Yann Eliès. Le Favori de la Solitaire Urgo Le Figaro ?

Depart de la grande course N°2 de la Sardinha Cup 2019 - Saint Gilles Croix de Vie le 11/04/2019

A 48h du départ de la Solitaire Urgo Le Figaro, nous avons rencontré Yann Eliès. Il fait partie sans aucun doute des grands favoris de la course.

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Yann tu fais partie des grands favoris de l’épreuve et tu pourrais être le premier à gagner 4 Solitaires, cela met un peu la pression ?
Oui, on est trois à pouvoir y prétendre mais j’ai quand même l’impression qu’il y a un “mur du son” qui parait difficile à dépasser. Cette 4è victoire sur la Solitaire va être difficile à aller chercher. En avant-saison, c’est vrai que c’est moi qui ai démontré les meilleures dispositions.

Armel Le Cléac’h est bien aussi ?
Oui, il est super bien. Je suis même un peu surpris ! Je n’avais pas l’impression qu’il était à fond en début d’année. Il a démarré tard. Après, ce qu’on a sous-estimé, c’est l’année difficile qu’il a passé l’année dernière. On sent qu’il a faim de victoire. Cela fait 2 ans qu’il ne s’est rien passé depuis son Vendée Globe. Il a accumulé pas mal de déboires. Je pense qu’il a envie de revenir et de montrer qu’il est toujours aussi bon.

Tu fais partie de ceux qui ce sont le plus entraîné…
Oui sans doute. Comme j’ai compris fin janvier que je ne ferais pas le Vendée Globe, je me suis mis à fond sur le Figaro en lançant toutes mes forces dans la bataille. Mon meilleur moyen à moi de trouver des sponsors c’est de montrer à des partenaires que je suis à la hauteur sportivement et de le faire savoir en levant les bras à Dieppe notamment.

As-tu trouvé des trucs en plus que les autres ?
J’ai découvert 2-3 petits trucs mais rien de transcendant. je fonctionne au feeling et quand je trouve quelque chose, j’essaie d’exploiter le filon au mieux. D’autres fonctionnent différemment comme Benjamin Schwartz par exemple. Lui, c’est plus cartésien, plus dans l’analyse. Il a réussi à faire de belles choses. Je pense que ma méthode permet de réagir plus vite et de mieux appréhender les performances du bateau.

Sur les 4 étapes, tu as des étapes que tu sens mieux ?
Je pense que cela va dépendre de la physionomie exacte de la course. Il y a un parcours en 4 étapes qui est prévu. Si on le fait entièrement, rendu à mi-parcours, on aura une bonne idée de ce qui va se passer. Après, la dernière partie est très côtière et piégeuse. Il va falloir bien moyenner. Mais je ne suis pas persuadé qu’on arrive à tout faire. On verra. La Flotte est assez disparate. C’est toujours le même casse-tête pour le directeur de course de chercher à faire un super parcours pour les cadors en prenant en compte les derniers tout en veillant à la sécurité.

Tu as déjà défini une stratégie ?
Je me dit qu’il va falloir essayer de moyenner sans pour autant tomber dans un faux rythme. Il faut essayer de gérer, bien déterminer les moments qui vont être cruciaux, là où il va falloir se battre et se faire mal et après déterminer le moment où il ne se passe pas grand-chose. Ce n’est jamais évident. Il arrive parfois que l’on passe à côté de ces moments-clés.

A quel moment le sais-tu ?
Avant de partir, on a une petite idée. C’est un travail que l’on fait avec les météorologues, les routeurs. On arrive à comprendre un petit peu où cela pourrait se passer. Il y a des grands classiques. Quand on va de l’ouest à l’est, on a toujours tendance à creuser l’écart et puis il peut arriver parfois de se faire surprendre, de ne pas voir le truc arriver. C’est toute la difficulté.

Tu as préparé cela avec le Pôle Finistère de Port-La-Forêt ?
Oui. J’ai un super feeling avec Christian le Pape et Jean-Yves Bernot. Je comprends ce qu’ils me racontent. Mais je m’appuie aussi sur ma propre expérience, 18 participations aident à sentir les coups ! Il y a des coins où je ne suis pas allé cette année, comme l’île de Man qui risque d’être un peu compliqué pour moi. Je pourrai moins m’appuyer sur ce vécu d’expérience. J’ai quand même vécu un paquet de cas de figure où je sais à peu près comment cela va se passer même s’il m’est arrivé aussi de bouffer la poussière à plusieurs reprises !

Le Figaro Bénéteau 3 s’avère très physique. On dit qu’une expérience en Imoca aide beaucoup…
Oui dans la gestion des manœuvres et leur enchaînement. Il faut apprendre à temporiser un peu parce que si on part tout fou à vouloir toujours avoir la bonne toile, on y perd beaucoup d’énergie. C’est comme en Imoca. Quand tu fais une manœuvre, il faut que ce soit pour un moment et que cela soit rentable. Il faut accepter sur un bord de ne pas avoir la bonne voile 10 minutes, une demi-heure au lieu de faire trois manœuvres. Le bateau est physique. Il y a des des angles morts, des changements de voiles qui sont très pénalisants où il faut parfois affaler la voile pour en envoyer une autre et d’autres où tu fais voile dans voile, des enchaînements où c’est physique, technique et où il y a moyen de casser du matériel. Mais si c’est bien exécuté, il n’y a pas beaucoup de perte.

Tu as cette expérience de l’Imoca, c’est un atout…
C’est sûr mais les petits jeunes, physiquement, ils sont en meilleurs forme que nous. Même moi, je ressens la fatigue. C’est plus difficile de récupérer des étapes. Il faut faire attention. Je suis obligé de me mettre un programme de récupération plus adapté.

Tu as pars avec quelles voiles et est-ce que ce sera déterminant pour cette édition ?
Je suis quasiment tout North et j’ai un génois Incidence. J’ai pris un petit risque en prenant un génois sans câble alors que 90% des skippers en ont. On verra. On a pas eu beaucoup de temps pour l‘essayer faire des choix. Si j’étais allé voir toutes les voileries, j’y aurai passé du temps alors qu’il y a plein d’autres sujets à traiter. Tout mon jeu est neuf. Cette année, ce n’est peut-être pas là que tout va se jouer. J’ai rectifié un peu le tir en prenant un génois Incidence parce que la membrane 3di est un peu bloqué. Dans les petits airs, elle a du mal à se déployer, à se mettre en forme au près dans le petit temps. Aujourd’hui, les gros écarts de vitesse se font plus dans la façon d’utiliser le bateau, de régler et de sentir les choses. Je pense que ce sont plus les hommes qui vont faire la différence que les voileries.

Le bon réglage des foils comptera ?
C’est assez étonnant, ce sont un peu des mini-foils d’où mini effet. Il faut éviter d’avoir les foils en travers de la piste. Il y a des petits gains et des grosses pertes. Si tu n’es pas bien réglé, tu perds énormément. On navigue tous les foils sortis mais il reste peut être encore des choses à découvrir.

Tu as un top 10…
Il y a Armel. Jérémie il faut s’en méfier. Morgan aussi qui a montré des choses. Il y a tous ceux que l’on retrouvait ces dernières années en Figaro comme Xavier Macaire, Anthony Marchand, Alexis Loison, Adrien Hardy, Gildas Mahé pour ne citer qu’eux. Parmi les “jeunes”, Achille Nebout, Martin Le Pape ou Benjamin Schwartz ont fait des bons coups. En réalité, il faut voir comment chacun à gérer ses 5 mois depuis le moment où on a reçu le bateau en février et la ligne d’arrivée de cette Solitaire. C’est un tout. A la Solo Maire CoQ, certains sont arrivés avec des voiles neuves et qui allaient bien mais n’ont plus de budget pour la Solitaire. A contrario, nous on a fait la Maitre CoQ avec des voiles déjà entamées avec des petits manques de vitesses mais là on a part avec des voiles neuves. Certains sont frais, d’autres déjà fatigués. Certains ont des préparateurs, d’autres non. Pendant ces 4 semaines de course, il va se passer des histoires, des problèmes techniques. La Solitaire, c’est un tout.

Comment vois-tu l’après Solitaire ?
Je suis dans un moment charnière de ma carrière. J’arrive au bout d’une histoire avec l’écurie de Jean-Pierre Dick, Absolute Dreamer et par ricochet avec ses partenaires notamment Saint-Michel avec qui je serai jusqu’à fin juin. Si je sais ce que je vais faire jusqu’à la fin de l’année, l’année prochaine, j’aimerai bien relancer un projet Figaro puis Vendée Globe pour 2024.

Ou un projet Ocean Race ?
C’est encore autre chose. Pour être équipier pourquoi pas comme en Ultime. Il y a plein de choses à faire mais personnellement j’aimerai bien finir sur un Vendée Globe, trouver un nouveau partenaire en partant sur un cycle de 5 ans avec une belle Solitaire l’année prochaine et un beau Vendée Globe derrière sur des ambitions sportives de haut niveau.

Dans ce qui t’a motivé en avant-saison, il y a eu aussi la place en jeu pour barrer le maxi trimaran de Gitana ?
Oui c’est sûr, cela a joué. Je ne peux que m’incliner devant le choix que l’écurie Gitana a fait. Choisir Franck Cammas et Charles Caudrelier, c’est le choix du roi. Ils ne pouvaient pas mieux choisir. Ils ont pris les meilleurs. Je suis content d’avoir été auditionné et pourquoi pas être avec eux en équipage. Cela me ferait plaisir d’être avec eux. J’ai fait de l’Orma, du Orange, du Banque Populaire avec Pascal Bidégorry, des Jules Verne avec Bruno Peyron en 2002 et 2005. J’en garde de supers souvenirs de faire le tour de la planète en équipage.