
L’année dernière, ils étaient deux bateaux à tenter de battre le record du Trophée Jules Verne détenu par Loïck Peyron et à échouer. Idec skippé par Francis Joyon est le seul à repartir mais accompagnés de Thomas Coville sur Sodebo et des Imoca du Vendée Globe. Il y aura du monde au cap Horn. Rencontre avec Francis Joyon actuellement en standby à Brest pour un départ possible dans les jours qui viennent.
Qu’est-ce qui te pousse à y retourner ?
C’est une bonne question : si on avait battu le record, on n’y retournerait pas. On ne l’a pas battu donc on y retourne. Il y a une logique. En dehors de ça, c’est une belle navigation. Une des plus belles du monde. On a un travail à finir.
Qu’est-ce qui va changer sur ce défi par rapport au précédent ?
Sur le bateau, on a fait mille petites choses mais rien de fondamental. On a mis des protections pour que le barreur et les wincheurs soient mieux protégés des paquets de mer. C’est un bateau qui n’était pas du tout protégé à ce niveau-là. Cela va permettre d’économiser un peu les forces de l’équipage. On a une grande voile et un gennaker tout neufs. On a fait plein de petits trucs pour gagner du poids, comme changer les diamètres de certains bouts. On repart avec la même équipe, le même équipage et le même routeur, Marcel Van Triest.
Le fait qu’il n’y ait pas Spindrift, et cette fois-ci Thomas qui sera là, cela change quelque chose pour toi ?
Oui, on a suivi tout cela. Je ne sais pas comment ils l’ont vécu à bord de Spindrift l’année dernière. Nous, à la fois, cela nous donnait des marques, parce qu’on découvrait un peu le bateau qu’on ne connaissait pas si bien que cela. Dans un sens, le fait qu’il y ait eu Spindrift, cela nous a aidés. Mais en même temps, cela pousse à prendre un peu plus de risques, comme lorsqu’on a été bord à bord. Il y avait du bon et du mauvais. Thomas n’est pas un concurrent pour nous. Il se bat contre mon record en solitaire.
On se souvient que vous avez été un peu limite en réserve de gasoil. Vous allez en emmener plus ?
Non, on part avec les mêmes bases, et peut-être même un peu moins de gasoil, mais simplement on part avec plus de panneaux solaires. L’année dernière, on n’avait qu’une seule éolienne. Là, on part avec deux, que l’on peut mettre en parallèle si nécessaire, si on manque d’énergie. Cette énergie servira essentiellement pour l’alimentation électrique des appareils, centrale de navigation, GPS, radar. Le radar est un gros consommateur. On l’a changé pour un radar 4G qui permet de voir mieux les icebergs.
Tu auras un budget plus important pour les images satellites dans la zone des glaces ?
On n’a pas vraiment manqué de cela la dernière fois. On n’a pas utilisé tout notre budget parce qu’on s’est aperçus que cela ne servait pas à grand-chose. On ne peut voir que les icebergs supérieurs à 150 m. En plus, si on veut commander une photo et que ce jour-là il y a une mauvaise visibilité avec une couverture nuageuse, cela ne sert à rien. Je dirais qu’au contraire, on va plutôt diminuer ce budget pour le consacrer à d’autres fonctions, comme le radar. On en a un maintenant qui marche, alors que le précédent était d’époque ! On n’a jamais vraiment été très convaincus qu’il fonctionnait correctement. C’est important d’en avoir un dans ces zones.
Par rapport à ton tracé de l’année dernière, tu vas descendre plus bas ?
La météo en décidera. A priori on a gagné beaucoup quand on a plongé dans le sud de l’océan Indien. On ne pensait pas gagner autant dans le sud du Pacifique, donc on n’était pas descendus très bas. Si on peut gagner du temps en allant en bas, on le fera. On a déjà fait ce type de choix alors que les conditions étaient plutôt défavorables.
Que faut-il pour gagner ?
Il faut avoir une certaine réussite tout le temps. On est face à un record qui est très pointu, et cela ne tolère aucun océan contrariant. Il faut qu’ils soient à peu près tolérants et qu’on puisse naviguer normalement. Si on bute contre un Atlantique Nord vent debout tout le temps, comme l’année dernière, le record ne peut pas être vaincu.
Que vas-tu chercher personnellement dans cette aventure ?
J’ai découvert l’année dernière la navigation en équipage. On est forcément moins contemplatif de la nature. On est plus dans un fonctionnement qui est propre à l’humanité, avec les quarts, et un peu moins en phase avec la nature. Mais j’ai bien aimé ce tour du monde en équipage. Cela m’a apporté beaucoup de choses. J’ai appris à naviguer dans ce système de quart que je ne connaissais pas beaucoup. Avec les autres, on a partagé beaucoup de connaissances. Je pense qu’on s’est transmis dans toutes les directions, des vieux vers les jeunes mais aussi l’inverse. Un partage dans toutes les directions, tous azimuts. Comme Gwénolé qui a des connaissances très pointues dans des domaines comme l’informatique, qu’il connaît parfaitement, et qu’il a partagées avec moi. La transmission de connaissance était réelle entre tout le monde, et c’est cela qui est sympa. On avait plaisir à le faire, comme à recevoir aussi.
Tu les as un peu freinés lors de la première tentative pour éviter qu’ils y aillent à fond ?
Je pense qu’ils ont une certaine prudence naturelle. Ils ont de l’expérience, ils ont beaucoup navigué avant. Ils savent que la mer peut être méchante et qu’il faut savoir la respecter. Je ne les ai pas vraiment freinés pendant ce Tour du monde, sauf peut-être Bernard, mais à peine.
Vous vous êtes entraînés, depuis ?
On a fait un aller-retour en Méditerranée tous ensemble pour notre partenaire IDEC. Cela nous a permis de réviser un peu le bateau.
Vous êtes à Brest, après un code orange vous êtes repassés aujourd’hui samedi en Code Rouge…
Les conditions en Atlantique Nord sont quasi idéales, mais nos routages nous voient arriver à Bonne Espérance avec un jour et demi, voire deux jours de retard sur le record. Je suis un peu déçu de ne pas saisir l’établissement entre Ouessant et l’Equateur de ce vent forcissant de Nord, puis Nord-Ouest, propice à nous propulser en 5 jours jusqu’au parallèle Zero. L’anticyclone de Sainte Hélène est actuellement positionné très bas, ce qui nous obligerait à plonger très sud pour bénéficier de vents portants. Une stratégie coûteuse en distance parcourue, et surtout très risquée compte tenu de la présence importante de glaces en ces latitudes.























