A tout seigneur tout honneur ; et des seigneurs, les Voiles de Saint-Barth en comptent d’exceptionnels, à commencer au sein de la Classe des super yachts. On l’attendait, et il ne cesse d’impressionner quelle que soit sa configuration de course ; ‘l’animal » Rambler 100, ainsi que son skipper américain Ken Read le surnomme avec affection, s’impose sans coup férir à chaque sortie. Départs au cordeau, trajectoires impeccables, économie maximum de virements de bord et d’empannages ont depuis lundi invariablement mené l’immense plan Kouyoumdjian en tête sur les lignes d’arrivée. Les hommes de Ken Read et du propriétaire George David n’ont pas économisé leurs efforts pour tirer à chaque bord la quintessence des possibilités d’un voilier surpuissant, et qu’ils continuent de découvrir ; « Chaque jour nous apporte de nouveaux enseignements » affirme Read. Mais la supériorité de Rambler 100 trouve pourtant une réelle contestation avec Genuine Risk, le plan Dubois mené de main de maître par le spécialiste suédois de la Coupe de l’America Hugo Stenbeck. Son équipage international sait qu’il bénéficie au décompte final d’un rating avantageux. Stenbeck s’applique donc avec succès à coller au plus près du sillage de Rambler afin de profiter à fond d’un calcul de points à son avantage. Il pointe ainsi ce soir en tête du classement en temps compensé.
Très à l’aise dans la brise, l’immense ketch Sojana à bord duquel officient notamment les français Lionel Péan et Jacques Vincent, souffre d’un évident déficit de vitesse pour espérer se mêler à la lutte des deux maxis taillés pour les sprints océaniques. Sojana s’applique avec bonheur à contrôler les superbes maxi yachts lancés à ses trousses, au premier rang desquels on retrouve l’élégant Highland Breeze confié cette semaine à l’expertise du Néerlandais Bouwe Bekking, skipper du VOR 70 Telefonica Azul lors de la dernière Volvo. Bruno Troublé prend à l’évidence énormément de plaisir à naviguer au sein de cette classe et dans les conditions de rêve offertes ici. Il tient avec assurance la barre du SPIIP de son ami Robin De Jong et laisse dans son sillage le maxi yacht Icarus (Plan Pererson) de Barry Duck.
Status quo chez les grands Racing
Groupe particulièrement compétitif, les yachts de 50 pieds et plus ont fait le show sur la forte houle des premiers jours. Phases de départ, engagements aux bouées ont vu un groupe compact de voiliers au mieux de leur forme se disputer les places au plus frais du vent. Le TP 52 Vesper à l’américain Jim Swartz, a livré le meilleur de lui-même aux mains du Néo Zélandais Gavin Brady. Intouchable aux allures portantes grâce à sa puissante carène, l’ex Quantum a cependant dû baisser pavillon lors de la première course face au voilier en forme du moment, le Grand Soleil 43, version régate Antilope, que le Néerlandais Willem Wester place depuis son acquisition l’an passé systématiquement sur la plus haute marche des podiums Européens et Caribéens. Peter Cunningham et son équipage « All Star » américain mené par Tony Rey, dans l’attente de la livraison de son propre TP 52, l’ex Synery russe, naviguent à bord du puissant Farr 60 Venemous, qui subit pour l’heure la loi des deux yachts pré cités. Les deux « régionaux » de l’étape, Raymond Magras et son Speedy Nemo vainqueur ici l’an passé, et Patrick Demarchelier et son Swan 45 Puffy limitent fort bien les dégâts avec leurs équipages amateurs face aux pros américains, britanniques ou Néerlandais.
Dobbs en embuscade
C’est le groupe le plus dense de la flotte de ces Voiles de Saint-Barth ; 24 voiliers régatent au sein des racing cruising et les places au soleil, pourtant généreux à Saint-Barth, se gagnent chèrement. Deux Néerlandais, Nico Cortlever (X Yacht Nix) et Jeroen Min (First 50 Black Hole) se partagent le leadership à la mi-parcours avec chacun une victoire et une seconde place. Ce « mano a mano » laisse le sociétaire d’Antigua James Dobbs et son véloce J 122 Lost Horizon en embuscade, suivi comme son ombre par son adversaire de toujours Bobby Velasquez et son Bénéteau 45 L’espérance. A noter les 17ème et 21ème place des deux équipages entièrement féminins de la course, celui de la Britannique Annie O’Sullivan et celui de la Néerlandaise Hennecke Stegweg. Ces jeunes femmes naviguent sur de petites unités que la forte houle du plan d’eau n’a guère ménagées. Elles n’en ont pas moins disputé avec âpreté chaque bord des longs parcours proposés.
La prime à la longueur chez les multis
Cinq multicoques participent à la diversité très appréciée ici des formes et des concepts de voiliers engagés dans la compétition à Saint-Barth. Trois catamarans et deux très volatiles petits trimarans font parler la poudre dans de grandes envolées de coques sur l’écume. Fat Cat, un plan Morelli/Miller de 80 pieds mené par le Britannique John Winter s’accommode à l’évidence au mieux de la houle parfois très creusée rencontrée au nord des parcours. Il domine ce groupe dans lequel s’illustre le petit trimaran Bordelo de Stéphane Penigaud.
Un octogénaire de feu
Lancé en 1938, le yawl bermudien Mariella signé Mylne et construit par Fife fait merveille dans le vent soutenu de Saint-Barth. Son propriétaire italien Carlo Falcone, venu ici prendre du plaisir en profite pour glâner les premières places au nez du grand W76 américain White Wings. Si cette classe compte peu d’engagés, elle apporte cette touche d’élégance architecturale jamais surannée que le plus acharné des régatiers modernes ne se lasse pas d’admirer, et qui fait l’un des charmes des Voiles de Saint-Barth.