La chronique de Capian – Une saison en Mini

Capian - Matthieu Girolet
DR

L’objectif était de faire les qualifications pour la Transat 6.50 2007, soit 1000 milles en course et le parcours 1000 milles solo. Avec la course des Lions, la Mini Solo et la Mini Max, cela fait 1100 (les 700 de l’Odyssée, pour moi, comptent pour du beurre, assez salé d’ailleurs – ndlr : Capian avait démâté).
Et la qualif solo est validée. Avec une victoire en prime, ça commence à prendre forme !

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Sur l’eau, cette saison s’est clôturée par une 4ème place à la Mini Max. Dans la tête, comme pour tous ceux qui partiront dans deux ans, elle s’est terminée avec la Transat, dont nous avons déjà évoqué l’intérêt d’un suivi attentif pour les prétendants. Dans les faits, rien ne s’est arrêté et la course contre la montre continue pour être au départ dans deux ans dans les meilleures conditions.  Avec juste l’impression que les mois vont être de plus en plus courts. Au menu, ce sont donc toujours navigations avec un podium à Novembre à Hyères. Et le proverbial salon nautique, avec ses allées débordantes de partenaires potentiels !

Si une saison autour de trois bouées peut déjà être mouvementée, ma première saison « au large » m’a réservé bien des surprises. Elle a été carrément riche en aventures et enseignements :

D’abord, on est tout seul, à bord bien sûr, mais aussi pour tout le reste, et ça l’air de rien mais au niveau gestion logistique et préparation, avant et après les navigations, ça change tout. Ce qui en équipage prend deux aller-retour à la voiture en prend 10 et ne se fait plus en un tournemain. Au final c’est en fatigue et stress supplémentaire que cela se chiffre.

Sur l’aspect seul à bord, on envisage surtout l’aspect technique. Mais c’est aussi personne pour te passer le sel que tu as oublié dedans, aller faire le tour d’horizon à ta place quand les 20’ sont écoulées ou prendre la météo quand tu es tout vert devant ton seau.

Et pour les manœuvres ?
Alors là c’est passage obligé par des chronologies écrites et bien rodées sans quoi… gare ! Un exemple : empannage à deux dans de l’air : bout dehors dans l’axe,  les deux bastaques aux winches, l’un reprend la future au vent et passe la GV, l’autre garde le cap et choque l’ancienne, puis on empanne le spi. Facile !

Et tout seul ? Pareil !
Bout dehors dans l’axe, point d’écoute de spi du bon côté de l’étai, tu reprends écoute GV et bastaque sous le vent alternativement pendant que tu barres (seulement la bastaque quand c’est encore possible, ce qui ramène la GV avec). Donc tu te retrouves GV dans l’axe, à souquer la bastaque qui sera au vent avant de pouvoir choquer l’autre et passer le spi. Faciii…. Caramba, encore raté! Flap, Flapp, Flappp. Tiens-toi, lâche la barre qui sert plus à rien,finis ta bastaque (priorité = mât !), choque l’autre la (GV passe), décroche – raccroche ta longe de harnais qui est toute emberlificotée et passe le spi (dans le meilleur des cas il n’a pas fait de nœud).

Quelques sessions sont nécessaires pour que cela passe (à peu près) bien.
Vous comprenez mieux pourquoi au début (au moins) pour empanner quand ça pulse on affale le spi et le renvoie sur l’autre bord. Cela va faire rire les pros mais ils ont bien du y passer. En tout cas c’est ce que je me dis quand je suis vraiment en vrac et que j’aurais honte qu’on me voie !

Saison d’apprentissage, donc. Apprentissage du double, du solo, du bateau, du format des courses Mini. Cela fait beaucoup, mais c’est aussi toute la richesse du « Mini » que j’ai découverte. Avec en bonus la formidable cohésion qui existe réellement entre les coureurs.

Ainsi à part bien évidemment certains moments bien particuliers où je me suis vraiment demandé ce que je pouvais bien faire là, je ne regrette absolument pas de m’être engagé dans ce projet.
De comment faire parler de son projet à remplacer un moteur de vérin de pilote, en passant par préparer ses réponses aux objections des sponsors prospectés  et paramétrer le pilote ; voici quelques unes des compétences qu’il faut que l’apprenti coureur au large en solitaire parvienne à acquérir.

Cheminement qui fait que quel que soit le classement au final, mon sentiment est vraiment celui que j’aurai énormément grandi, mûri…ou tout autre mot qui veut aussi dire se réaliser en vivant son rêve.
Et qui donne une vraie saveur à la boutade « passe ta Mini d’abord ! » Parmi les apprentissages, il y a aussi eu celui de la météo à l’échelle 500 milles et non plus à celle banane ou côtier. Et c’est plus du tout pareil.

Déjà, combien de fois en suivant le Vendée Globe avec les cartes météo j’ai fait le mauvais choix alors que sur l’eau ils faisaient le bon, eux ? Ensuite, construire une stratégie avec Monaco radio qui crachote dans le poste c’est très différent d’imprimer « Yfébô.com » avant d’aller sur l’eau pour l’après-midi. Plusieurs coureurs disent n‘avoir privilégié que la vitesse durant les courses.
Certains, encore, disent que sur un long bord (plusieurs dizaines de milles) il faut de toute façon privilégier la vitesse sur la route, puisque d’ici la fin du bord le vent aura changé.

Au delà du bluff de pontons, la clé semble être dans la capacité à  avoir un œil réellement critique sur les évènements et de réapprendre à lever la tête. Du sens marin, quoi ! Ca tombe bien, c’est pile ce que la classe veut promouvoir.

Dans un tout autre domaine et bien avant de mettre les pieds sur mon Super Câlin,  j’avais lu un article où il était écrit à peu près: « vous penserez, dormirez, mangerez , vivrez mini, au péril de votre couple ». On ne le fait pas exprès mais, c’est vrai ! Aussi , mention particulière à toutes celles (ou ceux) qui supportent les absences, l’angoisse d’être à la maison sans nouvelles (et oui, par exemple, quand on n’y connaît rien au bateau et que la première course se termine en hélico, ensuite on appréhende un peu).

Enfin, bref, même si elles (ils) comprennent que c’est réaliser un rêve et donc une opportunité fantastique, bla, bla, bla…, je comprends bien que tout cela soit parfois résumé en « il est jamais là et quand il est là, il est déjà reparti. ». Alors, pas facile à gérer.

Si le Mini vous tente, prenez cela en compte. Si, Si ! Je connais quelqu’un qui a retrouvé la maison vide au retour de qualif et un autre qui a été prié d’aller faire sécher ses bottes et son spi ailleurs.
Ils ont tous les deux des Pogo.  Tant et si bien que quand l’un d’entre nous annonce que chez lui ça chauffe, la boutade consacrée est désormais « Pourtant t’as pas un Pogo, toi ? »

Allez, à plus, on m’attend !  (j’espère).

Matthieu Girolet