« A 40 milles du caillou du Fastnet, il y a 20 milles de latéral entre les leaders… c’est énorme ! Très intéressant en tous cas ce qui se passe sur l’eau… ça tricote, ça tricote…» Jacques Caraës est joyeux comme un gamin à bord du catamaran Direction de Course, devant l’écran qui dessine les trajectoires complexes des 44 solitaires en route pour l’Irlande. « Ça joue dans tous les sens, c’est très tactique et le seul classement pertinent sera le passage du Fastnet » poursuit le directeur de course, « bien malin qui pourrait dire maintenant qui sera le premier là-bas ! »
La nuit a été rock vers le Rock. Le vent est de « secteur » Nord, en l’occurrence il ne cesse d’osciller entre le Nord et le Nord-Ouest, dans l’axe de la route et impose donc ce louvoyage de haute volée. L’essentiel de la nuit s’est déroulée dans un souffle soutenu d’une vingtaine de nœuds et un clapot encore formé – « on plante un peu des pieux », témoigne Ronan Treussart (Lufthansa) à la vacation. A l’heure où j’écris ces lignes toutefois, le vent mollit à 15 nœuds et la mer s’aplatit. Au loin, on aperçoit les lueurs de l’Irlande.
Au pointage de 4h donc, Nicolas Lunven (Generali) se rappelle au bon souvenir de ses 43 petits camarades. Le vainqueur de l’an passé pointe en tête, à moins de 90 milles de Kinsale que la flotte devrait atteindre ce soir. Il devance d’un demi-mille Thomas Rouxel (Crédit Mutuel de Bretagne) et d’à peine plus l’étonnant Gildas Morvan (Cercle Vert), revenu des limbes. Mais ce podium provisoire ne tient qu’à un fil, quand on considère par exemple qu’Armel Le Cléac’h (Brit Air) le leader d’hier, pointe en… 10e position à 1,5 mille. Ce n’est que de la géométrie appliquée donc et une bonne quinzaine de bateaux peut encore espérer virer le Fastnet en tête ! Le déroulé des placements sur l’eau, du premier au 5e par exemple, est éloquent : le leader est au centre du paquet des meneurs, le deuxième à l’ouest, le troisième au milieu, le quatrième (Yann Eliès, Generali-Europ Assistance) à l’extrême droite et le cinquième Jean-Pierre Nicol (Bernard Controls) à l’extrême gauche ! Le tout, rappelons-le, sur 20 milles d’écart latéral à 40 milles du même point à virer… Absolument rien n’est fait donc au terme de cette deuxième nuit en mer.
Ils ont dit
Nicolas Lunven (Generali) : « La nuit est compliquée, on tire des bords pour atteindre le Fastnet de manière laborieuse, on n’y voit rien et on slalome entre les pêcheurs. Il peut y avoir encore des coups à jouer après le Fastnet».
François Gabart (Skipper Macif 2010) : « Je n’ai pas du tout dormir cette nuit mais la mer est en train de s’aplatir, je vais aller me reposer un peu pour avoir les idées un peu claires pour finir l’étape. Si le vent se maintient, ça devrait aller mais plus on va se rapprocher de l’arrivée, plus on sera près des côtes, plus il faudra être vigilant. Il y aura pas mal de courants, les arrivées en Irlande ne sont jamais simples.»
Fabien Delahaye (Port de Caen-Ouistreham) : « Un peu marre de faire du près… ça tape et on a entre 14 et 18 nœuds de vent. Il y a des grandes bascules et des petites bascules à négocier à l’intérieur pour prendre l’avantage sur les copains. C’est à la fin qu’on verra, mais globalement, il y a des feux qui étaient devant moi tout à l’heure qui sont maintenant derrière. Le passage du Fastnet va être important car après les bateaux vont se suivre. »
Classement de 4h30
1 Nicolas Lunven GENERALI à 89.70 nm de l’arrivée
2 Thomas Rouxel CREDIT MUTUEL DE BRETAGNE à 0,5 milles
3 Gildas Morvan CERCLE VERT à 0,7 milles
4 Yann Elies GENERALI – EUROP ASSISTANCE à 0,8 milles
5 Jean-Pierre Nicol BERNARD CONTROLS à 1,3 milles
6 Erwan Tabarly NACARAT à 1,4 milles
7 François Gabart SKIPPER MACIF 2010 à 1,4 milles
8 Corentin Douguet E.LECLERC MOBILE à 1,4 milles
9 Sébastien Josse VENDEE à 1,5 milles
10 Armel Le Cleac’h BRIT AIR à 1,5 milles