Yann Eliès vainqueur à Porto devant Fred Duthil et Jean-Pierre Nicol

Podium Porto
DR

Sur les 536 milles de cette étape d’ouverture, plus de 500 se sont déroulés au portant, dans des conditions de vent très contrastées : du médium pour la traversée du golfe de Gascogne, puis 8 heures de baston le temps d’enrouler la pointe occidentale de la péninsule ibérique, avant un final de plus de 24 heures dans la pétole (calmes prolongés). Il fallait donc être un marin très complet pour s’imposer dans toutes les gammes du jeu ; faire preuve d’anticipation et d’opportunisme pour réussir à bonifier toutes les transitions météo.

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La nuit très musclée de lundi à mardi a été un des moments forts et une des grandes difficultés de l’étape. Entre deux surfs à plus de 20 nœuds, plusieurs bateaux se sont retrouvés couchés le mât dans l’eau et certains y ont laissé leur grand spi. Or, cette voile de portant était indispensable pour la dernière portion de parcours.

Car tout s’est finalement joué la dernière nuit au large des côtes espagnoles puis portugaises. C’est dans ces cent derniers milles de pétole, en tout cas, que Yann Eliès, dont c’est la 14ème participation, a réussi à creuser un écart irrémédiable avec ses poursuivants pour remporter au Portugal la 8ème étape de sa carrière, se rapprochant ainsi du record de Jean Le Cam (9 étapes). Sa victoire n’a rien d’un hold-up de dernière minute. Un peu en retrait dans les trente premiers milles de louvoyage sur la Gironde, le skipper de Groupe Quéguiner-Leucémie Espoir a ensuite toujours joué aux avant-postes de cette course marquée par de très nombreux changements de leaders.

Jérémie Beyou (Maître CoQ), Paul Meilhat (Skipper Macif 2011), Armel Le Cléac’h (Banque Populaire), Michel Desjoyeaux (TBS), Adrien Hardy (Agir Recouvrement), Alexis Loison (Groupe Fiva) et Jean-Pierre Nicol (Bernard Controls) ont tous excellé à un moment du parcours et se sont relayés aux commandes. Mais Yann Eliès est le seul à avoir été pointé en tête du classement au moins une fois tous les jours. Il a toujours été rapide et très bien placé pour saisir au vol toutes les opportunités stratégiques. Bref, pour dérouler le fil jusqu’à la ligne…

Ils ont dit
Yann Eliès :
”Il a fallu aller la chercher à l’arrachée, comme à chaque fois. Je suis content du résultat final parce que j’ai été quasiment tout le temps aux avants postes, sauf au départ, mais ça devient la coutume ! Avec des coups durs aussi. Au cap Finisterre, je pensais avoir fait le trou. Quand le vent a commencé mollir, je me suis dit, c’est bon, je leur ai pris 10 milles. Et puis le temps de ranger le bateau, j’ai vu trois petits feux passer sous mon vent. Je me suis dis « ben voilà, tout à refaire ». J’ai fait un petit trou sur pas mal de gars, c’est positif. Mais ce n’est que la première étape, il ne faut pas crier victoire tout de suite, il en reste trois. C’est ma 8e, une de plus, je m’approche d’un de mes objectifs qui est d’accrocher le record de Jean Le Cam. J’avais un schéma assez clair dans ma tête, travaillé avec Jean-Yves Bernot et Christian Le Pape. Heureusement car je n’avais pas d’ordi, pas de routage, pas de position des autres concurrents. Mais je savais ce qu’il fallait faire sur chaque tronçon. Ça a marché, sauf au cap Finisterre, j’ai toujours eu un problème pour le passer ce cap.  Ça a peut être été salvateur cette histoire d’ordinateur, parce que tu ne sais pas où sont les autres et du coup, ça permet de faire ses propres trajectoires et d’assumer ses choix. C’est peut-être une bonne chose. C’était un peu une nav’ à l’ancienne, j’ai sorti les cartes papier, la règle cras… Sur cette course, on a eu la chance d’avoir deux grandes plages où on a pu dormir beaucoup. La première nuit et la deuxième journée, je n’ai fait quasiment que ça : dormir. Faire tout au portant, c’est top. Et puis c’est la première fois de l’année où on a des conditions décentes. Je me suis régalé, on a eu deux couchers de soleil magnifiques. Des conditions où tu es content d’être là. Je me suis dit là : ça, ça s’appelle le bonheur !”

Frédéric Duthil (Sepalumic) : « C’était une étape qui est restée incertaine jusqu’à la dernière soirée. Avec Yann (Eliès) on a décidé de prendre la même route tous les deux : j’étais assez convaincu et au petit matin, on savait que nous avions fait une bonne nuit puisque nous avions du vent. Mais on ne savait pas où étaient les autres puisqu’il y avait un gros décalage au point qu’on ne les voyait plus à l’AIS. Le classement de ce matin nous a rassuré ! Le delta avec Yann à l’arrivée s’explique parce qu’il est parti avec un petit souffle d’air en plus alors que nous étions côte à côte, et j’ai vu mes poursuivants revenir très fort. Yann a la vitesse et il arrive toujours à s’extraire d’un paquet de bateaux ; moi, j’ai tiré la bonne option et cela faisait longtemps que ça ne m’était pas arrivé… Je vais vite au portant dans du vent, mais moins vite que Yann dans les petits airs. Le niveau est tellement homogène cette fois que l’issue est incertaine encore : une mauvaise option, et on perd très vite dix ou vingt places et ça peut arriver à tout le monde. »

Jean-Pierre Nicol (Bernard Controls) : « Je reviens du bout du monde ! Je me suis battu parce que j’avais en tête de faire quelque chose sur cette Solitaire. Et donc particulièrement sur cette première étape. Yann nous a mis une belle raclée mais par rapport au reste de la flotte, c’est pas mal. J’ai joué avec mes atouts et parfois cela peut paraître excessif vu de l’extérieur, mais quand il manque une voile (grand spinnaker déchiré), il faut bien se démarquer sur des options. J’en ai chialé quand j’ai vu que je ne pourrais pas le réparer. Heureusement, j’ai travaillé avec un coach cet hiver qui m’a apporté plus de sérénité. Et quand j’ai vu que j’étais encore dans le match au cap Finisterre, ça m’a regonflé à bloc. Je suis allé le chercher au mental ce podium et il faut aussi être un peu joueur ! Je commence à prendre du plaisir, à être patient, ce qui n’était pas le cas avant. Là, Yann (Eliès) a bien creusé l’écart sur nous mais derrière nous, il y a une dizaine de bateaux dont des favoris, ont pris beaucoup de retard. Il y a encore des opportunités… »

Ordre d’arrivée des dix premiers de la première étape (Bordeaux-Porto : 536 milles)
1-Yann Eliès (Groupe Quéguiner-Leucémie espoir) mercredi 5 juin à 16h 03′ 26” en 3j 3h 3′ 26”
2-Frédéric Duthil (Sepalumic) à 16h 47′ 30” à 44′ 04”
3-Jean-Pierre Nicol (Bernard Controls) à 56′ 18”
4-Xavier Macaire (Skipper Hérault) à 1h 05’12”
5-Alexis Loison (Groupe Fiva) à 1h 17’56”
6-Gildas Morvan (Cercle Vert) à 1h 26′ 06”
7-Thierry Chabagny (Gedimat) à 1h 24’20”
8-Sam Goodchild (Shelterbox-Disaster Relief) à 1h 46’03”
9-Paul Meilhat (Skipper Macif 2011) à 1h51’06”
10-Yoann Richomme (DLBC) à1h56’09”