors des dernières 24 heures. Le Cam n’a rien repris à Riou. Seul Golding a lâché une poignée de milles en chemin. La journée d’aujourd’hui ne devrait pas nous offrir un scénario très différent ; les trois hommes foncent au large de la pointe orientale du Brésil et la ville de Recife, dans un alizé bien calé à l’est et qui, seul changement notable, pourrait se renforcer dans le nord pour Riou. Priorité vitesse. Priorité réglages. Priorité trajectoire.
30 noeuds de vent pour MacArthur
Son avance tombe sous les 4 jours…
Ellen avait atteint 4 à 5 jours d´avance pendant plus d´une semaine, depuis le 41e jour (2000 milles avant le Cap Horn). Mais avec un peu recul, on peut voir qu´il y a deux semaines seulement, au 30e jour, elle ne comptait que 1 jour et 6 heures d´avance sur le record, ce qui était d´ailleurs sa plus grosse avance depuis le départ. Au même moment, Francis Joyon s´apprêtait à franchir le Cap Horn et affichait de très belles moyennes quotidiennes malgré la chute de son Solent qu´il avait passer cinq heures à ramener sur le pont. A noter également aujourd´hui, le passage d´Ellen au nord de 40S de latitude, qui marque en quelques sortes le retour à la “civilisation””.
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Le trio de tête allonge la foulée …
Désormais bien calé dans l’alizé de Sainte Hélène, l’infernal trio Riou-Le Cam-Golding passe la surmultipliée et cavale en direction de l’équateur situé à moins de 1 000 milles. Le vent est bien établi à l’Est, pour une quinzaine de nœuds, et les voiliers glissent sous grand voile et solent dans des conditions qualifiées hier d’idyllique par le skipper de Bonduelle, et qui vont perdurer aujourd’hui. Ce n’est que dans une vingtaine d’heures que l’adonnante au Sud Est se fera sentir et que viendra le moment d’envoyer les gennakers. Mike Golding (Ecover) vient de vivre une des semaines les plus noires de sa longue vie de marin avec cette double rupture de drisse de grand voile et son corollaire de misères. Il a viré hier soir dans l’alizé et fait à présent une route parfaitement parallèle à celle de Jean Le Cam 280 milles dans son Est, mais à 228 milles du leader Riou. Une course de vitesse pure s’engage, bateaux réglés aux petits oignons, et skippers rivés à la table à carte, la tête déjà au-delà de l’Equateur, à l’examen d’un passage à niveau nommé pot au noir.
Jean-Yves Bernot : “Rien n´est joué”””
Q – L´avance de Vincent Riou est-elle déterminante ?
Jean-Yves Bernot : “Vincent a bien joué le coup. Je ne suis pas étonné de le voir aussi bien placé. Pendant les cours, il a montré beaucoup d´intérêt. Ce qu´il fait est toujours simple et bien fait. D´un point de vue stratégique, il n´a pas raté grand-chose. Maintenant, même s´il a pris de l´avance, rien n´est joué pour autant. Après le Pot au Noir, il va connaître quelques jours difficiles, notamment s´il se retrouve avec 20 nœuds à 60° du vent. A cette allure-là, les deux autres bateaux sont plus rapides que son “”PRB”” “”.
Q – Comment s´annonce le passage du Pot au Noir ?
J.-Y.B. “”C´est toujours un passage compliqué, d´autant plus qu´il semble être actif cette année : ça peut donc être la loterie. Ensuite, du Pot au Noir jusqu´à la latitude des Canaries, ce se sera pas simple non plus. D´ailleurs, jusqu´à l´arrivée, les premiers ne vont pas connaître de repos au niveau stratégique. Ils devront être concentrés, lucides. Donc, il faudra savoir se reposer pour avoir les idées claires””.Q – Jean Le Cam peut-il revenir après son option hasardeuse dans l´est ?
J.-Y.B. : “”A ce sujet, j´avoue que je ne comprends pas pourquoi il est parti à l´est. Ce n´était pas à lui de tirer le premier. Pourquoi a-t-il fait ça ? C´est un mystère. Peut-être a-t-il choisi de se planter volontairement dans les calmes pour réparer quelque chose ou ménager son bateau ? On ne le saura pas, car il est évident que Jean ne dira rien. D´ailleurs, à sa place, j´en ferais autant. Maintenant qu´il est sorti de cet endroit, Jean va se refaire : il va un peu combler son retard et je le vois bien au Pot au Noir 100 milles derrière Riou. Après, tout dépendra du passage du Pot au Noir, donc tout reste possible””.
Q – On a l´impression que Mike Golding n´a pas véritablement de schéma stratégique. Qu´en pensez-vous ?
J.-Y.B. : “”Golding navigue bien, c´est un bon marin : il est costaud, sait faire avancer un bateau et le sien va plutôt vite. Maintenant, il est vrai qu´il a moins de culture météo que les Bretons. Sa façon de naviguer est très anglo-saxonne, c´est-à-dire on reste sur la route directe en regardant ce que font les autres. Il réagit en fonction des adversaires et n´a pas de schèmas stratégiques en tête. S´il voit qu´un concurrent part à droite et que ça avance bien, il va à droite. Lui, il parie sur sa capacité à faire avancer vite son bateau. D´ailleurs, à chaque fois qu´il a gagné une course, c´est en procédant ainsi : en suivant et en accélérant dans la dernière ligne droite. Ceci dit, c´est un très bon finisseur””.
Philippe Eliès / Le Télégramme
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Grosse fatigue à bord de Castorama…
La fatigue commence a pesé sur le moral d’Ellen. Depuis le Cap Horn et pour cette première partie de la remontée de l’Atlantique, Ellen a passé 48 heures dans des conditions épuisantes. Elle n’a eu que très peu d’occasions de récupérer et hier soir, alors que le vent semblait enfin se stabiliser, une mer contraire (vent contre vague) a commencé à se lever, rendant la progression de Castorama plus mouvementée et plus périlleuse : “on dirait que le bateau va se casser en mille morceaux. C’est dur, très dur. Le trimaran est secoué dans tous les sens. C’est horrible. La mer est vraiment mauvaise. La drisse de grand voile grince, tout craque, les bastaques sont sous tension… et je ne peux rien faire. J’ai essayé de ralentir. Et puis j’ai essayé d’accélérer. J’ai tout essayé mais j’ai l’impression d’avoir des montagnes en face de moi. Avec cette saleté de dépression qui s’est installée devant notre nez. Ca grince, ça gémit, ça cogne, ça craque. C’est vraiment horrible. Vous passez trois vagues, vous fermez les yeux en espérant que tout ira bien et à la quatrième : “”BANG””. Je suis sure que quelque chose va finir par casser !”” Difficile de décrire ce qu’Ellen est en train de vivre sur sa tentative de record autour du monde en solitaire. Le son de sa voix en dit long. Épuisement, anxiété, frustration. Ellen atteint ses limites.”
Vincent Riou creuse l’écart …
Dame chance tourne obstinément le dos au Britannique Mike Golding. Pour la seconde fois en une même semaine, un irritant scénario se répète, dans des conditions similaires, mais avec des conséquences cette fois plus sévères. Une seconde rupture de drisse de grand voile survenue hier matin, alors que Mike attendait du potentiel de son Ecover aux allures proches du vent de le ramener à nouveau vers le sommet du classement, est sanctionnée ce matin d’un retard sec de 120 milles. L’anglais a réparé dès hier soir, certes, et au prix d’un colossal effort physique, mais il tarde à présent à relancer la machine, englué face à de tout petits airs. Dans le même temps, Vincent Riou, puis Jean Le Cam (Bonduelle) ont viré de bord. Ils remontent à présent tribord amure dans l’alizé de Sainte Hélène. L’écart entre les deux français est bloqué à 140 milles, Jean évoluant près de 250 milles dans l’ouest de Vincent. A noter et pour l’anecdote que les deux hommes s’apprêtent à croiser leur trajectoire aller, bouclant ainsi que l’expliquait hier Le Cam lors de la vacation, un tour du monde effectif.
Nouvelle avarie pour Mike Golding !
A présent, il se prépare à remonter au mât pour remettre la drisse de sa grand-voile, un travail qu’il éxècre. « Ce Vendée Globe m’oblige à faire tout ce que je déteste. Je hais grimper dans le mât ! », nous dit Mike dans un sourire qui prouve que notre skipper britannique n’a pas perdu son sens de l’humour. La drisse de grand-voile (qui maintient la grand-voile haute) s’est rompue à l’extrémité basse du gréement, sur le taquet coinceur, à l’endroit où la drisse est bloquée avant d’atterrir dans le cockpit du bateau. La drisse de grand-voile supporte beaucoup de pression, celle d’une grand-voile de 150 m² et celle du gréement.
Castorama ralenti dans l´Atlantique
Un vent faible ralentit la progression de Castorama…
Suivant un cap nord-est, Ellen navigue actuellement à 385 milles de la côte argentine et à 265 milles dans le nord-nord-est des îles Malouines, contournées hier par l’ouest. Hier soir, le vent d’ouest s’était stabilisé aux alentours de 17 à 20 nœuds, mais, depuis minuit, la brise a progressivement molli pour atteindre une petite moyenne de 9 nœuds à 4h00 GMT ce matin. Les dernière données montrent que le vent d’ouest souffle à 11,5 nœuds… Malgré cela, Castorama parvient néanmoins à tenir une moyenne de 10,73 nœuds. Il faut préciser que Castorama, avec 15 pieds de moins que IDEC de Francis Joyon – soit près de 4 mètres en moins – possède une surface de voile plus réduite, mais est aussi plus léger. Castorama ne pèse que 8,3 tonnes, à comparer aux 16 tonnes de IDEC. Aussi, dans des conditions faibles, il a l’avantage d’avancer légèrement plus vite. Ellen a parfaitement conscience de ces obstacles météo qui, comme celui-ci, jalonnent l’Atlantique sud. « C’est dans l’Atlantique que se trouvent les vents les plus instables. C’est ici aussi que soufflent les vents les plus faibles », a-t-elle prévenu deux jours auparavant. Les souvenirs des conditions portantes et rapides des Océans du Sud se font de plus en plus lointains. La navigation le long de la côte argentine puis brésilienne annonce des conditions de vent au près, dans un vent qui refuse. Il reste 2500 milles à parcourir avant de retrouver les alizés du sud-est au large de la corne brésilienne. Ce passage, qui pourrait aisément perturber la progression de Castorama, est crucial dans la quête du record.
Moins de 200 milles en 24 heures sur la route directe …
Et les plus rapides sont : Dominique Wavre (Temenos), et Sébastien Josse (VMI) ! Avec respectivement 325 et 321 milles parcourus depuis hier matin, les deux hommes seulement distants de 73 milles ont repris plus de 120 milles aux leaders en 24 heures. Sébastien l’affirmait hier à la vacation : « J’ai la pêche ! ». Il ramène aujourd’hui son VMI blessé à moins de 600 milles de son ami Riou. Dans des conditions difficiles, il engrange un maximum de milles avant le ralentissement prévu pour ce soir.