Récupérer, dormir, se nourrir à nouveau correctement, et pour certains, évacuer la déception de la 3e étape pour repartir du bon pied, tels étaient les mots d’ordre de cette pause galicienne. Les Figaro Bénéteau 2 ont aussi été l’objet de toutes les attentions. Sur les pontons du Real Club Nautico de La Coruña, la fourmilière des préparateurs s’est mise en branle pour remettre en état de marche les petits monotypes. Après trois journées et demi sur le plancher des vaches, les marins vont retrouver dimanche l’élément liquide et les affres de la compétition. Le départ sera donné à 15h00 dans la ria de La Corogne pour un parcours banane de 5 milles (la porte sous le vent faisant office de bouée Radio France), entre les pointes Herminio et Seixo Blanco. Au terme d’un premier louvoyage tactique pour s’extirper des côtes espagnoles, les fauves seront lâchés. Leur voyage retour dans le golfe de Gascogne, décidemment peu prompt à se mettre à l’heure estivale, n’aura toujours rien d’une croisière au mois d’août. Les coureurs seront certes épargnés la première nuit ( flux de nord-ouest de 10 à 15 nœuds) avant de subir le passage d’un front dont les prémices seront sensibles dès lundi matin. Le vent s’orientera d’abord à l’ouest en fraîchissant 20-30 nœuds puis basculera au nord en prenant encore du coffre en fin de journée : 30 à 35 nœuds, rafales à 40, mer agitée à forte.
« Que le veilleur gagne »
Les voici donc repartis pour une petite session de brise, mais à une allure bien plus rapide et accessoirement plus plaisante. La grande majorité de ces 355 milles de course va se dérouler sur un seul bord bâbord, avec de longues heures au reaching (vent de travers) et des passages sous spi, en direction de la bouée de Bourgenay. « Ca va aller vite pour tout le monde » commente le Directeur de Course Jacques Caraës. A ces allures bâtardes, difficile toutefois de ‘lâcher le manche’ et de laisser les commandes au pilote automatique, sous peine de perdre de précieuses longueurs sur ses adversaires. Il y aura du travail à la barre, mais aussi sur la plage avant où génois, spi et solent risquent d’alterner. Le tempo sera rapide donc, mais intense. Les routages actuels entrevoient en effet une arrivée des premiers mardi matin aux Sables d’Olonne, après 36 heures de course seulement. A ce rythme là, aucun des marins ne va se ménager. On l’a vu lors de la deuxième étape entre Crosshaven et Brest où les leaders étaient arrivés exténués après deux jours de mer sans dormir. « Que le veilleur gagne », le vieil adage de La Solitaire prendra tout son sens dans cette étape finale qui n’est d’ailleurs pas aussi simple qu’il y paraît. Ce déroulé très limpide au premier coup d’œil ne s’apparentera pas à une seule course de vitesse. Il y aura du jeu dans le golfe de Gascogne pour aller chercher une bascule de vent au nord, et il y aura du jeu dans les cinq derniers milles de louvoyage entre la bouée de Bourgenay (à laisser à bâbord) et l’arrivée dans le port de Vendée… « Comme d’habitude, ça va se jouer la dernière nuit » poursuit Jacques Caraës. L’état de fraîcheur pour attaquer la tête claire ce dernier tronçon tactique sera déterminant.
Belle bagarre pour mettre de l’ordre dans le podium
Toutefois, les écarts creusés à La Corogne par le trio de tête (Desjoyeaux, Douguet, Troussel) auront certainement du mal à être comblés sur ce tracé. La bagarre entre ces trois concurrents (ils ne se tiennent qu’en 14 minutes) pour mettre un ordre définitif sur le podium du classement général s’annonce passionnante. 30 à 40 minutes derrière, leurs plus proches poursuivants, Gildas Mahé (Le Comptoir Immobilier) et Frédéric Duthil (Distinxion) n’ont pas perdu tout espoir. De leur côté, les grands déçus du classement général vont tenter l’impossible. Il ne leur faudra pas seulement être parfait mais aussi compter sur une défaillance d’un des trois solides leaders. Autant dire que depuis l’issue de la troisième étape, leur destin n’est plus tout à fait entre leurs mains.
Les echos des pontons
Corentin Douguet (E.Leclerc-Bouygues Telecom, 2e à 9 minutes et 13 secondes) : « Encore une étape musclée et rapide, avec le solent devant et peut-être même encore des ris dedans ! Du vent soutenu a priori ça me convient bien pour l’instant. Côté objectif, c’est sûr qu’aucun de nous trois sur le podium n’a envie d’en descendre… et qu’on est au moins deux à espérer pouvoir en changer l’ordre. L’étape ne sera pas forcément aussi simple qu’on le dit, mais a priori peu propice à créer de grands écarts. Donc il y a une opportunité de rester sur le podium. J’espère que je ne vais pas la gâcher. Gagner ? Contrairement à Michel Desjoyeaux, je ne n’ai rien à perdre, je suis déjà très au-dessus de mes objectifs initiaux qui étaient une place dans les 10 et un podium d’étape. Donc moi je n’ai rien à perdre, je serais juste un peu déçu si je ne reste pas sur le podium, tandis que Michel ne peut avoir comme objectif que la victoire. S’il y a une opportunité, bien sur que j’essaierai. Mais je pense que Nicolas Troussel aussi ! »
Gildas Mahé (Le Comptoir Immobilier, 4e à 45 minutes) : « C’est encore ventu pour cette dernière étape ! Il va falloir faire attention au matos qui a souffert, je pense notamment aux solents. On les a beaucoup sollicités sur la 3e étape et ceux qui les ont mis vraiment en vrac doivent se faire du souci, car ils vont servir…. A part ça les manches soi disant tout droit, moi je me méfie. Ce n’est jamais écrit à l’avance et jamais aussi compliqué que quand on croit que c’est tout droit. Par exemple, c’est plus difficile d’anticiper les coups et sur une longue distance, un écart minime en degrés de cap fait forcément un gros décalage à l’arrivée. Et puis, s’il faut tirer des bords entre Port Bourgenay et Les Sables, ça peut jouer encore là bas. Je ne vais pas me prendre la tête avec le général, j’ai déjà fait trois belles manches de 6e, 3e et 4e, je vais essayer d’en faire une dernière belle aussi et on verra bien. Je pense que dans les quatre premiers, chacun fera sa route. De toutes façons, Mich’ ne pourra pas marquer trois bateaux en même temps.»
Bertrand de Broc (Les Mousquetaires, 20e à 4h44) : «J’aurais bien aimé une étape en été pour changer ! (rires) Visiblement on est condamné à l’hiver, avec du vent de nord, du vent froid… et encore 30, 35 nœuds. A part ça, ben… faudra encore être devant et pas derrière, c’est marrant, c’est souvent hein ? Je pense qu’on fera d’abord route nord pour se dégager de la côte, mais déjà là il y a danger. Je suis parti et arrivé six fois de La Corogne déjà, et à chaque fois il y a de gros écarts juste dans ce dégagement. Car on a des effets de site, du relief à 700 mètres, des courants et à chaque fois la sortie de baie se solde par des écarts importants. Après, il faudra bien anticiper la bascule, avoir bien anticipé la toile à mettre à ce moment là, être en phase. Je vise une place dans les dix, ce serait bien de finir sur une bonne note. »
Gildas Morvan (Cercle Vert, 9e à 2h28) : « L’étape va être très courte et malheureusement c’est un peu tout droit. Ce sera surtout de la conduite, de la vitesse, des trajectoires à affiner. J’aurais préféré une étape un peu plus longue et compliquée, à mon sens plus propice à refaire des écarts mais bon, c’est comme ça. Comme je ne suis pas très content de mon classement au général, l’objectif est clair : j’aimerais bien une victoire d’étape. »
Thierry Chabagny (Brossard, 13e à 3h07) : « On va sortir le bonnet, les bottes et c’est reparti pour du vent soutenu et probablement sans dormir du tout puisqu’on mettra entre 36 et 48 heures seulement. Il n’y a pas à mon sens de possibilités de refaire le coup extrême de l’an dernier avec Nico, car cette fois le vent semble bien établi sur tout le plan d’eau. Ce sera surtout de la conduite, de la vitesse… mais attention aussi à la toute dernière partie de parcours entre la bouée de Port Bourgenay et Les Sables, où s’il faut tirer des bords, on peut refaire du temps.»