Belle nuit noire étoilée. Mer inconfortable au passage vers les abysses du golfe de Gascogne. Concentration maximum avant la glisse. A 5h30 ce matin, on est en pleine phase de transition : le vent adonne doucement vers le nord-ouest pour 12 à 15 nœuds, et le leader Gérald Véniard (Scutum) vient d’envoyer le spi, au grand large de Gijon. Chacun se prépare à une glisse d’abord agréable avant de devenir musclée et se félicite que depuis le départ de La Corogne hier après-midi, la météo s’est vérifiée au millimètre…
La phase de positionnement – tous au nord de la route mais avec des nuances – est en train de s’achever. On va pouvoir lâcher les chevaux. La flotte ne va faire qu’accélérer. Le vent devrait en effet ce matin poursuivre sa rotation vers la gauche, jusqu’à l’ouest pour une vingtaine de nœuds. Tendance ultérieure : vent d’ouest fort, mer agitée. Ne pas se fier donc aux vitesses inférieures à 8 nœuds au pointage. Elles vont augmenter. « On va pouvoir allumer », se réjouit un Fred Duthil (Distinxion) une fois de plus dans le match, 2e au pointage.
Les écarts ne sont pas significatifs pour le moment mais déjà les choix se dessinent. Le leader du général Michel Desjoyeaux (Foncia, 4e) est remarquablement placé, au nord de tous ses concurrents directs. Nicolas Troussel (Financo, 3e) est à l’affût 2 milles dans son sud, pas très loin du Scutum de Gérald Véniard qui pointe à 271 milles de l’arrivée aux Sables d’Olonne. Corentin Douguet (E.Leclerc/Bouygues Telecom) et Gildas Mahé (Le Comptoir Immobilier), à savoir respectivement les 2e et 4e du général, sont sur la même ligne, un gros mille derrière Financo et Foncia. Thomas Rouxel (Défi Mousquetaires) est encore une fois aux avant-postes (8e, mais un peu dans le sud de la flotte). Dans l’ombre, un sanglier attend son heure. C’est Eric Drouglazet (Luisina), bien placé au vent et connu pour sa capacité à aller vite et loin sous spi serré dans le vent fort. La pression monte avant le sprint. Corentin Douguet résume : « c’est maintenant qu’il va falloir se faire mal ».
A part ça, dans le paquet, un homme a embrassé les étoiles avec un drôle de sourire cette nuit. C’est Armel Tripon, skipper de Gedimat. Hier soir sur le canal de course, Jacques Caraës lui a appris qu’il venait d’être papa d’un petit Edgar et que tout allait bien pour son nouveau fils et sa maman. Toute la flotte a appelé Armel à la VHF pour le féliciter. « Un très beau moment sur l’eau, très émouvant », a commenté le directeur de course. Comme un instant de grâce avant la rude bagarre qui s’amorce.