Gitana 13 aux deux-tiers de son aventure

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Naviguant désormais dans les alizés de l’hémisphère Sud, le maxi-catamaran armé par le Baron Benjamin de Rothschild poursuit sa remontée vers L’Equateur qu’il franchira une seconde fois lors de de cette tentative de record entre New York et San Francisco. 4300 milles, sur les 14 000 milles de la distance totale, restaient ce matin à parcourir pour rallier le port de la côte Ouest américaine. En météo, la demie mesure est rare … c’est en tous cas vrai pour Lionel Lemonchois et ses hommes d’équipage qui en une semaine de navigation ont côtoyé des conditions très contrastées : les « fureurs » du Horn et les dépressions du Pacifique venant balayer la pointe sud-américaine ont laissé place à des alizés poussifs, qui peinent à conserver leur intensité.

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Enchainement d’empannages

Face à ce flux de Sud-Est paresseux, l’équipage de Gitana 13 enchaîne les empannages depuis 48 heures pour rester dans une veine de vents plus soutenus. Une stratégie payante, qui oblige néanmoins le maxi-catamaran à rallonger la route qui le mène vers San Francisco : « Hier, le vent s’est avéré plus fort que prévu sur les fichiers, ce qui nous a donné un peu d’avance sur les routages. Mais nous nous sommes retrouvés plein vent arrière, contraints de tirer des bords de largue sous gennaker. Ca glisse bien ces derniers temps et nous avons réalisé de belles moyennes au-dessus de 20 nœuds. Malgré tout, ces bords nous rallongent le chemin et nous ne parvenons guère à enregistrer des journées supérieures à 400 milles gagnés sur la route » expliquait Lionel Lemonchois.
Une route qui n’est pas encore clairement tracée pour le maxi-catamaran de la flotte Gitana. En effet, deux possibilités s’offrent aujourd’hui aux dix marins : Ils peuvent soit décider de privilégier le franchissement de la Zone de Convergence Inter-Tropicale en optant pour un passage plutôt Ouest ou emprunter une route plus Est pour passer le Pot-au-Noir au plus court, et ce afin d’éviter de naviguer trop longtemps au près jusqu’à l’arrivée. Un choix qui n’est pas encore arrêté, comme le notait le skipper de Gitana 13 : « Nous n’avons pas encore décidé si oui ou non nous coupions le fromage pour rejoindre le Pot-au-Noir. Nous en saurons plus d’ici 2-3 jours. Ce point de passage est important en soi car selon que l’on décide de passer plutôt Est ou plutôt Ouest, les conditions seront bien différentes à l’intérieur. Mais plus que la Zone de convergence en elle-même nous cherchons à nous positionner au mieux pour la fin de notre parcours. Les maxi-catamarans et Gitana 13 particulièrement, n’aiment pas les allures de près ; les vents de face combinés à une mer légèrement formée rendant la progression de ces bateaux vraiment difficile.» Et pourtant les derniers milles vers San Francisco se feront à cette allure … C’est pourquoi Lionel Lemonchois et son équipage cherchent à réduire cette dernière « ligne droite », quitte à concéder quelques heures dans un Pot-au-Noir plus étendu.

L’avis de Loïck Peyron

Le retour de Gitana 13 dans l’hémisphère Nord est programmé pour le début de semaine prochaine. Loïck Peyron, qui allie avec finesse les postes de Team manager et de skipper du monocoque 60’ Gitana Eighty, suit avec le plus grand intérêt la tentative de record de Lionel Lemonchois et de ses hommes. Il confie ses sentiments sur le parcours de Gitana 13 : « La tentative de record de Gitana 13 est passionnante à suivre de l’extérieur et l’équipage de Lionel Lemonchois réalise un joli parcours depuis son départ de New York. Le premier quart du record a été exemplaire et je pense que leur performance jusqu’à l’Equateur restera une référence.
La descente le long des côtes brésiliennes et argentines représente tout à fait l’esprit que Lionel donne à ses navigations : safe mais rapide, avec une excellente gestion mécanique. Gitana 13 est un bateau exigeant mais les travaux apportés par les membres du Gitana Team pour en optimiser les performances portent leurs fruits. C’est une réelle satisfaction collective, la réussite d’un travail d’équipe. J’ai trouvé que leur arrêt au stand, avant le Cap Horn, était une jolie histoire ; car si humainement cette situation a pu être très dure, elle nous ramène à l’humilité nécessaire face aux éléments. Car la marine à voile rappelle au genre humain que seuls les éléments décident ! Après cinq jours de patience au « bout du monde » ils sont parvenus à se faufiler dans un trou de souris pour reprendre leur route. Bien que la fin de parcours s’annonce délicate, au près – une allure que n’affectionne pas vraiment Gitana 13 – je suis persuadé qu’ils sauront conclure la première aventure de cette saison 2008 de très belle manière. »

Le carnet de bord de Nicolas Raynaud

Plus vite que les routages

Hier a été notre meilleure journée depuis le passage du Horn, tout simplement. 400 milles de gain vers le but, mais plus de 520 milles effectués sur la grande bleue. Une bonne journée, avec aucun changement de voiles, la seule manœuvre consistant à exécuter des empannages pour rester dans la bonne veine de vent générée par l’anticyclone de Pâques. A l’image du Pacifique, qu’il est grand cet anticyclone, qu’il est long à contourner mais l’important est qu’on « explose » toutes les prédictions de routage. Nous sommes en avance sur eux, ce qui est toujours bon signe puisque ce logiciel passe à la moulinette les champs de vent des jours à venir avec les performances (les polaires de vitesse) de Gitana 13. Ce savant calcul informatique délivre alors la meilleure route à suivre pour exploiter au mieux les conditions de vent que nous sommes censés rencontrer.

Du coup, Nuage Mort vient de gagner le droit de s’appeler Grand Nuage Mort. Il faut dire que ce surnom va comme un gant à notre navigateur Dominic Vittet. Il fait partie de ces personnages qui aiment parler avec leurs mains. Dans l’espace, il ne cesse de positionner d’une main un centre d’anticyclone, de l’autre une courbe isobarique qui se transforme en direction de vent, les mains se mouvant alors en un étrange ballet représentant tour à tour des dorsales, des fronts et autres champs de vent. Ce langage des signes, un sourd et muet n’y comprendrait rien et nous non plus parfois. Mais comme Grand Nuage Mort est également un grand bavard, on acquiesce tous en cœur sinon cela n’en finirait pas.

Comme cela, les journées passent, avec du gris ou du bleu dans le ciel, des levers et couchers de soleil plus ou moins brillants mais qui sont à chaque fois un spectacle à part entière. Mais hier le fait du jour a été incontestablement le passage sous le vent de deux « cailloux » perdus au milieu de tout ce vide car situés à 500 milles de la côte chilienne. Nous sommes passés tout prêt des îles San Ambrosio et San Felix. Cette dernière, la plus grande avec ses deux milles de longueur, était bardée d’antennes, de petites cases et d’une piste d’atterrissage. Certainement une base militaire doublée sans doute d’une station météo. Ce bout de terre sans arbre ni végétation apparente ne donnait nulle envie de s’arrêter, ce qui ma foi tombait fort bien.