500 milles de plus après onze jours de mer : c’est le bilan de cette grande descente de l’Atlantique entre la trajectoire de Groupama 3 et le parcours d’Orange 2 en 2005. 10% de route en plus pour arriver à la même distance au but jeudi à 14h TU. Soit 5 473 milles à 20,7 noeuds de moyenne pour Bruno Peyron et son équipage contre 5 957 milles à 22,5 noeuds pour Franck Cammas et ses hommes. Or à ce moment-là, le trimaran géant et le maxi-catamaran étaient aussi proches (ou loin) de Ouessant ! Il faut donc bien en déduire que pour arriver à un même point en mer, Eole invente bien des chemins.
Quarantièmes somnolents
Mais ce passage délicat que Groupama 3 a subi ces dernières 36 heures est en voie de transformation : sur les Quarantièmes, le vent semble enfin s’extraire de son sommeil. Sortie de l’anticyclone de Sainte-Hélène, la torpeur estivale propose enfin un scénario digne de sa légende : du vent, soutenu, puissant, occidental, durable et régulier. Le réveil ne sera heureusement pas trop brutal, mais plutôt progressif et… propulsif. C’est donc en ces prémices de week-end que le rythme va prendre sa mesure : Franck Cammas et ses neuf équipiers rentrent en effet dans le monde des tourmentes, dans le Grand Sud qui ne cessera que dans une quinzaine de jours, quand le cap Dur, le cap le plus Sud des continents habités, le cap qui fait frémir tous les marins depuis près d’un demi siècle, le cap Hoorn en hommage à la cité batave des découvreurs de ce passage, sera enfin dans le tableau arrière du trimaran géant…
En attendant, c’est par une nuit câline et d’un noir de Chine que Franck Cammas et ses hommes ont entrevu la sortie de ce tunnel anticyclonique : après une vitesse qui jouait au yo-yo, entre 7 et 18 noeuds, au gré des humeurs asthmatiques d’un Dieu des vents en convalescence, Groupama 3 retrouve ses ailes d’albatros. Les dernières heures de la nuit ont été particulièrement éprouvantes nerveusement dans cette succession d’accélération et de ralentissement, avec à la clé quelques empannages. Mais les plus de 300 milles de retard sur le temps de référence, accumulés en seize heures, devraient être en grande partie comblés avant d’approcher l’Afrique du Sud. Orange 2 avait mis 14j 08h 19′ pour atteindre le premier cap du Trophée Jules Verne, Groupama 3 devrait y arriver en moins de quinze jours.
« La dernière molle vient de passer devant leurs étraves. Le contournement de l’anticyclone par l’Ouest en cours : la sortie de ce magma barométrique en bâbord amure est prévue vers 7h heure française avec un empannage un peu avant. Ensuite, route vers l’Est avec le front qui arrive par l’Ouest vers midi. Le franchissement du cap de Bonne-Espérance est prévu pour la nuit de dimanche à lundi et l’entrée dans l’océan Indien, lundi 15 au matin… » annonce Sylvain Mondon, de Météo France.