Au près, dans une mer qui se creuse et un vent de sud-ouest de plus de 30 nœuds – jusqu’à 40 dans les rafales – les 44 solitaires encore en course (suite à l’abandon ce matin d’Elodie Riou et Grégory Gendron) en ont fini avec les conditions relativement paisibles des toutes premières heures de course, utilisées d’ailleurs essentiellement pour se positionner. Car désormais, c’est la castagne pour aller chercher cette fameuse bouée au vent Brittany Buoy, à 170 milles au large. Sous solent, plantant des pieux dans une sortie de Manche plus que tonique, les marins progressent difficilement vers la première marque. C’est déjà musclé et ça va forcir encore. « Le vent est rentré régulièrement », témoigne ce samedi après-midi Jacques Caraës, à bord du bateau direction de course, « on a 30 nœuds, c’est humide. Le ciel est chargé et nuageux, la mer est hachée et croisée, courte et désagréable, et ça va encore monter… ». Voilà pour le tableau, tandis que les leaders naviguent au large de l’Aber Wrac’h, en approche de la pointe Bretagne. Et on n’est pas prêt de retrouver des conditions plus tranquilles : « le vent va être orienté au sud-sud-ouest toute la journée, avec 25 à 30 nœuds moyens et des rafales à 40. La bascule à l’ouest-sud-ouest mollissant ne va intervenir que vers 23 heures, et on aura encore tout de même 20 à 25 nœuds avec des rafales à 30/35 » prévient Richard Silvani. Côté état de la mer, ce n’est pas les vacances non plus : « ça va être de pire en pire » estime l’homme de l’art de Météo France, « il pourrait bien y avoir 4 à 5 mètres de creux aux abords de Brittany Buoy. »
Attaque au sud, maillot jaune isolé au nord
Musclée, sportive, engagée, cette ultime étape de La Solitaire tient déjà toutes ses promesses. D’autant que stratégiquement, elle est déjà tout sauf une course de chevaux de bois. Il y a en effet trois idées bien distinctes sur le plan d’eau, des trames radicalement différentes qui se sont dessinées dès le passage à la pointe du Cotentin vendredi soir. Au centre, proche de la route directe, on trouve l’essentiel du peloton où navigue l’actuel leader Eric Drouglazet (Luisina), mais aussi Erwan Tabarly (Athema), Jean-Pierre Nicol (Gavottes), Gildas Mahé (Le Comptoir Immobilier), Laurent Pellecuer (Dr Valnet-Aromathérapie) et plus loin Gildas Morvan (Cercle Vert). A l’extrême sud, un petit groupe emmené par Nicolas Bérenger (Koné Ascenseurs), a choisi d’attaquer à la côte bretonne. On y trouve d’autres prétendants au podium final tels que Frédéric Duthil (Distinxion Automobile), Thierry Chabagny (Suzuki Automobiles), mais aussi Armel Tripon (Gedimat) ou encore Nicolas Lunven (Foncia). Ceux-là tentent « la cuillère » par le sud et menacent directement les meneurs du peloton.
L’autre info du jour est que Nicolas Troussel (Financo) est assez isolé tout au nord, avec un retard d’une dizaine de milles en terme de distance au but. Avec Thomas Rouxel (Défi Mousquetaires), Romain Attanasio (DCNS 62), Gérald Veniard (Macif) et Jean-Paul Mouren (M@rseillentreprises), Troussel est passé au nord d’Aurigny et de Guernesey la nuit dernière.
Qui aura raison, au bout du plantage de pieux, quand on pourra enfin virer Brittany Buoy ? Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il y a du jeu. Stratégiquement, les 18 premiers du classement général qui peuvent encore espérer le podium final à l’Aber Wrac’h s’en donnent à cœur joie. Beaucoup ont réussi à dormir lors de la première nuit de course. Tant mieux pour eux. Car ils risquent fort de passer leur week-end à marcher sur les murs et à tenter de maîtriser au mieux les embardées de leurs Figaro, ballotés par une mer qui se refuse à leurs rêves de vitesse. Il va falloir être costaud, très costaud pour sortir vainqueur de cette castagne finale en Bretagne.
Eric Drouglazet (Luisina), « prêt à aller à la guerre »
« Je suis sous solent, j’ai bien anticipé le truc, le bateau est nickel, il marche bien. J’ai les bosses de ris passées, je suis prêt à aller à la guerre. J’ai 23 à 24 noeuds de vent pour l’instant. La mer est assez courte et c’est un vrai champ de spaghettis avec toutes les algues. Pour l’instant, ça se passe pas mal. Luisina va vite. Tout à l’heure, j’étais à côté d’Erwan (Tabarly) et je l’ai déposé, donc en vitesse, ça va bien. Le vent va monter, mais ce sera fort surtout dans les rafales. On sent que la dépression est quasi stationnaire et on va y rester un moment. Désormais, il y a du vent pour tout le monde, le plus important est d’être bien réglé et de ne pas se prendre de paquet d’algues. Mais cette nuit, on aura passé la pointe Bretagne et il y en aura moins au large. »