Francis Joyon et son équipage n’ont pas eu la même chance qu’Alex Thomson en traversant au milieu de l’archipel du Cap Vert. Pourtant arrivé le matin même à très vive allure pour transpercer les îles via le canal Mindelo-Santa Lucia. Ce sont les dévents de deux petites îles du sud de l’archipel, Fogo et Sao Tiago, qui ont considérablement freiné hier soir Francis Joyon et ses hommes, contraints de multiplier les empannages dans de petits airs pour s’échapper dans un alizé faiblissant. La nuit a ensuite permis au trimaran géant de glisser plein sud vers un nouveau morceau de bravoure, la négociation toujours délicate du pot au noir, et la transition avec les alizés de sud est. C’est ainsi une journée particulièrement névralgique qui s’avance tant la situation météo devant les étraves d’IDEC SPORT est volatile, l’aide des fichiers météos s’avérant souvent nulle dans ces contrées où les masses d’air de l’hémisphère nord entrent en friction avec celles de l’hémisphère sud. La moyenne du bateau a considérablement chuté, et le retard sur le tenant du titre, Banque Populaire V est reparti à la hausse, plus de 170 milles ce matin. A l’entame de son 5ème jour de mer, Joyon et son commando sont encore à 600 milles de l’équateur.
Hier était pourtant un mardi de folie. 2 290 milles parcourus sur le fond, à 26,3 nœuds de moyenne ! Le maxi-trimaran IDEC SPORT tient à la perfection un carnet de route pourtant peu orthodoxe dans sa tentative contre le record du Trophée Jules Verne. La fenêtre météo décidée un peu au dernier moment dimanche soir, est en effet loin d’être idéale, avec ces premières heures chaotiques au cœur d’une dépression, et une connexion vers les alizés de sud-est problématique. Mais Francis Joyon, Clément Surtel, Alex Pella, Bernard Stamm, Gwénolé Gahinet et Boris Herrmann ont foi en leur étoile. Ils tirent le meilleur profit des conditions rencontrées et pouvaient à la mi-journée, constater avec satisfaction d’être revenus à la hauteur de leur concurrent virtuel, qu’ils devançaient d’une cinquantaine de milles. Passées les îles du Cap Vert, le vent, va baisser d’intensité. La course poursuite pourra donc reprendre, avec comme prochain objectif l’Équateur. Avec près de 700 milles avalés en 24 heures, à plus de 29 nœuds de moyenne, le maxi- trimaran IDEC SPORT a montré mardi une partie de son formidable potentiel, dans des conditions pourtant pas totalement favorables à la glisse, ainsi qu’en témoigne Francis : « J’ai barré comme un fou hier, 35 nœuds et plus. Mais on n’a pas encore exploité tout le potentiel du bateau. Le vent était trop irrégulier en force comme en direction. C’était sportif. » Sportif au point de solliciter au maximum la vigilance et la concentration des hommes du bord : « Dans de telles conditions, le bateau exige tant de concentration de la part du barreur qu’au bout de 30 mn, il faut passer la main. Il faut vraiment que les conditions soient faciles pour rester plus d’une demi-heure à la barre. » IDEC SPORT se montre en tous cas à la hauteur des attentes des fines lames du bord, avec son nouveau jeu de voiles particulièrement performant : « Le bateau nous semble plus rapide et toute la journée d’hier, sous Grand Voile haute et gennaker, on était 7 à 8% plus rapide que l’an passé. On a tiré les enseignements de notre tentative passée, et on essaie de faire mieux dans tous les domaines, jusqu’à l’avitaillement. » En avance sur le temps référence à la mi-journée, Francis Joyon et ses hommes s’attendent de nouveau à se retrouver en situation de chasseur. Une position assumée, conforme aux schémas météo du moment. La course contre la montre ne fait que commencer et Francis Joyon se projette déjà en Atlantique sud.