Que représente cette nouvelle étape entre Annapolis-New York ?
Cela marque le début de la fin de cette longue course autour du monde. On sent que le terme de cette épreuve approche car il ne nous reste que des « petites » étapes, la plus longues étant celle de la traversée de l’Atlantique entre New-York et Portsmouth avec ses 3 200 milles. Avant, nous aurons 400 milles à couvrir entre Annapolis et New York, puis 1 500 milles entre Portsmouth et Rotterdam, et enfin 500 milles entre Rotterdam et Göteburg, le terme de 32 000 milles navigués autour de la planète.
Comment sentez-vous cette dernière partie de course ?
A part le trajet entre Annapolis et New York, que je ne connais pas, le reste est pour moi plus familier. La traversée de l’Atlantique (même dans ce sens là) et le tour des îles Britanniques, je l’ai déjà fait à plusieurs reprises. Je serai donc un peu plus sur mon terrain de jeu. On va bien voir ce qui va se passer. Mais ce qui est sûr, c’est que l’on voit qu’au classement général cela devient très très serré au niveau des points pour essayer d’accrocher le podium. Il va y avoir de plus en plus de bagarre.
Pouvez-vous expliquer cette ambiance entre les concurrents ?
A deux mois de la fin de la course et avec la fin des grosses casses, les teams ont repris la main et sont tous engagés dans une lutte sans merci pour une place sur le podium à Göteborg. Il va y avoir de plus en plus de guerre-guerres psychologiques. Les équipiers vont être beaucoup plus concentrés sur l’eau. Il y aura encore moins de place pour la rigolade. On sent bien cette ambiance sur les pontons depuis Baltimore. L’intimidation est beaucoup plus présente qu’au début de la course….
Quel sera votre équipage pour les deux prochaines étapes ?
Nous récupérons l’Australien Nick Bice, notre chef de quart et boat captain blessé sur l’étape du Horn et remplacé ponctuellement par Yves Le Blevec pour Rio-Baltimore. Par contre, j’ai pris la décision de garder le Brésilien Lucas Brun à bord. Il était venu remplacer le Hollandais Gerd Jan Poortman, blessé sur l’étape Melbourne-Wellington. Au cours des deux dernières étapes, nous avons découvert le potentiel de Lucas, non pas à la plage avant, qui était le poste de Gerd Jan, mais plus dans le cockpit aux réglages. Même si nous connaissons de mieux en mieux notre VO 70, Lucas a apporté un gros plus au niveau performances, notamment sur la dernière étape où nos polaires de vitesse n’ont jamais été aussi bonnes et où le potentiel de vitesse du bateau n’a jamais été exploité à ce point. Même si pour des raisons d’options, le résultat final n’a pas été là. Pour les deux prochaines étapes, je pense que cela va être très important que nous naviguions au maximum de notre potentiel, bateau et équipage et c’est pour cela que je garde Lucas à bord.
C’est un choix difficile ?
Cette décision n’est pas « contre » Gerd Jan, mais « pour » Lucas. Ce n’est pas que Johnny soit moins bon ou meilleur, mais pour les prochaines étapes, j’ai envie d’essayer encore avec cette formation d’équipage. Johnny n’est pas mis hors jeu. Cela n’a rien à voir avec d’autres histoires sur d’autres VO 70 sur cette course. Notre équipage est conçu depuis le départ comme un équipage à 11. Et donc, nous savons tous depuis Vigo qu’il y en aura toujours un qui restera à terre. Cela fait partie de l’histoire de ce team de jeunes talents qui est issu d’un mode de sélection tout a fait particulier. C’est mon rôle de faire des choix selon la configuration des étapes. Chacun a des spécialités différentes qui doivent être mises au service de la performance globale du projet. Mais c’est vrai que je n’ai pas eu beaucoup de temps, avant le départ, pour jauger les capacités de chacun et que je m’aperçois sur le tard des capacités de régleur de Lucas qui vont nous être essentielles sur les prochaines manches.
Votre équipage est très uni, comment réagit-il à ce type de décision ?
C’est sûr que ce n’est pas facile parce que nous avons une très bonne ambiance à bord du bateau. Une ambiance de copains très forte. Et dès qu’il y a une personne qui reste à terre, c’est un peu comme si on amputait notre équipage. Cela fait 1 an et demi que nous sommes un noyau très dur de 11 navigants. Nous sommes tous très solidaires, il n’y pas de guerre entre nous pour avoir tel ou tel poste. Tout le monde a sa place a bord et c’est sûr que quand je prends la décision de qui reste à terre, le reste de l’équipage en est triste, car on aimerait naviguer à 11 et pas à 10. J’ai cogité pendant une semaine avant ce départ et je viens juste de prendre ma décision car tout le monde à bord d’ABN AMRO TWO apporte quelque chose de positif. Mais cette notion de choix et de sa difficulté fait que cela a créée plus de team spirit et de motivation. En ce qui me concerne, j’apprends petit à petit à prendre ce genre de décisions difficiles, c’est bien.
Sébastien Josse : “il va y avoir de plus en plus de bagarre”
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