Vainqueur de l’America’s Cup, multiple fois titré sur le championnat SailGP, Philippe Presti est reconnu pour sa vision stratégique, son exigence de performance et sa capacité à structurer des équipes gagnantes sur le long terme. Son arrivée marque une étape clé dans la professionnalisation et l’évolution du projet français.
Comment vis-tu cette arrivée, enfin, dans l’équipe de France ?
Je suis super content de faire partie de cette nouvelle aventure. J’ai passé pas mal d’années dans des équipes étrangères et, là, pouvoir retrouver cette dynamique, surtout avec l’équipe que Bruno et Stéphane ont montée derrière Quentin, c’est un privilège.
Comment vois-tu le championnat SailGP ?
C’est juste incroyable ce que Larry et Russell ont réussi à monter en seulement cinq saisons. C’est là que l’on trouve le plus haut niveau de compétition imaginable, avec les athlètes, les épreuves, et aussi le bateau en lui-même, qui reste extrêmement technique. C’est vraiment ce qui se fait de mieux.
Quel sera ton rôle au sein de l’équipe ?
Bruno conserve le rôle de CEO, avec Stéphane. Mon rôle, tel qu’il est défini, est d’être le Team Leader de l’équipe, d’organiser le travail global. J’ai signé un contrat de deux ans. Je pense pouvoir apporter des solutions et faire des propositions. Ce que j’adorais faire quand j’étais coach d’équipe, c’était d’être dans la précision. On ajuste les carburateurs, mais on manque souvent de recul. Je vais essayer d’apporter cela à Philippe, mais aussi avec Lucas, notre data analyste, afin de nous focaliser sur ce qui est important sur chaque Grand Prix. On a des configurations différentes, des sites que l’on ne connaît pas toujours. Il y a des « bombes » jetées au milieu des parcours et, à chaque fois, il faut s’adapter.
Cette équipe a tout ce qu’il faut pour gagner. Les moyens sont là et c’était le bon moment pour moi de rejoindre cette équipe et, je l’espère, de faire la différence — en tout cas, d’apporter un petit plus. Je suis toujours très lié à Jimmy Spithill et j’avais la volonté de revenir un peu à mes racines. Ce qui m’a motivé, c’est la performance de l’équipe. Franchement, il y a un avion de chasse sous le capot. Maintenant, il faut faire en sorte d’être plus constant, comme l’a souligné Quentin. Il y a des pics énormes dans la saison. Quand l’équipe gagne en Allemagne, c’est un événement majeur et une victoire très importante sur le plan sportif. Mais à côté de ça, il y a aussi des bas. Ce que l’on va essayer de faire, c’est de conserver les hauts et de pousser un peu le curseur pour trouver des solutions lorsque ça va moins bien.
Pourquoi tout changer ?
Pour moi, une équipe, c’est une dynamique vivante. Il y a des interactions et des cycles. Refaire la même chose avec les mêmes personnes en espérant des résultats différents, c’est compliqué. Cela fait quatre ans que l’équipe fonctionne dans la même configuration et sa dynamique avait besoin d’un boost. C’est la conclusion à laquelle nous sommes arrivés. Il fallait apporter du changement pour obtenir autre chose. On va peut-être repartir d’un peu plus bas, mais c’est pour monter plus haut.
Leigh a une expérience énorme qui va apporter une autre perspective, une autre dimension à l’équipe. Bruno est dans les tuyaux depuis pas mal d’années. Il possède une expérience de dériveur de très haut niveau et navigue depuis longtemps sur des supports volants, que ce soit en ETF26 ou en GC32, notamment dans la sphère d’Erik Maris avec Zoulou. Il a une grosse expérience de régleur, avec un véritable profil de régleur-tacticien. On a pensé que c’était un bon pari. On n’a pas trop de doutes sur sa capacité d’adaptation. Il est très solide, très physique, et il a déjà navigué sur un F50 lors de la première saison de SailGP.
C’est toi qui vas parler à l’oreillette de Quentin, avec Philippe ?
Philippe conserve son rôle de coach et moi, j’apporte une vision un peu plus extérieure. Le coach dans le booth a un rôle de stratège : il est partie prenante de toutes les décisions et pleinement dans la dynamique. Il a une vision très géométrique. J’ai été le premier à mettre en place ce système avec le SailGP. J’ai effectué tous les tests et j’en connais aussi les limites, lorsque l’on est vraiment drivé par une géométrie pure.
Ce que j’ai partagé avec Philippe et Quentin, c’est l’idée que Quentin redevienne un peu plus tacticien — pas forcément dans la décision — mais parce que tu sens le bateau, tu vois des choses que l’on ne perçoit pas derrière un écran. Nous devons donc améliorer la communication, faire davantage parler Quentin et le bateau. Plus on verbalise ce que l’on ressent, plus l’information géométrique devient utile. C’est ce que l’on va essayer de mettre en place. Le rôle du coach en booth est génial et essentiel, mais parfois aussi très biaisé. On zoome sans cesse sur les situations et on manque de recul, de feeling. Il faut que ce soit une balance, un véritable dialogue entre les deux parties.
Philippe continuera d’être la voix de la raison et moi, je serai là pour le challenger, pour apporter ma pierre à l’édifice, notamment dans des phases bien identifiées comme les départs. C’est Philippe qui parlera au bateau. On conserve la cellule de décision.
Quelle est la différence entre Quentin Delapierre et Jimmy Spithill ?
Il faut me laisser le temps de le découvrir. Chaque skipper a une personnalité complètement différente. Honnêtement, je ne pense pas qu’il y ait deux individus similaires à Jimmy dans ce monde. Il est assez particulier, et chacun a ses qualités. Jimmy vient du monde du match race et de la Coupe très jeune. Quentin, lui, a connu des expériences multiples, notamment olympiques. Je vois pas mal de similitudes dans l’engagement, la volonté et le leadership. On parle souvent des skippers, mais il s’agit avant tout d’un équipage, et pour le mener, ce leadership est essentiel.









