Trophée Jules Verne. Départ du Maxi Edmond de Rothschild ce dimanche : “Aller le plus loin possible !”

En stand-by depuis fin décembre, les hommes du Maxi Edmond de Rothschild ont décidé de tenter leur chance même si la fenêtre météo s’avère atypique. Charles Caudrelier, Franck Cammas et leur équipage ont quitté le port de Lorient, ce dimanche 12 février au lever du jour et pris le départ à 14h09 pour une nouvelle tentative.

Le Gitana Team s’apprête à relever un sacré challenge : battre le fameux record établi par IDEC (2017) en 40 jours, 23 heures et 30 minutes. Le passage de ligne, moment toujours exaltant et riche en émotions, est prévu à la mi-journée ce dimanche. L’horaire sera affiné lors du convoyage vers Ouessant en concertation avec Marcel van Triest, le routeur de l’équipe aux cinq flèches.

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C’est le début de la grande aventure, d’une course contre-la-montre qui débute enfin sur l’océan et d’un des défis les plus exaltants de la planète voile. Charles Caudrelier et Franck Cammas, deux des palmarès les plus fournis de la discipline, accompagnés par leurs quatre équipiers, s’apprêtent à tenter de battre le Trophée Jules Verne, le record absolu à la voile autour du monde sans escale et sans assistance.

Charles Caudrelier : « C’est une fenêtre un peu atypique mais on arrive en fin de stand-by, on a envie de tenter notre chance, d’autant que les fichiers donnaient des bons temps de passage hier soir. Si on a une idée très précise de ce qui peut se passer dans l’Atlantique Nord, c’est moins le cas dans l’Atlantique Sud. Il y a une dépression au sud du Brésil qui est un peu incertaine en fonction des modèles. Mais nous avons décidé que ça valait le coup d’essayer, même si on doit faire demi-tour si ce n’est pas le cas. L’objectif, c’est d’aller le plus loin possible. Une des zones où on peut gagner le plus de temps par rapport au précédent record, c’est dans l’Atlantique. On se doit d’avoir au moins 24 heures d’avance sur le passage au cap de Bonne Espérance de Francis Joyon (12 jours, 19 heures). Il avait mis la barre très haut et on sait que son record sera difficile à aller chercher. Le plus dur dans ce record, c’est d’arriver à terminer avec un bateau à 100 %. Mais on pense que le Maxi Edmond de Rothschild est arrivé à maturité ! »

Franck Cammas : « C’est la première fois que nous franchissons la ligne de départ cette année. Nous savons que pour réussir ce record, il est important d’avoir un peu de chance sur les enchaînements météos. Les journées qu’on perdra lors de la première phase pourraient être rédhibitoires pour le record. C’est pour ça qu’on a mis du temps à partir. On ne peut pas perdre de temps, d’autant que le record de Francis (Joyon / IDEC – ndlr) est très bon dans l’hémisphère sud ! Les records, pour les battre, il faut les tenter avant tout. »

Morgan Lagravière : « Je n’avais pas vraiment d’inquiétude sur le fait qu’on parte. Quand on voit la dynamique dans laquelle sont toujours Charles et Franck, on savait qu’on allait y aller. C’est un moment fort, un moment aussi d’éloignement de la famille, donc il y a pas mal d’émotions et de sentiments qui se partagent dans la tête. Mais c’est globalement très positif. Après, on garde la tête froide car on sait qu’il y a pas mal d’incertitudes dans cette fenêtre-là. On a vraiment envie d’aller dans les mers australes. C’est une case que je n’ai pas encore cochée dans ma carrière. Le bateau est exceptionnel, l’équipage est top : ce sont de très bonnes conditions pour prendre du plaisir et vivre cette expérience unique. On va croire en notre bonne étoile pour avoir les planètes qui s’alignent aussi au niveau de la météo. »

David Boileau : « Bien sûr, on est dans un état d’esprit conquérant ! Ça fait un mois et demi qu’on attend et on est forcément très contents de partir. Pour nous tous, c’est une forme de libération. Nous savons que la fenêtre n’est pas formidable mais on va y aller, on va tenter notre chance. Si la météo s’avère moins bonne, on fera demi-tour et on attendra pour la suivante. Mais ça bouge, ça donne envie de se faire plaisir et de tout donner ! »

Erwan Israël : « Ce n’est que la deuxième fois que je me change dans le bateau depuis le début du stand-by (rires) ! Finalement, on n’avait jamais vraiment envisagé un départ. Cette fois, c’est la bonne ! Forcément, on en a tous un peu marre de cette période de stand-by, de regarder la météo… Là, on est ravi, on a tous le sourire et on y croit. Même s’il y a des incertitudes, l’Atlantique Nord est plutôt bon, la fenêtre météo est intéressante, on va faire du près et chercher un front demain donc ça rend le challenge encore plus sympa ! »

Une fenêtre singulière aux allures de coup de poker
Avant, il a fallu faire preuve de patience, étudier avec soin l’évolution des conditions, déterminer l’enchaînement météorologique favorable entre l’Atlantique Nord et l’Atlantique Sud. Le stand-by avait débuté le 22 décembre dernier, quelques semaines à peine après la victoire de Charles Caudrelier lors de la Route du Rhum – Destination Guadeloupe. Depuis vendredi, les réunions ont été plus nombreuses entre les hommes du Gitana Team et leur routeur, Marcel van Triest. Une fenêtre s’est, en effet, dessinée pour s’élancer depuis la pointe bretonne. Sauf que cela ne relève pas de l’évidence. Après avoir longtemps tergiversé – le scénario s’est avéré moins pertinent samedi matin – la situation s’est retournée ces dernières heures, conduisant au départ du Maxi Edmond de Rothschild ce dimanche matin de son port d’attache lorientais.

Certes, l’équipe tente un véritable coup de poker, d’autant que la fenêtre est atypique. « Il est de toute façon quasiment impossible d’avoir un scénario idéal », répétait ces dernières semaines Charles Caudrelier. Si l’Atlantique Nord parait très favorable, la porte ouverte dans le Sud est moins évidente. Tous savent qu’il faudra aussi, en plus d’une abnégation à toutes épreuves, ce zeste de chance et de réussite pour faciliter leur progression au large.

Un record se construit ainsi et tout l’équipage en a bien conscience en quittant les pontons de Lorient ce dimanche matin. Les pulsations se sont accélérées, les visages sont devenus un peu plus tendus et l’excitation s’est mêlée à une concentration accrue. Il y a peut-être, au bout de cette aventure à se donner sans compter, l’occasion d’écrire l’histoire. Tous ont en tête la marque du précédent record, établi en 2017 par Francis Joyon et ses hommes suite à un enchainement de conditions exceptionnelles : 40 jours, 23 heures et 30 minutes en 2017.

L’équipage en détails
Charles Caudrelier
Rôle : skipper
3 tours du monde, dont 2 Volvo Ocean Race gagnantes (2012 et 2018)

Franck Cammas
Rôle : co-skipper
2 tours du Monde, dont 1 Volvo Ocean Race gagnante et 1 Trophée Jules Verne (48 jours en 2010)

Erwan Israël
Rôle : barreur régleur
2 tours du monde, dont 1 Volvo Ocean Race gagnante(2012) et 1 tentative de Trophée Jules Verne (47 jours en 2016)

Morgan Lagravière
Rôle : barreur régleur
Deux tentatives de Trophée Jules Verne ( 2020 et 2021), 1 participation au Vendée Globe 2016

David Boileau
Rôle : régleur, N°1
Deux tentatives de Trophée Jules Verne ( 2020 et 2021), 1 passage de Bonne Espérance et du Cap Horn à l’envers (record Route du Thé et Route de l’Or sur Gitana 13 en 2008)

Yann Riou
Rôle : régleur équipier média
3 tours du monde, dont 1 Volvo Ocean Race gagnante(2012) et 1 tentative de Trophée Jules Verne (47 jours en 2016)

Marcel van Triest
Rôle : routeur météo, le « 7e homme »
7 tentatives sur le Trophée Jules, dont 2 récompensées par un record (2012 et 2017)