Thomas Coville : “Je pars pour gagner”

7 avril 2016, large Belle-Ile, entrainement en solo de Thomas Coville sur le Maxi Trimaran SODEBO ULTIM'

Dans une semaine, Thomas Coville s’élancera au départ de The Transat Bakerly et ne cache pas qu’il part pour gagner. S’il connaît quelques unes des nombreuses embûches de cette course extrême d’est en ouest à travers l’Atlantique nord, il sait aussi que la concurrence est bien là et qu’elle sera redoutable.

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Le navigateur, aujourd’hui âgé de 47 ans, a parcouru des milles et des milles en solitaire. Il confie son état d’esprit de solitaire à une semaine du départ.

Thomas, peux-tu expliquer l’état d’esprit d’un navigateur en solitaire ?
« Souvent, les gens font la confusion en associant solitaire à solitude. La solitude, c’est quelque chose que tu ne choisis pas alors qu’être solitaire, c’est un choix, cela fait partie du caractère. Vue de l’extérieur, cela paraît très orgueilleux, mais c’est l’état d’esprit de tous les sportifs de haut niveau. On veut être le meilleur. La navigation en solitaire, c’est une jubilation pour moi.»

Comment se passe le processus quand on quitte la terre pour une course en solitaire ?

« Pour me concentrer sur ma course, j’entre progressivement dans une bulle, dans une coquille. Les bulles d’avant course sont toutes différentes car il y a toujours des imprévus de dernière minute et il faut les accepter. Quand j’entre dans cette bulle, j’entre littéralement dans la peau du solitaire. J’essaie de faire de moins en moins attention à toutes les sollicitations, de donner moins de mon temps aux autres avant le départ alors que j’ai un naturel à partager, à échanger. Avec l’équipe technique Sodebo Ultim’, ça passe beaucoup par des regards. On est toute l’année ensemble, alors on se connaît bien.
Toute cette semaine je vais étudier les fichiers météo. Des stratégies de routes se dessinent et je commence à écrire le script de The Transat Bakerly. Quand je regarde les fichiers, je déroule le film de ma course, j’imagine les manœuvres, je vois des ciels, des couleurs … »

Qu’est ce qui a changé dans l’état d’esprit de Thomas Coville depuis 2004 ?
« J’ai beaucoup travaillé sur la théorie des 3P autrement dit la Parade aux Pensées Parasites. C’est une théorie développée par Roger Fédérer pour mieux accepter ses erreurs, pour accepter le « bien-mal jouer » qui correspond à accepter un niveau moyen de jeu qui permet de ne pas tomber dans la déprime. Pour les tennismen, les erreurs sur la première balle ou les doubles fautes au service sont super déstabilisantes. Les 3P , c’est la gestion de la régularité et la parade au « je suis ronchon » pour une raison ou pour une autre, parce que cela ne marche pas comme je le veux. Ces dernières années, j’ai fait un gros travail sur la préparation mentale, sur la gestion des humeurs qui apparaissent avec le manque de sommeil qui s’accumule jour après jour.»

Et quelles sont tes forces et tes faiblesses sur cette prochaine course ?

« C’est vrai que j’ai une grosse expérience de navigation en solitaire sur des trimarans. Je connais mon bateau, on a déjà fait pas mal de milles ensemble et il a été très bien optimisé. Dans ma manière de naviguer, je suis assez méthodique, peut-être un peu trop, mais c’est ma façon pour ne me faire dépasser par le bateau. L’expérience peut te faire entrer dans des routines. J’essaie d’être un peu plus intuitif. Physiquement et mentalement, le solitaire est très engageant et sur cette Transat anglaise, on va se faire mal, c’est sûr. C’est un exercice que j’aime même s’il est engagé et périlleux.»