Et maintenant montons au front

Solitaire du Figaro - Benac sur Bostik
DR

En l’espace de quelques heures, la mer s’est bien agitée dans le golfe de Gascogne, poussée par un vent de sud-est qui frise désormais les 19 à 20 nœuds. C’est clair : on va vers le front pour un deuxième moment à haute teneur stratégique, après celui de la nuit passée. Selon les dernières prévisions météo ce front devrait générer dans la nuit des vents de sud-ouest de 20 à 25 nœuds moyen, avec rafales à 25, notamment sous des grains orageux. Derrière ce front, le vent s’orientera à l’ouest pour 15 à 20 nœuds moyens avec rafales à 20,25 nœuds sur une mer forcément agitée. « Ce n’est pas la guerre non plus, on a connu pire » a-t-on entendu en substance à la vacation du jour. « Ce ne sera pas une grosse tempête, mais il faudra être près tout de même » a ainsi confirmé le tenant du titre, Nicolas Troussel (Crédit Mutuel de Bretagne). Après la dorsale, le front donc… Et dans une situation sportive relativement rare sur La Solitaire, à tout le moins très intéressante : beaucoup d’écart latéral, « sans qu’on soit réellement capable à l’heure actuelle de dire qui a tort et qui a raison », précise Jacques Caraës, le directeur de course.

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Favoris à tous les étages

La situation ? Au pointage calculé en terme de distance au but, le leader du jour s’appelle Charles Caudrelier Benac (Bostik). Un des six ex-vainqueurs de l’épreuve (en 2004) mène donc la danse devant Ronan Treussart (Black Hawk) et Gildas Mahé (Banque Populaire). Ces trois-là sont les tenants d’une option médiane, mais il y a 18 milles d’écart latéral entre le bateau le plus sud et le bateau le plus nord… et des favoris à tous les étages ! A bord du bateau Direction de Course, on s’en amuse. « Tiens, on a fait une nouvelle ligne de départ, un peu longue, dans le golfe de Gascogne et il y a du monde partout : à la bouée, au bateau comité, au centre… » plaisante à peine Jacques Caraës, pas mécontent du suspense ainsi ménagé et de la variété des conditions rencontrées par les 52 engagés.

L’empannage de la nuit dernière dans la molle a distribué de nombreuses cartes, selon le moment où il a été déclenché. Et si les leaders du pointage du jour se trouvent au centre de cette ligne virtuelle axée nord-ouest/sud-est, rien ne dit qu’il en sera de même demain, après la douzaine d’heures de vent soutenu qui attend les concurrents et la bascule au vent portant. Pour résumer, dans le sud-est on trouve Yann Eliès (Generali, 4e) en meneur devant deux poignées de bateaux, l’une étant constituée d’Eric Drouglazet (Luisina), Michel Desjoyeaux (Foncia), Nicolas Bérenger (Koné Elevators) et Armel Tripon (Gedimat), l’autre de Nicolas Lunven (CGPI), Erwan Tabarly (Athema), Laurent Pellecuer (Arnolfini.fr) et Paul Meilhat (Domino’s Pizza). Un peu à l’ouest des leaders du centre, du beau monde aussi : Armel Le Cléac’h (Brit Air) et Jérémie Beyou (Bernard Paoli) – encore deux ex lauréats de La Solitaire – doivent surveiller non seulement tous les précités mais aussi les bateaux encore davantage au nord-ouest qu’eux, parmi lesquels Nicolas Troussel, Gérald Veniard (Macif), Gildas Morvan (Cercle Vert), Corentin Douguet (E.Leclerc Mobile) ou encore Frédéric Duthil (Bbox Bouygues Telecom) et autres François Gabart (Espoir Région Bretagne), pour ne citer qu’eux. Bref « il y en a partout ! » comme dit Jacques Caraës et chacun sait que cette deuxième nuit sera au moins aussi importante que la première. Changements de voiles, manœuvres dans de la mer formée et du vent soutenu, éventuellement grains orageux et choix stratégiques d’importance sont au menu pour s’attaquer aux 200 milles qu’il reste à couvrir avant La Corogne et le réconfort des tapas espagnoles. « Il va encore se passer beaucoup de choses, il y a des choix compliqués à faire» a ainsi prévenu Charles Caudrelier Benac à la vacation du jour, où tous s’accordaient pour dire l’importance de bien récupérer avant de s’attaquer à cette nuit annoncée plutôt engagée et sportive. A travers le hublot de notre bateau suiveur, la mer s’agite progressivement. C’est le golfe de Gascogne qui prévient son monde : « les enfants, cette nuit je vais me fâcher gentiment. Soyez prêts… »

BM, à bord de DC Mer

Les échos du large

Charles Caudrelier Benac (Bostik) à la vacation de 14h00 : "J’étais en train de rêver"

« J’étais en train de rêver ! J’essayais de dormir un peu en profitant du vent plus stable. Je crois que je n’ai pas trop mal tiré mon épingle du jeu cette nuit. Je ne regarde pas trop où sont les autres autour de moi, mais je pense que je suis devant. Globalement, je suis là où je voulais être. Le passage de la bulle était assez aléatoire, j’ai empanné au bon moment, j’ai eu un peu de réussite et ça m’a aidé. C’est une bonne manière d’entamer cette étape mais il y a encore des choix compliqués à faire. C’est motivant d’être devant mais il faut réussir à se reposer un peu car la fin de parcours va être animée. J’espère qu’on pourra arriver avant la pétole à La Corogne. »

Gildas Morvan (Cercle Vert) qui fête son 41e anniversaire aujourd’hui…

« J’y ai pensé ce matin que c’était mon annif. En plus à bord, mon assistant m’a mis une petite bougie musicale (il fait écouter la mélodie d’Happy Birthday to You). La bougie est accrochée à ma table à carte et maintenant, je cherche le gâteau. Tous les ans, c’est la même chose, je fête mon anniversaire tout seul en mer… c’est comme ça, j’en ai pris l’habitude. Sinon, ça va pas mal, il y a des bateaux un peu partout à gauche et à droite… la route est encore longue et il va encore se passer pas mal de choses. J’ai essayé d’aller chercher la pression dans l’Est… mais dans l’ouest, ils ont réussi quand même à bien avancer cette nuit. On verra si on touche plus de pression qu’eux. »

Laurent Gouezigoux (Trier c’est préserver) à la vacation de la mi-journée : « j’ai entre 15 et 16 nœuds de vent »

« J’essaie de récupérer des mètres perdus dans cette fameuse bulle anticyclonique. J’ai été un peu trop offensif cette nuit mais pas du bon côté ! Alors je m’en mords les doigts. Je n’ai pas été assez conservateur et du coup, y’a du boulot pour revenir. Dommage car je pense qu’une grosse partie de l’étape s’est jouée là-dessus. Là, le paquet de devant s’est bien détaché et ça va être dur de revenir. Ce matin, j’avais déjà 6 milles dans le nez, là, il ya des chances que ce se soit accru un peu…Sinon, il y a un peu de monde autour de moi, Côtes d’Armor pas loin de moi, Agir Recouvrement, Alexis Loison, j’avais François Gabart cette nuit mais il a réussi à décrocher plus vite que moi. En ce moment, j’ai entre 15 et 16 nœuds de vent, je vais à 7,3 noeuds, je suis au près-vitesse histoire d’aller chercher la droite qui va rentrer avec le front… »

Antoine Koch (Sopra Group) à la vacation de 14h00 : « Je vais jouer à fond mes atouts »

« Cette nuit, on a eu du petit temps et là c’est monté doucement, dans la matinée : 15 nœuds de secteur sud et on progresse bâbord amures. Dans la nuit, le vent va refuser et monter. Il va y avoir pas mal d’air et des manœuvres à faire, des changements de voiles dans une mer assez formée… donc c’est le moment où jamais de se reposer cet après-midi car la nuit prochaine va être décisive. Pour l’instant, c’est trop tôt pour dire si on est bien ou mal placé. Le but c’est d’une part de gagner, d’autre part de se donner à fond pour être content de ce qu’on a fait. Je vais jouer à fond mes atouts et on va bien voir ce que ça va donner. »

Jean Pierre Nicol (Gavottes), à la vacation de la mi-journée : « J’ai un peu plus dormi que prévu cette nuit »

« J’ai un peu plus dormi que prévu cette nuit car j’étais un peu fatigué de ma journée. C’était dur de se débattre dans les virements sous Groix, puis les empannages… Là, on a un long bord bâbord pour se reposer. J’en profite pour me faire une petite bouffe, un petit café en terrasse au soleil. Ca tape bien, on se fait cuire la peau… je vais me faire engueuler par ma petite copine si je ne me protège pas ! Sinon, je suis égal à moi-même. Je m’étais dis que j’allais rester avec des bons pour assurer la première étape. J’étais avec un petit groupe avec Erwan, Mich etc.. et puis ben finalement, j’ai fait mon option, je suis allé rejoindre le groupe de droite…Pour l’instant, je suis plutôt content d’être là où je suis… »