230 milles, soit la moitié de l’étape, avalés en 24 heures. Les 44 concurrents de La Solitaire Afflelou Le Figaro ont fait chauffer les speedomètres, et ont laissé l’Irlande puis l’Angleterre dans leur sillage en à peine une journée de course. Fastnet, Scilly et ce soir Ouessant, les moyennes sous spi ont avoisiné les 12 nœuds, au prix de quelques montées d’adrénaline et de grosses fatigues. Les vitesses ont légèrement chuté en même temps que le vent de nord-ouest qui a perdu un peu de ferveur au moment d’attaquer la traversée de la Manche.
Plaisirs et petites frayeurs solitaires
Pendant ces 230 milles de sensations fortes, les skippers, grisés mais concentrés, sont restés accrochés à leur barre – ce qui n’est pas une simple image pour le bizuth Christopher Pratt (Espoir Crédit Agricole) privé de pilote automatique depuis le départ-. Ils racontent aujourd’hui les surfs dans l’écume à plus de 16 nœuds, les sueurs froides à l’empannage et quelques sorties de route comme le relatait Yann Eliès (Groupe Generali assurance,11e à Seven Stones) : « Je me suis un peu gâché le plaisir à l’empannage cette nuit, je suis parti au tas et j’ai perdu pas mal de terrain ». De son côté, Jeanne Grégoire (Banque Populaire, 15e), accusait le coup : « Je suis complètement décalquée, je suis morte, j’ai beaucoup de mal à rester concentrée. Cette nuit, j’ai appelé au secours et je me suis mise à pleurer quand c’est monté à 35 nœuds, sous grand spi, cramponnée à la barre, je me demandais quand ça allait s’arrêter. Je me disais, si ça part au tas, je pète tout. J’ai préféré affaler pour empanner. » Gérald Veniard, leader au dernier pointage, avait fait preuve de sagesse en limitant cette manœuvre scabreuse pour « éviter de faire des bêtises ».
Cette nuit, la VHF n’a cessé de grésiller au son des récits de mauvaises fortunes : spis emmêlés dans l’étai (Grégoire Le Mière, Man of All Seasons), voire déchirés (Eric Peron sur Cigo), drisses récalcitrantes, rencontre impromptue avec une baleine (Eric Drouglazet, PIXmania.com), quelques plaies et bosses aussi, « mais rien de grave » d’après le bilan de Jean-Yves Chauve à bord du bateau médical.
Veniard toujours en vedette
A cet exercice de gros bras, Gérald Veniard est toujours le meilleur. A 13h28, il passait en tête le bateau phare de Seven Stones, s’adjugeant au passage le Grand Prix Suzuki. Le Rochelais confirme qu’il est un des grands animateurs de cette 37e Solitaire par sa capacité à s’extirper du groupe des leaders pour en prendre rapidement les commandes. Armel Le Cléac’h, avec qui il bataillait pour le passage à la marque, n’est pas parvenu à lui voler la vedette. Le navigateur de Brit Air, pointé moins de quatre minutes plus tard, est pour l’instant idéalement placé pour conserver sa troisième place au classement général. A deux minutes de Le Cléac’h, Nicolas Bérenger complétait le tiercé, suivi de Pietro D’Ali (Nanni Diesel) qui a retrouvé de sa superbe dans la brise, de Charles Caudrelier (Bostik), et d’Erwan Israël (Delta Dore) véritable révélation de cette édition… au grand dam de l’autre bizuth Corentin Douguet (E.Leclerc-Bouygues Telecom), qui aimerait bien en « claquer » une lui aussi.
Nouveau départ à Ouessant ?
Mais la course est encore longue et les premiers solitaires sont au contact. Le tandem Veniard/Le Cléac’h navigue à vue, tout comme le groupe situé 0,6 mille plus loin, composé des skippers cités plus haut auxquels il faut ajouter le très régulier Frédéric Duthil (Brossard). Les 20 concurrents de tête, dont font partie les leaders du classement général Nicolas Troussel (Financo) et Thierry Chabagny (Littoral) se tiennent en 5 milles. En revanche, la flotte s’étire à mesure que l’on descend dans le classement car les problèmes techniques ont surtout frappé la queue de peloton. Les derniers concurrents pointés (Jérôme Aubert, La Normandise, et Jimmy Le Baut, Port-Olona) accusent déjà plus de 50 milles de retard. Mais cette situation pourrait évoluer.
Les conditions musclées de la nuit et de la matinée seront bientôt un souvenir. Le vent de nord-ouest s’est stabilisé autour de 15-20 nœuds, le soleil est au rendez-vous et les marins descendent au largue sur un seul bord (tribord) en direction des côtes françaises. Ils en profitent déjà pour prendre leurs premières heures de sommeil afin d’arriver en forme sur la Bretagne. Là, ils craignent tous de vivre un remake de la troisième étape… version française. Une zone de transition avec un vent très faible pourrait les piéger du côté d’Ouessant, et donner un nouveau départ à 100 milles de l’arrivée, comme ce fut le cas dans le sud de l’Irlande. Sur l’autoroute atlantique qu’ils empruntent à 9 nœuds de moyenne, il y a risque de bouchon à Groix…
Le Cléac’h a repris ce soir la tête de La Solitaire…
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