La particularité de cette 42ème édition vient de l’extrême réduction des écarts entre les différents groupes qui composent le classement final : au fil des épreuves, les deltas se sont compressés au point d’atteindre seulement 13 secondes pour départager Armel Le Cléac’h et Alain Gautier en 2003 ! Mais désormais ce sont aussi les autres concurrents qui émargent avec des écarts ridicules… A l’image du premier bizuth, Morgan Lagravière (Vendée) septième devant Laurent Pellecuer (Atelier d’architecture Jean Pierre Monier) pour 17 secondes. Tout comme pour Adrien Hardy (Agir Recouvrement) 14ème qui devance Jean-Pierre Nicol (Bernard Controls) de 23 secondes. Et Romain Attanasio (Savéol) concède la 10ème place au deuxième bizuth Xavier Macaire (Starter Active Bridge) pour 45 secondes. Même en bas de tableau, le Britannique Nigel King (E-line Orthodontics) et Marc Emig (Ensemble autour du monde) ne sont séparés que d’une minute… Sachant qu’une minute représente 0,016% du temps global de course, et avec une moyenne pour le premier de 6,4 nœuds sur 1 647 milles, le différentiel n’est que de 0,001 nœuds sur plus de dix jours de mer !
C’est dire si cette 42ème édition a marqué tous les esprits parce que la victoire de Jérémie Beyou (BPI), incontestable et incontestée quasiment dès le départ de Perros-Guirec, a été arrachée par toutes petites touches, par des bords homéopathiques, des micro-décalages, des nano-options. Car la particularité de ce parcours était son format très côtier, avec nombre de passages à niveau dus aux courants de marée (Barfleur, le raz Blanchard, le raz de Sein, le Four, Land’s End par deux fois !) qui n’ont finalement jamais créé une échappée. Et ce malgré des conditions météorologiques très variées avec des phases de petit temps au près et au portant, de grands bords de largue serré sous spi dans le médium faible, du près avec forte mer et belle brise, un vent arrière d’anthologie par 30 nœuds, des louvoyages tactiques… Il fallait donc être très complet, très à l’aise, très vigilant et très réactif pour quatre étapes qui ont chacune proposé trois nuits en mer !
Et du côté des bizuths aussi, le match a été de toute beauté puisque deux d’entre eux finissent dans le « top ten » ! Morgan Lagravière (Vendée) est la révélation de cette édition au même titre que le furent en leur temps Laurent Bourgnon, Franck Cammas ou Armel Le Cléac’h. En finissant 7ème, le jeune skipper de 24 ans fait déjà figure de « gros bras » dans la série… Et l’ex-Ministe Xavier Macaire (Starter Active Bridge) lui a tenu tête avec brio, terminant à la dixième place à seulement 20’50, tandis que le Britannique Phil Sharp (The Spirit of Independence) démontre que l’armada anglaise va devenir un outsider sérieux pour les prochaines éditions.
Pour d’autres coureurs habitués au circuit, cette édition ne restera pas gravée dans les souvenirs, soit parce qu’ils n’avaient pas les moyens ni le temps de leur ambition pour se préparer et rassembler le budget nécessaire, comme Marc Emig (Ensemble autour du monde) ou Alexis Littoz-Baritel (Savoie Mont-Blanc) ; soit parce qu’ils ont été pénalisés sur une erreur d’appréciation de leur part tel Frédéric Duthil (Sepalumic) qui a encaissé une heure pour ne pas avoir passé une porte ou tel Thierry Chabagny (Gedimat) qui fait une touchette sur un concurrent ; soit parce qu’ils ont connu une avarie majeure comme Anthony Marchand (Bretagne Crédit Mutuel Espoir) qui effectue toute la seconde étape sans pilote, ou Gildas Morvan (Cercle Vert) qui explose ses deux spis dans la même étape ; soit parce qu’ils n’étaient pas habitués à ce rythme permanent de petits coups tactiques sans véritable ouverture sur plusieurs heures à l’image de Eric Drouglazet (Luisina) ou du Portugais Francisco Lobato (Roff)…
Ils ont dit
Nicolas Lunven (Generali) : « Ce que je retiens de cette 42e édition ? Que Jérémie Beyou a été impressionnant du début à la fin, même sur l’étape qu’il ne gagne pas. Et Fabien Delahaye aussi. Cette année, c’est celui qui se battait pour gagner des centimètres qui pouvait arriver à être devant. J’ai le souvenir de quelques étapes par le passé où tu traversais le golfe de Gascogne sans voir personne. Là, ça a été très serré. Peut-être aussi parce que le niveau devient plus homogène. »
Alexis Littoz-Baritel (Savoie Mont-Blanc) : « Je me suis bien éclaté dans la dernière étape quand c’était tactique, stratégique… Tirer des bords, c’est ce que je sais faire, en fait. Les longs reachings, je n’ai pas la connaissance. Comme je n’ai pas la connaissance, je ne suis pas très bon. Et comme je ne suis pas très bon, je ne prends pas beaucoup de plaisir. Donc soit je trouve un bon budget et je peux naviguer énormément pour m’entraîner, parce qu’il y a du boulot. Soit c’est compliqué et alors je choisirai de faire autre chose. »
Anthony Marchand (Bretagne Crédit Mutuel Espoir) : « Je suis comme à chaque fois, avec un mélange de déception et de satisfaction. Je n’ai pas fait d’étape catastrophique. J’ai été assez constant. En global, je suis assez content car la course aurait pu s’arrêter deux fois pour moi : sur la deuxième étape lorsque je n’avais plus d’électronique ni de pilote et quand j’ai talonné sur la dernière. Je me suis pris un caillou en pleine quille alors que j’étais à 6 nœuds. Toutes les varangues ont sauté à l’intérieur. Je m’en suis sorti. Mais sous l’eau, le bulbe ne doit pas être très beau à voir. »
Gildas Morvan (Cercle Vert) : « La chance ne me sourit pas dans la deuxième étape avec mes deux spis qui se déchirent à dix milles de l’arrivée. Je me prends une heure sur Jérémie. Après, tout bascule un peu pour moi à la moitié de cette Solitaire… Je me retrouve en position d’attaquant forcé. Alors qu’il fallait plutôt jouer des petits coups à droite et à gauche en arrivant à se recentrer régulièrement. Il fallait naviguer avec le peloton plutôt que se décaler. Rarement les décalages ont été fructueux. »
Classement général après jury
1 BEYOU Jérémie BPI Arrivé en 257h08’41"
2 DELAHAYE Fabien PORT DE CAEN OUISTREHAM + 34’43"
3 TABARLY Erwan NACARAT + 01h07’59"
4 LUNVEN Nicolas GENERALI + 01h11’21"
5 ROUXEL Thomas BRETAGNE-CREDIT MUTUEL PERFORMANCE + 01h22’06"
6 MEILHAT Paul MACIF 2011 + 01h35’47"
7 LAGRAVIERE Morgan VENDEE + 01h48’39"
8 PELLECUER Laurent ATELIER D’ARCHITECTURE JEAN PIERRE MONIER + 01h48’56"
9 MARCHAND Anthony BRETAGNE-CREDIT MUTUEL ESPOIR + 01h56’13"
10 MACAIRE Xavier STARTER ACTIVE BRIDGE + 02h09’29"
11 ATTANASIO Romain SAVEOL + 02h10’14"
12 CHABAGNY Thierry GEDIMAT + 02h16’49"
13 DUTHIL Frédéric SEPALUMIC + 02h30’37"
14 HARDY Adrien AGIR Recouvrement + 02h30’58"
15 NICOL Jean-Pierre BERNARD CONTROLS + 02h31’21"
16 LOISON Alexis Port Chantereyne Cherbourg-Octeville + 02h37’45"
17 GREGOIRE Jeanne BANQUE POPULAIRE + 02h40’47"
18 SHARP Phil The Spirit of Independence + 02h47’51"
19 JOSCHKE Isabelle Galettes Saint Michel + 02h55’50"
20 SVILARICH Etienne Volkswagen Think Blue + 03h10’12"