Jérémie Beyou vainqueur à Dingle au bout du suspense

Jérémie Beyou vainqueur à Dingle
DR

En langage Figariste, il y a fort à parier qu’on appellera ça désormais « une Dingle ». A savoir, une redistribution générale des cartes au bout de… 470 milles de course acharnée, entre la Vendée et le charmant port irlandais. Et pour finir, un arc de cercle et un mur de voiles de 35 bateaux à égalité à vue du bateau comité ! Dans la brume d’Erin, au milieu de la nuit, le regroupement final a été absolument incroyable, avec des leaders comme Antoine Koch (Sopra Group) qui s’encalminaient en milieu de baie pendant que d’autres, jusqu’ici attardés, faisaient « le tour de la paroisse » par l’extérieur et recollaient au peloton.

- Publicité -

A 4 milles de l’arrivée, rien n’était fait encore… et à 1 mille non plus ! Et comme en 2003, la baie de Dingle était le cadre d’un nouveau départ pour 35 bateaux. A gauche, à droite, au milieu, le vent jouait tour à tour les abonnés absents… et revenait alors que les bateaux n’étaient plus qu’à quelques encablures de la ligne. Le simple tour de la baie avait déjà permis à des skippers comme Alexandre Toulorge (Audition Santé), Armel Tripon (Gedimat) ou encore François Gabart (Espoir Région Bretagne) de reprendre des milles par poignées aux leaders de l’après-midi et des places à la même vitesse. A 22h30, pas moins de 25 bateaux tenaient en un mille de distance au but ! Et alors qu’on croyait les Desjoyeaux (Foncia), Caudrelier Benac (Bostik) et autres Tabarly (Athema) perdus à la côte… ceux-ci bénéficiaient enfin d’un retour du vent décidément très instable en force et en direction et déboulaient à 7 noeuds alors que les leaders Duthil (Bbox Bouygues Telecom), Toulorge et Tripon n’avançaient plus qu’à deux noeuds !

Jusqu’à la ligne, il était quasiment impossible de désigner le vainqueur du jour. Et puis… émergeant de la brume comme un vaisseau fantôme, sous spi au largue serré, Jérémie Beyou (Bernard Paoli) vint donc finalement coiffer la flotte pour quelques secondes et s’adjuger sa deuxième étape consécutive devant Thierry Chabagny (Suzuki Automobiles), lequel était déjà deuxième à Saint Gilles lors de l’étape précédente. Le podium était complété par Eric Peron (Skipper Macif) et les arrivées s’enchainaient ensuite à un rythme incroyable, avec des écarts limités en secondes, à tel point que les 27 premiers passaient en l’espace de 10 minutes ! Nicolas Lunven (CGPI) leader au classement général, passait la ligne à 0h01’02’’, alors que Yann Elies (Generali) était passé 12 minutes plus tôt et Armel Le Cléac’h (Brit Air) 13 minutes plus tôt.

Alors qu’on croyait encore quelques heures plus tôt à de grands écarts, suite à la première redistribution météo des cartes dans la zone d’incertitude du Fastnet la nuit dernière, on assistait donc à un regroupement général hallucinant. Les conséquences au classement général seront donc très faibles, pour ne pas dire anecdotiques. Et dans cette 40e édition de La Solitaire du Figaro, tout se jouera sur la dernière étape à destination de Dieppe !
BM

Jérémie Beyou (Bernard Paoli), vainqueur de l’étape : « ça se joue à rien»

«Il y a eu comme une nouvelle ligne de départ repositionnée à l’entrée de la baie de Dingle ! Je gagne, je suis content, voilà, même si je préfère évidemment la manière de l’étape précédente gagnée à Saint Gilles Croix de Vie. Je n’ai pas écouté mon fils Achille qui m’avait dit avant de partir : ‘papa faut que tu arrêtes de gagner, il faut en laisser pour les autres’… comme quoi il ne faut pas toujours écouter les enfants ! J’ai bien dormi cet après midi, justement pour être lucide sur la fin, on sait tous qu’ici ça peut terminer comme ça, tous groupés dans la pétole et qu’il faut un peu de réussite… Après… j’en ai perdu tellement des étapes qui finissaient comme ça que je prends cette victoire avec plaisir, c’est pour toutes les fois où je me suis fait avoir (rires)! J’ai fait un joli coup sur la ligne d’arrivée, voilà, c’est tout, je grappille quelques minutes au classement général sur Nicolas Lunven et c’est toujours bon à prendre. Physiquement, elle était dure cette étape, je suis cramé, au bout du bout du bout. Dans le final, entre Suzuki Automobiles et Koné Elevators, c’était à celui qui ne ferait pas claquer son spi, à celui qui déventerait l’autre… le mien n’a pas claqué… ça se joue à rien ! Et en même temps c’est symptomatique de La Solitaire : un marathon qui se termine par un sprint dans la pétole. Vraiment, il pouvait se passer mille choses. Maintenant, le jeu reste grand ouvert au classement général pour la dernière étape. Il va falloir bien se reposer et être d’attaque pour la dernière manche vers Dieppe. »

Thierry Chabagny (Suzuki Automobiles) 2e de l’étape : « la première fois que Dingle me réussit »

« Je viens de passer la ligne d’arrivée, et oui, j’ai le sourire ! Quelques centaines de mètres avant la ligne j’étais placé idéalement, mais il faut bien l’avouer, c’était un peu par hasard ! En même temps, c’est la première fois que la baie de Dingle me réussit, c’est inespéré. Les six dernières heures dans la pétole, c’était un peu la punition quand même ! La baie était complètement plate… à chaque fois qu’on vient ici c’est un peu la kermesse comme on dit, mais cette fois, ça paie pour moi, tant mieux ! Il y a eu un paquet de redistributions des cartes pendant cette étape. Pour Armel Le Cléac’h et Antoine Koch qui ont fait une navigation remarquable, je trouve que c’est dur, car ils méritaient mieux. Heureusement, ils ne perdent pas de temps. De mon côté, peut-être que je grignote un ou deux bateaux au classement général, je n’en sais rien encore car c’est très serré. Mais il est clair que désormais, on remet les compteurs à zéro pour la dernière étape vers Dieppe. »

Eric Péron (Skipper Macif), 3e de l’étape et leader du général : « mon meilleur résultat sur La Solitaire »

« Je suis un peu l’invité surprise de ce podium. C’était un peu le tirage au sort dans la baie, il fallait juste ne rien lâcher, jusqu’au bout. Sur cette arrivée, il fallait aller tout droit, régler les voiles, rester sur la route. Je ne voulais pas aller dans les coins pour faire des options. Je suis content, c’est mon meilleur résultat sur La Solitaire !
La lucidité, oui, j’en avais, je m’étais dit : je ne lâche rien et de toute façon, avec l’adrénaline, quand tout va bien, le mental suit.
Cette étape n’était pas évidente. La nuit dernière, je ne savais pas que ça allait prendre de l’est, j’avais fait de gros efforts pour me décaler dans l’ouest, il a quelque chose que je n’ai pas dû comprendre avec la météo. J’avais pris cher : 7 milles de retard et finalement, ça se goupille, bien, c’est top. Me voilà sur la troisième marche du podium. J’aurais pu gagner, mais c’était chaud. On s’est un peu bagarré avec Thierry (Chabagny) et finalement, c’est Jérémie (Beyou) qui passe. Mais à 1,5 milles de l’arrivée, on ne savait pas encore qui était en tête, il y avait une rangée de 10 bateaux et hop, il y a eu une petite risée et c’est Jérémie qui l’a prise en premier. »