Spindrift 2, le Cap Leeuwin pour demain

Trophée Jules Verne, 2015 © Yann Riou | Spindrift racing

Cette troisième semaine de mer a été marquée par le contournement par le Nord de l’archipel des Kerguelen, au cœur de l’océan Indien, en grande partie en raison des glaces dérivantes qui se concentraient sous les îles australes. Mais si Spindrift 2 a perdu des milles ces derniers jours, cela est essentiellement lié au déplacement d’une zone de vents faibles juste devant ses étraves, se déplaçant à plus de vingt nœuds…

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Le cap Leeuwin, c’est pour demain jeudi soir ! Le deuxième cap mythique d’un tour du monde à la voile sera bien loin dans le Nord puisqu’il marque la pointe Sud-Ouest de l’Australie, à environ 800 milles de la trajectoire du grand trimaran noir et or. Mais c’est plus un symbole qu’un passage névralgique puisque l’océan Pacifique ne commence réellement qu’au Sud de la Tasmanie, deux jours plus tard… Et l’écart de 200 milles environ face au détenteur du Trophée Jules Verne ne devrait pas sensiblement varier ces prochains jours en raison d’un système météorologique qui limite les choix de route.

En effet, Dona Bertarelli, Yann Guichard et leurs douze équipiers n’ont pas eu d’autre possibilité que de rester dans un couloir de vent de secteur Ouest entre le 49°Sud et le 52°Sud depuis leur passage au Nord de l’archipel des Kerguelen. Devant Spindrift 2 se déplace une zone de faible gradient de pression qui progresse quasiment à la même vitesse : l’équipage bute donc dans ce système météo et ne peut espérer une accélération franche que lorsqu’une dépression venue de Madagascar va balayer le Sud de l’Australie dès jeudi soir. Ainsi après l’empannage de la nuit dernière, le grand trimaran devrait de nouveau changer de cap cet après-midi pour suivre une trajectoire parallèle à son prédécesseur virtuel : une remontée progressive vers le 45°Sud afin de bénéficier de ces nouveaux vents de secteur Nord-Ouest puissants en avant de cette perturbation tropicale.

Entre glaçons et hauts fonds
L’accélération sera alors franche et durable ! Dans le schéma météorologique actuel, Spindrift 2 devrait rattraper une grande partie de son retard sur Banque Populaire V avant d’entrer dans l’océan Pacifique et même continuer à profiter de ce flux puissant de Nord-Ouest sous la Nouvelle-Zélande, voir bien plus loin… Et surtout, l’équipage va naviguer bâbord amures pendant de longues journées et n’aura donc pas à solliciter le foil bâbord abîmé lors d’un choc avec un objet flottant non identifié près des Kerguelen : la partie basse du foil (winglet) a en effet été cassée dans la collision. Les dégâts collatéraux (petite fuite par le puits) ont été rapidement circonscrits et ce handicap technique ne semble pas affecter sensiblement les performances du bateau.

Mais la bonne nouvelle est surtout que la zone de glaces dérivantes qui avait incité Yann Guichard et son équipage à déborder l’archipel austral par le Nord est désormais dans le tableau arrière. Les dernières images satellites indiquent que les icebergs sont actuellement concentrés essentiellement sous les Kerguelen (océan Indien), très au Sud de la Nouvelle-Zélande (Pacifique) et entre les îles Malouines et de la Géorgie du Sud (Atlantique). Le détour par le Nord ces derniers jours n’a de fait pas vraiment ralenti Spindrift 2 dans sa tentative de record au vu des conditions qui régnaient à ce moment-là : hors du risque de percuter un growler (morceau de glace de quelques tonnes), l’état de la mer ne permettait pas d’aligner des vitesses élevées sur une route Sud.

La voie est donc dorénavant ouverte devant les étraves du trimaran géant, au moins jusqu’au cap Horn et l’équipage de Yann Guichard a donc le champ libre pour profiter de conditions météorologiques favorables dès vendredi afin d’entamer le « gros morceau » de ce tour du monde par les trois caps le week-end prochain : le Pacifique !

Distances parcourues en 24h (Spindrift 2 vs Banque Populaire V) :
Distance 24h-Spindrift vs Banque Pop VCe graphique des distances parcourues quotidiennement sur l’eau depuis le départ de Brest confirme que Spindrift 2 a aligné de meilleures journées dans l’Atlantique que le détenteur du Trophée Jules Verne. Mais la chute est conséquente lors du passage au Nord des îles Kerguelen, Banque Populaire V ayant bénéficié en 2011 de conditions météorologiques très favorables avec en particulier la meilleure journée de son tour du monde : 803 milles. Les trajectoires des deux bateaux montrent aussi que le trimaran noir et or a parcouru une centaine de milles en plus sur l’eau en raison de sa route nettement plus Nord dans cette première moitié de la traversée de l’océan Indien.

Bulletin météo – Jean-Yves BERNOT : L’Océan Indien n’a jamais si bien mérité son surnom “Le tunnel”.

Spindrift 2 continue sa route coincé entre dépressions australes et zone de liaison sans vent amené par la dépression venant de Madagascar.
Vent de secteur ouest oscillant entre Ouest.Sud Ouest et Ouest.Nord Ouest pour 20-25 noeuds. Houle d’ouest de 3 mètres.

A moyen terme, la situation est assez frustrante : le bateau butte dans une dorsale entre dépressions australes que l’on arrive ni à amadouer ni à passer en force (les 2 méthodes classiques pour gérer les dorsales).
C’est un jeu stupide : le bateau fait route vers l’est à 35 noeuds, rattrape la dorsale qui se déplace à 20-25 noeuds et ralentit dans la zone sans vent.
La dorsale prend de l’avance et on recommence. L’affaire est supposée durer jusqu’au sud de la Tasmanie.
En physique on parle de “phénomène de relaxation”. Ce n’est pas mon état d’esprit en ce moment…