Armel Le Cléac’h a un peu souffert de son décalage dans l’ouest avec sur sa route, plus de près, plus de virements de bord et moins de vent. Ce matin, il ne progressait qu’à 4,8 nœuds, soit trois fois moins vite que l’homme de tête. Aujourd’hui, les duettistes sont obligés de glisser vers l’est pour négocier l’anticyclone de Sainte Hélène. Dans ce contexte, Le Cléac’h est en train de doucement s’aligner dans le sillage de Gabart. Du coup, leur écart en distance au but se creuse : 103 milles, le plus important jamais enregistré entre les deux hommes. Rien de rédhibitoire, évidemment, car il reste de nombreux pièges à déjouer : leur traversée de l’anticyclone, le passage du pot au noir et toute la remontée de l’Atlantique Nord, soit encore 5000 de course. 5000 milles d’une ultime bagarre pour la victoire.
Jean-Pierre Dick a lui aussi perdu du terrain, mais pour d’autres raisons. Ces problèmes d’étai ont absorbé une grande partie des milles qu’il avait mis tant d’effort à gagner. Aujourd’hui, le marin niçois doit surtout recouvrer des forces après ses déboires de la veille et pour tenter de contenir le retour d’Hugo Boss qui n’est plus qu’à 178 milles de son tableau arrière. Aujourd’hui, Alex Thomson est clairement en lice pour la 3e place. A condition qu’il se dépêtre rapidement de la bulle anticyclonique dans laquelle il s’est fourré ce matin.
En ce 59e jour de course, à 8h19, Jean Le Cam est devenu le 5e homme à faire son entrée en Atlantique Sud. Son 4e passage du cap Horn ? « Un grand moment », confiait-il à la vacation, avec ses silences habituels qui en disent long sur la force de ses émotions. Jean est passé à un mille du rocher, au petit matin, et s’en est donné à cœur joie à la caméra. Le skipper de SynerCiel avait hâte de quitter le Pacifique et ses mers tordues. Il a deux raisons de se réjouir : son début de remontée en Atlantique Sud sera beaucoup plus limpide que pour les leaders. Une dépression devrait l’accompagner un petit bout de temps et lui prodiguer des vents de secteur ouest (d’abord au portant puis au près).
Un dernier cap Horn pour Mike Golding ?
L’autre marin britannique de la flotte, sera le sixième à doubler le cap Horn cette nuit ou mercredi au petit matin. « Ce sera peut-être mon dernier » avouait Mike. Le skipper de Gamesa va ouvrir une vraie parade devant le rocher chilien puisqu’en l’espace de 36 heures, ils seront 5 bateaux à y passer, soit jusqu’à Acciona 100% Ecopowered. Bernard Stamm, très fatigué à cause des nombreuses heures passées à la barre, y est attendu entre mercredi soir et jeudi matin. Unaï Bazurko viendrait à la rencontre de Cheminées Poujoulat pour le ravitailler en carburant. Si cette opération était menée à bien, le marin suisse serait malheureusement mis hors course.
Derrière le club des 5, ça cartonne ! Surtout pour Bertrand de Broc, en route vers la dernière porte de sécurité Pacifique. Joint ce matin, le skipper de Votre Nom autour du Monde avec EDM Projets confiait faire le dos rond sous 3 ris et trinquette dans 40 nœuds de vent. Mais c’est moins la force d’Eole qui est en cause que celle de la mer. Des creux de huit mètres, formés par des vagues croisées de sud-ouest et de nord-ouest. Tanguy De Lamotte ne devrait plus tarder à se retrouver dans le même système. Conditions musclées également pour Alessandro Di Benedetto dont le bateau Team Plastique était de loin le plus rapide ces dernières 24 heures avec 393,7 milles au compteur. Il est attendu au Horn dans 8 jours.
Ils ont dit
François Gabart (MACIF) : « On n’est pas complètement au près mais pas loin et ça va durer quelques jours. On n’a pas des vitesses extraordinaires mais on fait route vers les Sables, c’est le plus important. Ça m’arrive de penser aux retrouvailles, c’est une source de motivation. L’arrivée et la fin sont des moments importants. Il me tarde d’être dans le chenal des Sables. »
Jean Le Cam (SynerCiel) : « Le passage du Horn ? Un grand moment. Le Pacifique est terminé, ma remontée s’annonce plutôt pas mal. Je suis passé à un mille du cap Horn. Au lever du jour, juste au bon moment. Je me suis régalé, j’ai fait des vidéos. C’était top. J’ai une histoire avec ce cap Horn. La dernière fois je l’ai passé en double avec Vincent. Pour une course en solitaire, ce n’est pas banal. En 2004, je l’ai passé en tête avec Bonduelle et en 82, je faisais mon service militaire sur euromarché. Ça fera certainement partie de mes plus beaux souvenirs de ce Vendée Globe. »
Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec 3) : « C’était un lundi noir. J’ai rarement vécu une pire journée en mer. A 2h30 du matin, mon étai a cassé. L’accroche du bas, le loop, a cédé. J’ai été obligé d’abattre. Il a fallu toute une journée pour essayer de remettre ça en place. Je suis a peu près arrivé à faire quelque chose de satisfaisant. Il faut repartir mais c’est dur et pour le classement c’est forcément négatif. »
Arnaud Boissières (AKENA Vérandas) : « Le cap Horn c’est dans 40 heures, il reste 450 milles. J’espère pouvoir passer assez près et qu’il fera jour pour pouvoir faire de belles photos. Avec Javier, c’était sympa parce qu’il y avait très peu de visibilité, pas mal de grains et d’un coup j’ai eu un flash jaune derrière moi. On s’est parlé à la VHF et je lui ai demandé s’il lui restait des cookies parce que je savais qu’il en avait embarqué mais il n’en avait plus. On se disait que c’était bien de se tirer la bourre à deux. On va plus vite à deux que tout seul dans son coin. Donc on se disait que c’était une bonne opportunité de revenir sur Mirabaud et Gamesa. »
Classement de 16h
1 François Gabart Macif à 5260.7 nm
2 Armel Le Cléac’h Banque Populaire à 103.8 nm
3 Jean-Pierre Dick Virbac Paprec 3 à 447.6 nm
4 Alex Thomson Hugo Boss à 625.3 nm
5 Jean Le Cam SynerCiel à 1669.4 nm
6 Mike Golding Gamesa à 1898.9 nm
7 Dominique Wavre Mirabaud à 1980.6 nm
8 Bernard Stamm Cheminées Poujoulat à 2013.2 nm
9 Arnaud Boissières Akena Verandas à 2234.0 nm
10 Javier Sanso Acciona à 2259.2 nm